Comme tu peux t’en douter, Ô lecteur exigeant, il y a un certain nombre d’artistes/de groupes pour lesquels il y a tout lieu de s’interroger concernant le bien-fondé de la présence sur NIME, fleuron hexagonal et encyclopédique on-line entièrement dédié à la musique métallique (tant réputé pour sa richesse rédactionnelle proverbiale que pour l’absence de bannières de pub horripilantes s’il te plaît !).

Suis-je d’ailleurs le mieux placé pour en causer ? Moi qui ne cesse d’explorer, non sans une certaine délectation coupable, cette nébuleuse bariolée à la croisée des chemins du Prog’, du Rock burné, de l’Alternatif… Quand tout cela ne bascule pas dans l’expérimental pur et dur comme avec les hurluberlus extraterrestres mais au talent si bourgeonnant de THANK YOU SCIENTIST par exemple ! Bref, pour ceux d’entre-nous qui nous amusons à défricher ces frontières (souvent mal tracées il est vrai !), c’est un questionnement récurrent et il arrive ponctuellement que Les Grands Anciens NIMiEns posent galactiquement leur veto sur une proposition trop audacieuse : Le doute m’habitant dès l’envoi de la dite suggestion, je n’ai alors pas jugé utile d’insister ! C’est une vie d’équipe et il est important de s’y fier…

Mais là ou les choses peuvent se compliquer c’est lorsqu’on entame la discographie d’un combo dont les riffs et l’esprit sont pile poil dans les clous mais que pour une raison qu’il est parfois difficile de discerner (évolution artistique, mode, besoin de raviver ou de faire survivre sa notoriété, pognon…), les gars te pondent alors un truc improbable, complètement électro-déjanté ou noyé dans le rose-bonbon sirupeux au goût cacahuète du plus moche effet… Et là ; c’est le drame !

C’est à peu de choses près ce qu’ont commis les quatre jeunes (et néanmoins talentueux) Allemands d’UNPROCESSED, dont l’un des gratteux venait d’ailleurs de claquer la lourde, avec un ovni empaqueté dans du papier jaune bling-bling pour le justement nommé "Gold" (2022). Ovni tout de même relatif pour cette formation teutonne prolifique dont la marque de fabrique consistait justement à entrelacer, non sans un certain art, des effets électro-popisant avec des rythmiques hypnotico-millimétriques, le tout saupoudré de relents Metalcore et porté par une réelle virtuosité/technicité de la part de ces jeunes musiciens sortis de nulle pärt (en Allemagne) !

Or, "Gold" casse complètement les codes : lignes rythmiques démonte-pneus comme chant hurlé (quasiment) inexistants, puissance laissée aux vestiaires… et plus grave ; une agressivité totalement dissoute dans des sonorités synthétiques elles-mêmes difficilement portées par une voix mielleusement aseptisée tout en étant truffée d’effets… Gros bouzin intrigant dont tu peux consulter la kro désabusée sur ton webzine métallique préféré ! Autant dire que ce nouveau cru 2023, successeur d’un suppositoire auditif dont la présence sur NIME ne se justifiait qu’à la seule excuse d’une poursuite de discographie, serait déterminant pour le maintien (ou pas !) des Allemands sur notre site métallique préféré… l’excuse initiale ne se justifiant plus pour moi dés lors que le virage stylistique est officiellement assumé sans espoir de retour… et je m’y serai tenu !

Paru fin 2023 armé d’une illustration de pochette où toute notion de jaune a été scrupuleusement exclue, "...And Everything In Between" a très rapidement répondu à mon dilemme : UNPROCESSED y déploie un Metal tant rageur que cadencé aux ambiances diablement pilonnantes et pimentées… véritable bélier sonore, faisant de cet opus l’opposé parfait d’un "Gold" qui lui semble de fait symétriquement opposé !
Nos quatre teutons aux looks éternellement proprets de lycéens gentiment attardés y déversent toute leur énergie et leur technique instrumentale en alternant des séquences particulièrement bourrines aux rythmiques tant trépidantes que martelantes, des passages aux lignes délicieusement ciselées (mon Dieu quelle virtuosité dans ces jeux rapides et déliés guitare/basse !), de quelques pauses aux relents atmo sans oublier les petits, et pour le coup particulièrement discrets, effets Électronico-Pop qui font la signature du combo.

C’est sur ce modèle aux proportions inversées que l’ami Manuel Gardner Fernandes vient poser sa voix dont les hurlements, pas ridicules pour deux sous, contribuent à alourdir les gifles déjà copieusement administrées par le bloc instrumental : UNPROCESSED retrouve et confirme en mode masse d’armes sa signature artistique bien identifiable car mêlant des influences comme le Prog’, le Metalcore sans oublier le Djent ou encore l’Électro en enrobant tout ça d’une énergie à faire péter les vitres ainsi qu’une technicité doublée d’une finesse de jeux à faire chialer des plus grands et des plus connus !

Alors oui… après avoir maudit jusqu’à la cinquième génération les gloussements Électro-Pop ou les zigouigouis atmo-dégoulinants de "Gold", j’ai les tripes qui ont frémi à l’écoute du noir, profond et si prenant "Abysm" et de ses riffs saturés lents comme puissants sans oublier ses accélérations diaboliques,

Après avoir baillé devant des ambiances mollassonnes et sans âmes de 2022, j’ai frissonné de plaisir à en hurler face à ce "Glass" au maelstrom tournoyant dont les arpèges rapides et son bridge mettant en avant une basse pilonnante…

Après avoir désespéré sur un chant plagiant péniblement un Justin Bieber déjà plus de mode sur cet opus enrobé comme un bonbon, je bave d’émotion sur l’hybride "Blackbone" qui mêle si intelligemment riffs balayés, ligne groovy et chant hurlé…

Je n’aborderai d’ailleurs pas la présence des guitares de Scott Lepage et Timothy Henson (POLYPHIA) sur le torsadé "Die On The Cross Of The Martyr" car ça n’apporte rien de global au bouzin même si on est content de le savoir et qu’en plus on profite d’un joli solo guitare, fait assez rare pour la formation… Zut, j’en ai parlé !

Bref. Comme tu l’auras compris cher lecteur méticuleux mais sachant être indulgent, ces taquins d’UNPROCESSED ont su me retourner comme une vulgaire crêpe avec ce "...And Everything In Between" rageur et cogneur à ravir par lequel ils expient leur précédente sortie de route. Brutal mais sachant ménager de belles séquences progressives, ce cru 2023 se situe aux antipodes de son prédécesseur à l’exception peut-être du désir de poursuivre une exploration musicale où ces jeunes Allemands (talentueux, je me tue à le répéter !) se sont lancés depuis leur cri initial de 2014. Ce revirement n’étant pas forcément dénué d’une quelconque arrière-pensée, il n’en demeure pas moins qu’il ravira les fans de la première heure comme les amateurs de sensations exotiques. À découvrir donc…

Seul devant ce Bouddha vermeil aux faces hurlantes planqué au plus haut sommet d’une montagne improbable, j’allume une baguette d’encens dont la tige jaune criard se décompose à la chaleur de sa propre combustion. Je trace délicatement dans le sable sanctifié un 4/5 généreux pour ce "...And Everything In Between" qui illustre toute ma joie de retrouver UNPROCESSED bien vivant et armé de cette belle envie d’en découdre. Sauront-ils la conserver ?

- pour l’ambiance et la frappe : "Abysm",
- pour le tourbillon : "Glass",
- pour le groove : "Blackbone".