Cela fait bientôt deux ans que CROSS CONTACT a croisé mon chemin. Deux ans que son "Renaissance" m’a mis une mandale et que je ne m’en suis toujours pas remise. Pire encore, je me suis enfoncé dans l’album, l’aimant encore plus à chaque écoute, ressentant l’urgence et l’envie de fuir ce monde qu’il dégage avec une viscéralité qui me tord les tripes à chaque fois. Et voilà donc qu’en février, Maëlle revient avec un nouvel album au titre évocateur. "Renaissance" est devenu une drogue, "Rechute" me fait sombrer encore plus.

"Rechute" est un constat amer, la tentative de fuite qu’était "Renaissance" n’a donné qu’un court instant de calme avant que la réalité ne revienne brutalement. De ça vient un constat simple : si on ne peut s’échapper de cette réalité si oppressante qui était dépeinte dans l’album précédent, alors on va tout simplement l’affronter. Exit donc l’expérience purement introspective et émotionnelle, avec "Rechute", CROSS CONTACT a soif de sang et va nous propulser au beau milieu d’une guérilla urbaine. La recette du Black Metal Industriel de CROSS CONTACT reste reconnaissable aisément, mais les choses sont différentes. L’ouverture "Cristaux du Vide" nous le fait directement comprendre en choisissant de mettre les synthés cosmiques de "Renaissance" au second plan pour mettre en avant un beat Indus lourd et pesant et des guitares rampantes et menaçantes. Il faut attendre l’arrivée de "Grogir" pour enfin se prendre une première grosse mandale, le riffing qui me rappelle les passages les plus Indus de DARKSPACE qui rebondit sur un beat à la fois lourd et frénétique est juste énorme et le morceau culmine dans une apogée atmosphérique absolument folle.

La suite continue d’enfoncer le clou et de nous perdre dans cette ambiance chaotique, je me vois aisément dans une rue, barre de fer en main, au beau milieu d’une mêlée générale alors que des véhicules proches sont en feu, que des molotov explosent contre les vitres des immeubles et que des sirènes hurlent au loin. "Déflagration", "Double Meurtre" et "Conspiration SZR" vont encore plus me faire sombrer en continuant à fond jusqu’à monter à un paroxysme de violence sur "Double Meurtre" qui va se muer en envolée atmosphérique salvatrice pour devenir une transe hypnotisante sur "Conspiration SZR". Je vois "Névralgie" comme une version inversée de "Face au Mur" qui était sur "Renaissance", les deux sont les morceaux qui te font brutalement redescendre alors que tu étais sur le point de t’élever si haut que tu en devenais intouchable, sauf qu’au lieu de la tristesse poignante et les mélodies de "Face au Mur", on se retrouve avec une explosion de violence aussi courte que subite. Comme un coup de tonfa qui te sortirait de ta rage sanguinaire qui aurait pris possession de ton corps.

Alors on reprend ses esprits et on y retourne, la fin d’album est tout aussi excellente, "Revenir Demain" avec le duo WORHS en guest au chant est le tube de l’album et les morceaux restant continuent d’aligner les coups avec ardeur. "Rechute" se termine alors sur "Errance pt.II", le sol est jonché de corps morts ou inconscients et les quelques personnes encore debout ne le sont plus pour longtemps alors que l’adrénaline du combat s’estompe. Les synthés cosmiques, en retrait pendant tout l’album, surgissent enfin et, bien que frénétique, ce final se montre doux et apaisant. Est-ce que c’est un chant victorieux pour ceux qui ont tenu ou est-ce que c’est un chant pour apaiser ceux qui ont sombré dans l’abysse ? À vous de voir.

Avec "Rechute", CROSS CONTACT réussit à sortir un deuxième album aussi incroyable que son premier sans tomber dans la redite. "Renaissance" m’avait fait pleurer avec sa puissance émotionnelle, "Rechute" me remplit de rage, me donne envie d’aller casser des bouches à des cibles mûrement choisies (l’album étant décrit par Maëlle comme parlant du combat éternel contre l’obscurantisme, vous imaginez bien que ça va pas être le premier pégu venu qui va prendre). C’est un formidable album et je sais pas pourquoi, mais je sens que ça va être mon album de 2024.