Qu'il est douloureux de chroniquer cette galette. D’une part, car bien que l'esthétique nippone m’eut séduit au cours de mes années adolescentes au travers de la culture manga et anime, mon éloignement graduel ne me permet désormais plus d'investir autant que je le devrais dans l'univers exploré ici. D'autre part, et majoritairement du fait qu’après s'être lancé à deux-cents kilomètres par heure sur l’Autobahn les yeux fermés avec "Låniåkeå" (que je n’écrirai qu’une seule fois de cette façon), THE RITUAL AURA semble ne pas s’être soucié de la glissière de sécurité un peu trop saillante, en s’engouffrant dans un album concept très tortueux. Par "très", comprenez "trop".

"Tæther" est pour ainsi dire le premier d'une lignée ininterrompue d'albums avec un parti pris assumé de bout en bout à la limite de l’autisme, quitte à s'encroûter aveuglément dans un ventre mou comme en témoigne la galette en présence. Pour en revenir au Japon, et comme préambule à l'agacement, je sens que je vais devoir faire un sacré paquet de copier/coller pour ne pas altérer les titres originaux… D’ailleurs, hormis en dehors des dénominations sortant de notre alphabet latin, peu d’indices musicaux laisseraient penser de prime abord que les titres voguent entre du Mayazaki ou du Watanabe. Entendez par là qu’il recèle d’assez peu de gimmicks orientaux tintinnabulants ou en mineur joyeux (fort heureusement dans un sens, car un album de plus d’une heure transpirant Michel Leeb aurait paru très long).

En parlant de longueur, mais que s’est-il passé entre "Laniakea" et ses vingt-cinq minutes, et l’heure dix dépassée pour "Tæther" ? Certes, comme dit précédemment l’angle Death Tech incisif de son prédécesseur a été délaissé au profit d’une approche nettement plus Progressive et travaillée, mais pour un résultat hélas bien trop diffus -à défaut d’être édulcoré-. Pourtant, après l’introduction "Tæthered Betwixt/Heartless", s’enchaînant extrêmement mal sur "Ghostgate", tous les espoirs sont permis, car il s’agit là d’un des rares titres réellement convaincants de l’album, concentrant tous les ingrédients faisant le sel de TRA, à savoir une rythmique syncopée, une alternance entre un chant growlé très glaireux et un chant clair équilibreur, conforté par de subreptices passages au clavier.

Du reste, beaucoup de faux pas seront donc à déplorer durant ce très long tour de cadran, entre rythmiques bateau (à la "War Pigs" sur "Until Absence Confides Eternal"), des interludes bien trop nombreux (mention spéciale à la doublette "(I) That I May Cease To Be" // "Mononoke • 一 • A Grievous Betrayal"), et globalement un gloubi-boulga que l’on pourra qualifier méliorativement comme un fourmillement d’idées, dont aucune ne ressort véritablement du lot ou ne reste en mémoire dans ce fatras de dix-sept titres. On appréciera un lick par-ci, un riff par-là, un contretemps bien senti par ailleurs, mais il est impossible d’identifier s’il était sur "Kage No Yamai / Shadow-Sickness" ou "Hitodama / Like Fiery Lanterns" tant les structures se télescopent ou se font des appels du pied sans réelle logique ou liant. Ah oui, et la quadrilogie "Mononoke" ne sert foncièrement à rien. Finalement, j’évite de me taper les kanjis (et je ne parle pas de Jeff bande de petits pervers).

La surabondance de piano, tentant vainement d’adoucir le chant hyperviolent et technique de Kay est également un élément agaçant de plus à déplorer dans le rendu final, là où le choix de moments plus sporadiques aurait été bien plus pertinent et impactant. Je pourrais m’avancer en spéculant que l’aspect japonisant s’y cacherait, encore que.

Et impossible de passer sous silence LE titre faisant chavirer "Tæther" d’album long à album interminable, le conclusif "A Farewell To Being" et son quart d’heure coupé à la moitié par une outro bien trop étendue, comme le reste finalement. Errant péniblement entre ATLANTIS CHRONICLES, THE ZENITH PASSAGE, ou encore VIRVUM sans vraiment trancher dans le vif : faire preuve de plus d'audace ou de prise de risques aurait été vraisemblablement payant, sous couvert d'assumer jusqu'au bout un fonds de commerce de niche, tant qu'à faire. Pour illustrer, le NS Stick sur son toucher vraisemblablement fretless est sous-employé par Joy, alors qu’il aurait nettement pu faire la différence.

Le constat est terriblement amer, car bon Dieu que THE RITUAL AURA est capable de faire mieux que cela. Quitte à rabâcher "Laniakea" pour son côté cosmico-brutal, ou "Velothi" dans la même veine que l’album du jour, mais avec un traitement bien plus léché et convaincant. Ceci dit, le turnover du groupe à l’issue de cette heure besogneuse en est la conclusion parfaite avec le départ du Kay et de Giangiordano. Un mal utile au final ?

Comme mot de la fin, et pour conclure tout de même sur une note positive, comme à ce qui deviendra leur habitude, cet album est une tentative d’aboutissement absolu créée par des bourreaux de travail qui se sont brûlés les ailes en s'approchant trop près du soleil… levant !

Morceaux préférés : "Ghostgate", "I Am No Longer I ?", "Yūrei No Umi/A Sea Of Ghosts".