Les compositions de "Martyrium" ne datent pas de l’an 2000. En effet cet album que Endtime Productions a sorti de bonne grâce pour entamer le nouveau millénaire était le fruit déjà établi six ans auparavant. ANTESTOR à ses débuts n’a pas joué que de chance, et "Martyrium" cristallise aussi le Dark Side des labels d’enregistrement qui plantent de temps à autres des couteaux à longues lames dans le dos des artistes. Et Morphine Records fait partie de ces escrocs notoires qui contrarient jusqu’à l’os. L’enregistrement déjà effectué, ANTESTOR pensait pouvoir sortir "Martyrium" dans de bien meilleures conditions que le proposait Arctic Serenades Records (le label originel). Sauf que le boss de Morphine Records les a bien eus. Le mastering en poche, et sans avoir signé le moindre contrat avec nos Norvégiens, Burrito (le manager, ça ne s’invente pas !) va utiliser les bandes promotionnelles pour les vendre à qui mieux-mieux et de manière illégale. Cinq ans plus tard il restait donc des copies des bandes originelles que ANTESTOR récupèrera et on connait la suite…

Et c’est vrai que si l’on s’attarde sur le contenu de "Martyrium", il serait malaisé de l’imaginer post- "The Return Of The Black Death" (1998). L’album s’aventure dans du Death assez basique sans tomber dans les affres de la rugosité. Certains titres commencent à louvoyer dans des sphères plus mélodiques et doomy, je pense notamment au très intéressant "Under The Sun", ou bien encore au davantage irascible "Inmost Fear", mais surtout à la très déchirée "Thoughts" avec son introduction aux claviers captivante et ses leads fendant l’air. ANTESTOR dévoile la prochaine mue possible du groupe sur ce premier album. Malgré des approximations bien légitimes – eu égard à leur jeunesse et à la genèse mouvementée du groupe – ANTESTOR produit ce qui est et restera le premier album de UnBlack Metal. Je reste sensible à cette prise de risque surtout lorsqu’elle s’accompagne d’un titre formidable, "Mercy Lord", œuvrant dans un Doom liturgique et doucereusement funéraire clôturant quarante-sept minutes de pêle-mêle Metal. La voix féminine de Tora éteindra l’album de la plus belle des façons… Alors certes "Martyrium" est inégal, sa première partie ne jouant concrètement pas en sa faveur, mais ce premier opus a le mérite de se lover dans une certaine forme d’originalité qui n’aurait certainement pas déplu au sieur Swanö dans son projet EDGE OF SANITY.

En 1994, les temps ne sont pas faciles pour nos Norvégiens. Pas simple de s’afficher jouer du Black Metal avec pour seul mot d’ordre et comme étendard principal l’idée de combattre par la lumière du Christ les esprits ténébreux. Les esprits s’échaufferont – rappelez-vous du contexte de l’époque propice à ce soufre – et les langues se délieront pour présager de mauvaises œuvres. Comme le relate la discussion entre Bård Faust (à l’époque batteur de EMPEROR) et Euronymous (MAYHEM) retranscrite dans le fanzine Orcustus. Extrait…

« Bård Faust : Tu ne trouves pas que c'est affreusement mauvais que ce soit allé suffisamment loin pour qu'on ait des chrétiens qui fassent du Black Metal ? Un conseil sur comment on devrait les tuer ?
- Euronymous : C'est déjà assez grave d'avoir des groupes sociaux, mais un groupe chrétien c'est trop. Mais t'inquiète pas, on a des plans. Ils ne continueront pas longtemps ».

Mais heureusement ANTESTOR continuera sur sa lancée, faisant fi de ces menaces à peine voilées. Et heureusement pour nous car l’album suivant, "The Return Of The Black Death" est un condensé de ce que comporte le contenu des plus malaisants des caveaux. Et ce dernier escamotera la suite bien des années après lorsqu’enfin le line-up se stabilisera et adressera à la face du Black Metal en 2005 un chef d’œuvre intemporel : "The Forsaken". Pour l’heure écoutez donc cette seconde partie de "Martyrium" pour faire amende honorable peut-être et expier un bon coup.