La Norvège peut vraiment se targuer d’avoir enfanté des générations de musiciens accomplis et engagés à faire luire les ténèbres d’un Black Metal froid, vigoureusement mélodique, brutal ou atmosphérique. DEMONIC est apparu lors de ces fameuses années où foisonnait la scène, où nombre de groupes eurent l’occasion se lancer à l’assaut de l’art, leurs démons dans le cœur et leurs esprits dans les cris. Il y eut les grands gagnants mais aussi les oubliés heureux ou malchanceux.

En regagnant le Grieghallen Studios avec Pytten aux commandes, DEMONIC allait enfin pouvoir livrer son premier LP. Catto Bekevold ayant quitté le groupe, la batterie sera assurée par Witchdemon du mieux qu’il peut. Après l’EP prometteur "Lead Us Into Darkness", ce nouvel album déçoit pourtant. La production sommaire et faiblarde donne un rendu brouillon notamment concernant les guitares qui peinent à s’extirper de cette bouillie sonore. Les riffs sont intéressants mais restent moyens. Quelques titres sortent du lot, dont les deux repris de l’EP ("His Eyes Burn Hat", "Spell Of The Witchdemon"), un peu dommageable comme ressenti tout de même.

Après une introduction aux claviers bien dans l’air de ce temps, DEMONIC assoit son Black Metal de manière très anecdotique, les titres s’enchaînent, sont joués certes mais semblent inertes, sans éclats, et sonnent de manière monolithique hormis "Wandering Through A Cold Mist" qui bénéficie d’un travail plus intéressant sur les breaks notamment. Et ce magma sonore qui aurait pu créer une sensation hypnotique ne fonctionne pas. Le temps passe inexorablement sans que l’on relève la tête, sans que quelque chose s’anime. Et même si l’on laisse cet album se décanter, que l’on temporise sa réécoute, la sauce ne prend finalement jamais.

Quel dommage j’avais tant espéré de ce groupe, discret, tapi dans l’ombre et dont j’imaginais des fulgurances secrètes à l’instar de tout aussi discrets mais talentueux NOCTES, ODIUM, MIDVINTER, POCCCOLUS, HA LELA ou bien encore THRONE OF AHAZ, mais DEMONIC, faut-il se l’avouer (?) n’obtiendra donc pas son petit pré carré au royaume des enfers. Le split du groupe, cet album, et la disparition (inquiétante) du combo originel enterrera encore plus profondément le projet de DEMONIC. Dommage car le riffing aurait pu se sublimer, la voix de Witchdemon résonner autrement et ailleurs mais c’est ainsi.

Il me restera donc que cet EP de 1995 à me mettre sous les crocs, et ce n’est déjà pas si mal même si quatorze petites minutes restent maigres. Mais à l’instar d’un visage doux qu’on ne souhaite oublier, je laisse "Lead Us Into Darkness" errer dans mes dossiers numériques et j’écarte ce "The Empire Of Agony" avec regrets. À noter que la cover dessinée par Jo Petagno (MOTÖRHEAD, ANGELCORPSE, KRISIUN et tant d’autres…) est juste un détail de celle du dessin original. Et l’original est bien plus esthétique et aurait collé amplement à l’album. Question de choix ou que sais-je mais encore une nouvelle fois, un peu dommage.