Dans l’attribut « Mélancolique » dont on affuble parfois une déclinaison plus accessible du Black Metal, certains ont tendance à négliger le « Mélan » pour ne retenir que la seconde partie du qualificatif. En résumé, ce sous-genre les fait chier profondément. Pas assez raw, trop cheesy, aguicheur voire mainstream (mais dans quel monde de brutes vit-on ?), tel est le destin de ce courant qui ne bénéficie pas de la même bienveillance que le Melodeath made in Göteborg. Ce n’est bien évidemment pas mon cas, comme vous l’aurez deviné, puisqu’il me permet par fugaces moments de rejoindre Storm dans ses perversions, le temps d’un artiste, d’un album, d’un instant, sombrement ancré au sein de nos noirs desseins. L’ami John en est également particulièrement friand au sein de la rédaction, ce dont vous vous foutez peut-être, mais qui illustre malgré tout la popularité relative du style au sein de la rédaction.

Après le très réussi "Eternity Whispers" qui m’avait salement aguiché en début d’année, il est plus que temps de revenir sur la (courte) discographie d’OUBLIETTE, combo ricain formé en 2011 dans le Tennessee, qui a bien quelque chose en nous (à réveiller), en commençant par ce premier essai : le bien-nommé "Apparitions". Ce Méloblack élégant se pare en effet le plus souvent de ses plus beaux habits Heavy, si tant est que l’on pourrait presque penser à du IRON MAIDEN de la belle époque lors de certains passages instrumentaux. Ce n’est pas le racé "Creatures Of The Endless Slumber" qui démontrera le contraire. Les envolées harmonisées sur fond de cavalcades soudaines filent en effet les poils tout au long de l’épopée traversée par une série d’arpèges qui m’évoquent le mésestimé "Afraid To Shoot Strangers" de la Vierge de Fer.

Si "Eternity Whispers" mariera plus tard Black et Death dans un savant équilibre toujours hautement mélodique, "Apparitions" se montre plus ancré sur des racines norvégiennes que suédoises, s’avérant par conséquent également moins surprenant. Il n’en demeure pas moins aussi savoureux, et se découvre et s’apprivoise avec délectation sur la durée, ce qui n’est pas la plus mince des réussites de la formation. Trop de groupes officiant sur ce créneau nous proposent de nos jours de la fast-musique, à l’instar de la fast-food ou de la fast-fashion, pour une consommation immédiate et déjà obsolète une heure plus tard : vite mangé, vite digéré, vite chié (seconde incantation scatophile, il faudrait que je consulte rapidement, l’abus de Patton semble dangereux pour la santé mentale).

Le rythme est plutôt posé en général, dans la plus belle tradition Heavy 80s. D’une durée moyenne de sept gourmandes minutes, les pistes ici gravées respirent, prennent leur temps pour forger des ambiances abouties tout autant que des digressions inspirées, utilisant toutes les options disponibles sur la table : nombreux interludes acoustiques, passage en mode valse à trois temps désenchantés, chant clair féminin, chœurs intrigants et éthérés, tout y passe ! Rien de révolutionnaire bien entendu, mais l’ensemble est remarquablement construit, pensé, orchestré et surtout exécuté, surtout s’il on considère qu’il s’agit là un essai séminal.

Bien sûr, la production n’est en revanche pas dingue – il ne manquerait plus que cela -. Si rien ne s’avère particulièrement honteux, disons que le chant est parfois noyé dans la réverbe et que les riffs auraient pu se montrer un chouïa plus incisifs dans le mix, part belle étant faite aux aigus. L’équilibre reste toutefois largement acceptable, d’autant que les voix extrêmes ne sont pas, à l’époque, le point fort d’OUBLIETTE. Limite caricaturale, sans grande personnalité ni émotion, on sent clairement que le groupe (dont sa chanteuse) a une énorme marge de progression sur le sujet, qui se manifestera d’ailleurs par la suite. Nous ne leur tiendrons de ce fait pas rigueur outre-mesure de la chose, tant elle ne saurait occulter l’impression générale laissée par "Apparitions".

Après un départ sympathique mais pas transcendant non plus, le disque s’élève réellement avec "The Fog", habitée, qui ouvre une triplette de haute volée intégrant "Withering Dreams" (sans doute ma préférée de la galette) et la touchante "A Beautiful Suicide", sur laquelle beaucoup d’émotions passent grâce au talent des zikos. Dommage que la trop académique "Howls Of Death" ne viennent quelque peu briser l’état de grâce INSOMNIUMisant dans lequel OUBLIETTE nous avait plongé.

Ce premier effort s’avère au final extrêmement positif, quand bien même il ne serait exempt de légitimes réserves, dont une certaine hétérogénéité parmi les morceaux. OUBLIETTE pose ses bases clairement, et fait preuve d’un potentiel réel qui ne demande qu’à être développé avec le temps. Patience est mère de toutes les vertus, paraît-il…

Note réelle : 3,5/5.