Lorsque démarre l’album avec "Microcosmos" c’est comme si vous receviez en pleine face une tempête de neige à laquelle une vaste forêt semblait faire rempart. Alors que vous n’aviez pas quitté ce sentier forestier, des bourrasques brusques et dévorantes s’empressent de fondre sur vous. Balayé par le vent et le froid, au milieu d’un blizzard givrant ininterrompu qui vous pétrifie et vous mire, vous ne faites que penser à survivre. Des volutes de spectres remplissent l’air à foison, le condensent et forment une brume épaisse qui anéantit toute perspective de vision. Vous voilà donc livré à vous-même et aux forces obscures qui s’agitent de plus en plus autour de vous au fur et à mesure que le crépuscule s’amenuise.

Sentez donc ces puissances et ces forces jaillir de toutes parts vous entourer. Sentez car vous n’y voyez plus, c’est déjà trop tard ! Au loin le vent s’est accouplé aux murmures inquiétants de mystérieux êtres, fussent-ils encore vivants, et il vous apporte un message noir et angoissant. La nuit est là, elle est morte, et elle s’enivre des âmes errantes. Que faites-vous alors ? Trébucherez-vous ? Capitulerez-vous ? Laisserez-vous la Nature s’emparer de vous ? Désirez-vous qu’elle vous transperce, qu’elle s’éprenne de vous en vous rongeant ? Oserez-vous une dernière fois tenter d’apercevoir la Voie Lactée avant de soupirer ? Auriez-vous ce plaisir de voir scintiller les étoiles qui constellent autour de vous ?

Pour l’heure vous peinez à y croire, vous doutez de votre dernier instant. Il est donc temps de se ressaisir et d’affronter la horde de la nuit, les cohortes noctambules et l’agilité de la Mort qui vous guette. Et ce n’est qu’après un dernier évanouissement, et une ultime reprise de connaissance que vous reprenez cette marche. Percevez-vous ces hurlements monstrueux ? Ces chuchotements effrayants ? En regagnant une clairière sombre une musique lancinante et hypnotique vous attire irrémédiablement. Elle semble évincer la tempête. Et cette musique est celle de SEVEROTH. Au plus profond d’une forêt impériale et au détour de chemins inconnus, voilà que sonnent les prodromes d’une expérience inquiétante aux accords parfaits, aux embardées atmosphériques stratosphériques et pernicieuses. Asseyez-vous donc et ressentez cette perfection….

… Notre Ukrainien segrège un peu sa concurrence sur cet album de haute-volée. Son travail de composition est exceptionnel et les ambiances qu’il arrive à tisser au travers de ses riffs racés et des notes émotionnelles de son clavier sont tout bonnement à tomber en pâmoison. La mélancolie, la rêverie, et le règne de la haine semblent trouver leur point de fusion. "There Inevitably Will Be Snow" et "In The Heart Of Greyhaired Carpathians" sont des titres mirifiques. De purs joyaux de Black Metal Atmosphérique qui m’empressent à fermer mes paupières et à ressentir en moi tous les mouvements internes, les décharges hormonales, les spasmes, les frissons qu’ils créent. Plus rien ne paraît exister hormis le goût des ambiances, l’odeur des riffs, le toucher invisible des hurlements qui s’ébruitent et palpitent dans mon cœur.

"Forestpaths" est une ode ultime à la nuit, à un impossible lumineux et sombre à la fois. Bardé d’une poésie tenace, cet album marque le pas et embarque à lui des cortèges d’âmes désemparées et songeuses. SEVEROTH sait manier avec brio et maestria les successions d’ambiances par l’alternance des rythmes, l’adjonction d’effets sonores, l’apparition lumineuse de solo éclatants que les claviers subliment. Et en me laissant porter par le voyage instrumental du dernier titre "Via Lactea", c’est une sensation de lévitation extatique qui s’opère en moi. À moi alors les ondes Thêta et l’envie prodigieuse de recommencer le voyage sempiternellement. Dans la discographie superbe de SEVEROTH se dresse "Forestpaths", l’album somme toute pour moi le plus éclatant et le plus densément peuplé de rêverie. En matière de Black Metal Atmosphérique peu d’albums iront tutoyer cet album. Magique !