Tiendrait-on ici le meilleur des quatre albums d'EX DEO ? Je le crois.

Et ce n'est pas sorcier de comprendre pourquoi : "The Thirteen Years Of Nero" est la conjonction de toutes les forces de ce side-project, qui ne cesse d'évoluer depuis sa première comparution devant le Sénat romain, en l'an de grâce 2009. C'est surtout la guérison de toutes les petites blessures amassées au fil des apparitions des cinq mirmillons dans l'arène ; EX DEO offre ici un disque plus homogène, recherché et subtil, catchy, bien écrit et composé, passionnant à plusieurs endroits névralgiques. Bref, du bon gros Death Mélo épique et orchestral qui ne tombe plus dans la redite, l'attaque molle de la rotule ou les montagnes russes. Le début d'un temps nouveau ? Après tout, c'est de Rome qu'on parle, putain d'bordel…

C'est simple : EX DEO a trouvé la formule idéale pour étaler tous ses fantasmes historiques et sa soif de fanfare. Seul le batteur a changé depuis "The Immortal Wars", donc on peut croiser les doigts pour que le combo ait coulé sa main-d'œuvre dans le marbre. Barbe et Dagenais abattent le « riff-taf » comme d'hab, à un niveau aussi élevé que sur le très bon "Caligvla". Maurizio varie son timbre comme un chef et incarne avec brio la folie des empereurs, mais est-il la star de ce skeud ? Hum, non. Jens Bogren aux manettes ? Eh ben non, Dagenais le remplace et n'a pas à sourciller !

L'arme secrète ? Les Québécois ont fait appel, pour la seconde fois de suite, à la pointure néerlandaise en orchestrations Clemens Wijers, qui partage son talent notamment sur les albums de CARACH ANGREN. C'est lui qui s'enfuit avec les grands honneurs sur ce "The Thirteen Years Of Nero". Le champ sonore qu'il cultive ici est aussi poignant que riche, plus que sur "The Immortal Wars". Rappelez-vous l'excellente clôture de cet album, "The Roman", dramatique descente à l'ambiance d'une tristesse surprenante. Je suis encore hanté par la qualité de cette trame, à base de piano et de chœurs féminins, qui s'achève sur un simulacre d'harmonica du Far West…

Eh bien, sur ce Chianti 2021, Wijers arrive à se dépasser en créant des tableaux sombres dignes des forfaits scandaleux et débiles de Néron, jugé deuxième empereur romain le plus fou derrière Caligula. "The Fall Of Claudius" met la table avec son riff pachydermique, ses effets de distorsion et sa pesanteur, surtout vers la fin du morceau. Toutes les idées dont il tapisse "The Thirteen Years Of Nero" frappent la cible, qu'il se colle au rythme des musiciens pour amplifier leurs propos, comme sur "The Head Of The Snake" et "Son Of The Deified", qu'il instaure un climat homérique ("Britannia: The 9th At Camulodonum", "The Revolt Of Galba"), qu'il nous fasse un numéro de charme sur l'inoubliable "The Fiddle & The Fire", ou qu'il prenne le contrôle afin de nous subjuguer ("What Artist Dies In Me?", ma nouvelle préférée de la disco d'EX DEO) avec ses bidouillages fantomatiques. Bonus : les Montréalais ont eu un petit eureka en invitant Brittney Slayes à chanter sur le refrain de "Boudicca".

Il y a donc à boire et à manger comme un vrai Iacono sur ce quatrième effort d'EX DEO, son plus réussi je le rappelle. C'est lui qui contient les marqueurs qui lui ouvriront les ingrates portes de la postérité. Si le projet s'éteignait demain et qu'il n'y devait en rester qu'un, ce "The Thirteen Years Of Nero" incarnerait son Highlander.

Amateurs de péplums, de Death Mélo, de Metal épique et orchestral, vous ne devez pas bouder ce petit plaisir. Ce serait être aussi con que Néron l'incompris a pu l'être…

Note réelle : 4,5/5.

Podium : (or) "What Artist Dies In Me?", (argent) "The Fiddle & The Fire", (bronze) "The Fall Of Claudius".

Indice de violence : 2,5/5.