Il était une Fois…
Quoi qu’on en pense ou qu’on en dise, notre sympathique imagerie populaire transporte encore aujourd’hui nombre de joyeux clichés concernant les combos Métalliques et ceux qui les supportent : de la brute épaisse qui peine à épeler son prénom et qui commande sa binouze à grands coups de chaîne de moto sur le comptoir à l’adepte de rites sataniques qui occupe ses nuits à convoquer des succubes velues et lubriques sans oublier la brochette de graisseux en goguette au Hellfest qui montrent leurs fesses à des journalistes trop heureux de faire le reportage facile… Le métalleux n’a ainsi pas la réputation de nourrir une imagination débordante en matière de créativité poétique, voir de fonds narratifs imaginatifs qui sous-tendraient sa musique (... de barbare inculte si l’on de fie aux éléments qui précèdent !).

Cependant, si l’on considère comme moi que l’une des qualités premières de notre genre musical préféré sur NIME est justement de se foutre des préjugés, on saisira mieux le courant et l’inspiration ayant porté les suédois de SARAYASIGN forgés dans un monde imaginaire et mythique imbibé de Faërie dans lequel l’Homme lutte pour accomplir son destin illustré par un Metal riche, ambitieux aux mélodies joliment aguicheuses…
Composée par un batteur à l’esprit très fantasco-imaginatif et prenant vie grâce à l’organe vocal tant puissant qu’expressif d’un Stefan Nykvist aussi performant qu’expressif, l’histoire du monde imaginaire de Saraya, imprégnée d’Heroic-Fantasy et de Multivers, conte l’odyssée des Premiers-nés (les humains) dont les vies et la destinée sont menacés par les créatures inférieures issue d’une contrée de ténèbres (The Dark) et face auxquelles seule la Quête des 32 pages éparpillées du Livre de la Sagesse (disséminées aux quatre coins de Saraya mais aussi dans des dimensions parallèles !) est susceptible de les sauver. Difficulté supplémentaire quand vient s’ajouter à cela l’histoire d’un couple dont l’homme, victime d’un accident, se retrouve prisonnier d’une réalité intermédiaire d’où il tente de joindre son aimée : la fameuse "route du Lion" constituant l’un des chemins qui leur permettrait de se retrouver.

Comme tu l’auras constaté, Ô lecteur érudit, c’est d’une trame narrative particulièrement épaisse et complexe dont se servent les suédois pour faire évoluer leur Metal enjôleur aux ambitions légitimement immersives comme épiques ! La bonne confiture étant destinée à s’étaler harmonieusement sur plusieurs tartines, c’est en 2022 que SARAYASIGN alors fort de cinq membres, sort son chapitre 1, en l’occurrence le compact et mélodique "Throne Of Gold" qui entame la déclinaison de cette fresque et de ses différents protagonistes. Sans même attendre que l’établi n’ai refroidi, c’est un combo au format quelque peu resserré suite au départ du claviériste et au line-up légèrement modifié (changement de guitariste avec l’arrivée de l’honorable Peter Lundin) qui reprend le flambeau pour nous ouvrir les portes du second tome avec ce "The Lion’s Road" paru en août 2023.

À chacun ses clichés… mais il est vrai que certain d’entre eux se vérifient ici concernant la qualité de production et de mix auxquels sont coutumiers les combos de Heavy mélodiques nord européens ! Son puissant et joliment dynamique, équilibre parfait entre les instruments et une voix divinement accrocheuse qui les tracte par son feeling, arrangements aux petits oignons : on a même le sentiment que le Metal cuivré délivré par SARAYASIGN a pris de l’épaisseur, voir de la maturité sonore depuis "Throne Of Gold"… Bluffant !
Les prestations instrumentales, il faut le reconnaître, frôlent quant à elles la perfection pour un combo de parfaits inconnus (ce qui ne lasse pas de provoquer mon admiration depuis que je commets des Kro sur NIME !) ; les musiciens rivalisent de maîtrise et de jeux pour injecter puissance et nervosité mélodique dans l’art de SARAYASIGN.

Dans les pas d’un KAMELOT, d’un DGM ou encore d’un ECLIPSE, ces effrontés sortis de nulle part balancent sans complexes dix cartouches bien denses et dorées à point pour près d’une heure de jolie musicalité, émaillée par des soli guitares forts dynamiques à la technicité si fluide que certains poids lourds du circuit pourraient en prendre de la graine et qui, si elle recycle quelques figures de style propre au genre, n’en abuse pas ni ne les caricature.

Appliqués et motivés, les suédois ne renversent cependant pas la table en cassant les verres et les assiettes : les compositions de "The Lion’s Road" demeurent majoritairement sages et sur des chemins bien balisés (oserais-je le terme de lissées ?) même si elles flattent légitimement les oreilles d’un adepte de Heavy mélodique à voix claire fan de dramaturgie héroico-fantaysiste. Ainsi, à l’image de la ballade classique mais bellement interprétée "Will You Find Me" (qui permet de découvrir une certaine Olivia Thörn qui pousse très dignement la chansonnette), d’un "When All Lights Go Out" qui fait très dignement le job pour lancer les hostilités ou encore d’un "Blood From Stone" au refrain méchamment prenant comme au solo agréablement décapant, SARAYASIGN, même si il ne réinvente pas la roue, montre qu’il est capable de bien la faire tourner. L’album s’écoute et s’écoule de manière très agréable même avec son petit ventre-mou sur la triplette "The Lion’s Road"/"Love Will Burn"/"Hope And Sorrow" qui peine à sortir des ornières que se sont donné les suédois comme cahier des charges.

À l’inverse, ce The Lion’s Road de SARAYASIGN m’a infligé deux bonnes gifles, et c’est justice que de l’évoquer ici, avec les missiles sol-air que constituent l’enlevé et abrasif "Everydying Night" parvenant à coupler une rythmique divinement punchy à la voix ultra-porteuse de Nykvist… le tout couronné par un solo guitare proprement arachnéen alternant entre ralentissements et accélérations mais surtout l’éclatant titre de clôture, "Throne Of Gold Part II - A Heartless Melody" qui constitue un véritable orgasme auditif de Metal mélodique d’un peu plus de 7mn dont la montée en puissance, les accélérations, la qualité des variations, bref le génie de composition, laisse l’auditeur pantelant, proprement sonné par cette prestation éclatante… On en redemande !

Immersif à souhait, cogneur sans être destructeur, mélodique sans être outrancier, "The Lion’s Road" s’avère être un bon album tant soigné qu’ambitieux. Les suédois mettent leurs talents au service d’une prise de risque minimaliste et l’on se prend à rêver d’un opus où tous les titres auraient pu avoir le cachet des deux missiles sus-évoqués…. Sans doute en préparation pour le chapitre 3 ! L’effort est néanmoins louable et il mérite d’être mentionné.

Étant parvenu à retrouver l’entrée dissimulée du Temple de la Restauration, au cœur des terres sauvages de Saraya, je me place devant la Boussole Runique qui inventorie les pages encore manquantes du Livre de la Sagesse. Je déplie avec mille précautions la page que je suis parvenu à retrouver au fin fond du gouffre d’Elmaka’ch… Avant de la placer à la disposition des Anciens, j’ajoute aux runes qu’elle contient un discret 3/5, certes un peu sévère mais plein d’espoir, pour ce "The Lion’s Road", bonne surprise bien rafraîchissante offerte par les suédois de SARAYASIGN dans un monde réel où les Premiers-nés ressemblent parfois à s’y méprendre aux créatures des ténèbres qu’ils sont sensés combattre.

- pour la rage et la vitesse: "Everydying Night",
- pour la grâce : "Throne of Gold Part II - A Heartless Melody",
- pour la sympathique balade : "Will You Find Me".