Si vous lisez ces lignes c’est que probablement vous avez déjà connaissance de ma chronique récente de l’époustouflant "The Lost Dimension" dont mes oreilles n’arriveront sans doute pas à se lasser. V-Khaoz sortait donc le grand jeu en nous gratifiant d’un album labyrinthique et composé de tiroirs mélodiques épiques et de fragrances symphoniques somptueuses et soyeuses. Se hissant bien près des plus bels albums de SUMMONING, "The Lost Dimension" est un joyau qui n’en finit pas de jouer avec moi en m’emmenant à chaque écoute tantôt dans les plaines de la rêverie, tantôt près de sentes inconnues que d’immenses forêts renferment et cachent. En 2016 V-Khaoz, unique commandant de la flotte DRUADAN FOREST sortait donc ce premier album "The Loremasters Time" après des démos parues bien des années auparavant.

Passées les premières écoutes, cet album sait convenablement se décanter, et c’est là qu’il produit tout son intérêt. Sa teneur suave et symphonique y est pour beaucoup à mon sens. Revêtant l’armoirie épico-atmosphérique, "The Lost Dimension" nous fait suivre une cohorte d’orcs ou d’humains au plus profond de contrées mystérieuses aussi brutales et funestes que douces et vaporeuses. Nous pourrions percevoir cette traversée guerrière de reconquête dans le titre "The Loremasters Tale". Saisissant les armes comme saisissant l’âme, cette ballade sonore harangue notre esprit à s’immerger dans ce bataillon qui progresse vers les contrées ennemis. Le rythme tribal de la batterie, les longues éructations de V-Khaoz, les strates symphoniques d’un clavier suspendu dans l’air et la cisaille des riffs de guitare un peu en arrière-plan galbent ce titre d’une ambiance profondément dense et inquiétante. J’en arrive parfois à me rappeler aussi les travaux de BLOODTHORN notamment le magnifique "Onwards To Battle" par ce jeu intéressant et trouble d’une batterie syncopée, par les éléments rugueux d’un Black Metal agressif et les envolées puissantes et symphonique des claviers.

Il est vrai que parfois les rapprochements avec l’entité autrichienne SUMMONING se font percevoir mais ces derniers restent en surface, car DRUADAN FOREST est original et convainc. DRUADAN FOREST ne fait ni du CALADAN BROOD ni du EMYN MUIL mais il est à la croisée de ces groupes tout en apportant des aspects résolument plus féroces. "The Lost Dimension" est un album « faux-calme », la verve finlandaise de V-Khaoz se fait nettement ressentir et même s’il la déclinera de manière plus abrupte et violente au sein de OLIO TÄHTIEN TAKANA et davantage encore au sein de VARGRAV, quelques titres de cet opus nous laissent percevoir le travail harmonique et le désir secret de faire conter des mystères au travers des notes de musique. Je pense notamment au très intéressant titre "The Queen Of Snakes", savamment inspiré et qui nous laisse – à l’image de cette pochette –, entendre les déclamations magiques d’un mage ordonnant de renverser l’ordre humain et d’y faire régner à sa place les mondes obscurs.

Quelques approximations subsistent dans ce premier essai. La production manque parfois de consistance, quelques titres racolent un peu et sauraient parfois nous laisser circonspect quant à la bonne tenue de ce projet. Invariablement plus bucolique parfois, sur des titres plus lumineux tels que "A Blazing Crimson In The Horizon", ou bien encore "Seven Witches", DRUADAN FOREST pourrait perdre notre attention bienveillante. Mais il faut dire aussi que je prends pour mètre-étalon l’album "The Lost Dimension" sorti l’année suivante de "The Loremasters Time". Admirable de bout en bout, il n’est donc pas simple de le comparer à celui-ci. Mon sentiment précis est que "The Loremasters Time" est un peu le "Minas Morgul" de SUMMONING. Il est le terreau fertile et expérientiel d’une jachère patiemment laissée au temps et à la Nature même. Accoucher de "Dol Guldur" ou de "Stronghold" pour SUMMONING s’est effectué via ce cheminement. Certains albums plus anciens forment le substrat qui font éclore les plus belles œuvres. Et si je fais cette parenthèse c’est pour que vous puissiez prendre connaissance en tout état de cause, de ce germe intéressant qu’est "The Loremasters Time". Qu’il ne vous évite surtout pas d’écouter l’album suivant mais qu’il en soit juste le vecteur entre deux points stellaires et passionnants.