La discographie de Richie Kotzen est longue comme le bras. Si nous nous penchons uniquement sur les albums qu’il a enregistrés en tant que membre de groupe, elle est relativement courte, pour près de quarante ans d’activités. Après avoir donné quelques lettres de noblesse à POISON, il a notamment remplacé Paul Gilbert au sein de Mr. BIG et il prépare un second opus en compagnie d’Adrian Smith. En revanche, sa discographie solo est tout bonnement incroyable. Ce gars semble toujours en activité, incapable de tenir en place. "Nomad" est déjà le vingt-deuxième album publié en son nom propre.

Avec Richie, la notion de solo prend tout son sens. Multi-instrumentiste, il n’hésite pas à endosser tous les rôles, dont celui de producteur. Une position qui peut être risquée, ne serait-ce qu’en question du recul nécessaire par rapport à sa musique, mais le guitariste semble savoir ce qu’il veut et comment doit sonner son art. Aussi, il nous propose avec "Nomad" un disque composé de huit titres pour un peu plus d’une demi-heure de musique, sans ligne directrice claire, Kotzen laissant vagabonder son inspiration.

Ce point précis n’aide pas quand il s’agit d’appréhender ce disque qui voyage entre un Hard Rock classique, de la Soul, du Funk ainsi que des touches de Jazz bien présentes. Richie fait un tour d’horizon des musiques qu’il a aimées et qu’il a également pratiquées, laissant transpirer son feeling le long des huit compositions qui se démarquent toutes les unes des autres. Ceux qui apprécient qu’on leur propose des produits soignés et variés seront agréablement surpris tant "Nomad", malgré des années à hanter le circuit pour son concepteur, reste cohérent et qualitatif.

Ceux qui apprécient le musicien ne seront pas forcément dépaysés par ce nouvel essai, mais ils ne seront certainement pas déçus. On sait que Kotzen est un mec généreux. Il suffit de se pencher sur son "50 For 50" pour comprendre. Ici, c’est certes bien plus court, moins dense, mais cela reste toujours aussi généreux. Il suffit de s’attarder sur les deux premiers titres pour comprendre. "Cheap Shots" ouvre les hostilités avec une facette très Rock, où Richie nous gratifie de petits gimmicks dont il a le secret et nous régale avec sa voix de velours. Mais avec "These Doors", il laisse parler ses influences Soul et les invite dans une musique plus électrique, un mariage qui se veut pour le meilleur.

Cependant, ces deux morceaux ne sont pas les arbres qui cachent la forêt. Disons plutôt qu’ils balisent fort bien le terrain pour que nous puissions progresser tranquillement avec lui dans cet album relativement posé, mais qui propose toutefois des éclats de folie, comme "On The Table" où l’artiste fait ressortir toute son agressivité et où il propose son riff le plus sec. Aussi, les deux derniers morceaux viennent grandement calmer le jeu. En effet, "This Is A Test" est LE passage obligé, celui de la ballade acoustique. Personnellement, j’aime bien, Richie parvient à créer une proximité avec son auditeur, l’impression d’être dans la même pièce que lui, à l’écouter tout simplement gratter ses cordes et chanter.

Quant à "Nihilist", c’est une autre paire de manche ! Le titre se veut encore une fois calme, mais il se veut bien plus barré, avec des relents Jazz Rock qui renvoient à Frank Zappa. Le morceau semble complètement déconstruit, mais après quelques écoutes, les repères se mettent en place et la chanson vient prendre une ampleur à laquelle nous ne nous attendions pas forcément. Et cela ne concerne pas que "Nihilist", beaucoup d’autres titres se dévoilent petit à petit au fil des écoutes, comme la chanson titre qui est également un petit bijou offert par Kotzen.

Celui qui connait l’œuvre du bonhomme et son éclectisme seront ravis. Ceux qui le découvrent en solo ici après être passés par la case POISON pourraient bien être surpris par le toucher du guitariste et son chant un peu particulier, loin des clichés propre au Hard Rock pur et dur. Dans la démarche, il peut légitimement faire songer à un Glenn Hughes, tant il laisse transpirer ses amours musicaux qui ne se cantonnent pas au Rock.

"Nomad" est un disque plaisant qui ne révolutionnera pas le genre, mais qui a le mérite d’être attachant. Nous n’allons pas demander à Kotzen de révolutionner le monde de la guitare. Il a son style, qui emprunte beaucoup aux années 70, qui embrasse la Soul, le Funk, le Blues et il mélange ses influences, tout en restant toujours digeste. Cet album n’est pas simplement un LP que l’on se passe entre deux écoutes plus brutales pour se rincer les oreilles, il s’agit d’un disque qui s’apprécie facilement, mais qui se dévoile d’autant plus sur la durée qu’il est court. Un joli travail, jouissif, mélodique, parfois puissant, qui pourtant n’est qu’un condensé des goûts de son interprète. Une bien belle offrande.


Morceaux préférés : "Nomad", "Nihilist", "Insomnia", "These Doors".
Celui que je n'arrive pas à retenir : "Escape".