Il y a un an quasiment jour pour jour, je vous parlais de CHYMIST et de WITHFLAME, deux groupes finlandais qui avaient enflammé mes écoutes par leur Black Metal pugnacement mélodique et envoûté. Et ce sont des adjectifs un peu banals pour qualifier la signature ou la patte singulière de cette scène bien qu’il faille, à mon sens, aussi lui ajouter le mot ensauvagé. La Finlande et le Black Metal Atmosphérique (entre autres) ont toujours fait bon ménage. Leur gémellité entre splendeur hostile et indomptabilité secrète se confirme de plus en plus au fil du temps.

KIIRA est un de ces groupes discrets qui agite des ombres discrètes au milieu de paysages et d’espaces sonores intranquilles. La mélancolie guide beaucoup les compositions de ce troisième album. En remontant le fil discographique de ce groupe, force est de constater qu’il a évolué mais que son efficacité d’ambiances fait partie de sa genèse. Rien que la toute première démo de KIIRA sortie en 2015, "Taottu Mustassa Tulessa", bien Raw dans l’âme, suinte le gaz poivre et le riff tueur. Je pense notamment à son titre central "Jäisestä Haudasta" qui avec son mid-tempo nous agite de mouvements stéréotypés. Peut-être l’écouterez-vous, qui sait ? En tout état de cause, en 2025, KIIRA nous propose un album généreux en turpitudes et en mélodies magnétiques tant le travail de ce trio est puissant.

C’est donc un voyage lancinant qui vous attend et qui va bercer vos neurones. Un bain dans une eau noire les attend et elles y tremperont tout du long de la durée de cet album. La production claire et puissante donne entière satisfaction. Elle nous immerge totalement dans les méandres inextricables de cette eau noire qui absorbe la lumière de vie. Les incantations de Käärmeenkieli majorent aussi cette torpeur qui nous saisit aux chevilles pour nous entraîner vers le fond. Quelques notes BURZUM-iennes apparaissent notamment sur le titre "Tuliportit" et exhaussent cette hypnose continue, lascive et déréalisante. Mention spéciale au superbe et contagieux titre éponyme, avec ces leads délicats tout à la fois calmes et beaux. "Varjohaaksi" est aussi très réussi, tout aussi sombre mais davantage dynamique et mordant. "Suruntuoja" est le titre le plus long et à la conclusion de l’album. Il déploie en son sein un court solo mélancolique que noiera bientôt, comme à l’accoutumée sur cet album, un mur de son fait de trémolos hypnotiques.

KIIRA nous assène donc en ce début d’année son album le plus abouti. Certes, les amateurs de variations rythmiques ou d’envolées mélodiques n’auront pas de quoi se sustenter avec "Syvyyden Yllä", les autres pourtant, ceux dont leur cœur est déjà terrassé par les ténèbres depuis de nombreuses années, y verront à nouveau de quoi agiter la transe meurtrie de leurs âmes de damnés. Cet album puise et absorbe, il est incroyablement fort pour nous recentrer sur notre intimité et nous faire partir dans nos pensées. À son écoute, c’est le temps qui passe et c’est aussi nos yeux hagards qui le laissent fuir.