Littéralement assommé par la puissance de "Glacial Domination" et son Death bien gras à la BOLT THROWER tout en restant mélodique, l’heure est venue de revenir sur la courte discographie des Américains, puisque si l’on exclut l’EP de démos "Encased In Ice", celle-ci se résume à ce "Crypt Of Ice", ici même passé sous mes propres fourches caudines. Bienvenue donc dans un univers plombé par la lourdeur de ses instruments, usant et abusant de mid-tempi, à l’exception de petits coups d’adrénaline savamment dosés, contrebalancés par une thématique polaire qui fait office de fil conducteur entre leur patronyme, le nom des pistes et des disques.

Pour ceux qui, comme votre dévoué serviteur, ont découvert la formation avec l’album suivant, vous ne serez pas dépaysés. FROZEN SOUL a bien une identité bien marquée, et ce depuis cet essai séminal. Les riffs pèsent quinze tonnes, appuyés par une section rythmique qui s’en donne à cœur-joie, ayant le temps de frapper le plus fort possible sans avoir à forcer le trait sur la vitesse, en mode "bourre-pif". Cette ligne directrice habite littéralement ce premier L.P., quand bien même le groupe s’autorise des envolées thrashy, d’autant plus jouissives. Mais ne vous laissez pas tromper par les cavalcades d’un "Hand Of Vengeance", car c’est bien dans ce Death poisseux que Chad Green et sa bande excellent.

Le growl abyssal du frontman est en effet parfaitement adapté aux ambiances concoctées par les musiciens. Par sa profondeur, il m’évoque le timbre rauque d’un Johan Hegg (AMON AMARTH) qui aurait délaissé toute ambition festive, barbotant dans une noirceur qui lui seyait si bien au teint. En revanche, il ne possède pas la palette mélodique du Suédois, se contentant souvent de scander ses textes désabusés plutôt que de proposer de véritables lignes de chant qui auraient pu emmener la galette un niveau au-dessus.

Au-delà des contrées gelées et des riffs de mammouth, le duo Munday/Bonner se fait plaisir sur des leads de guitares méandreux et vicelards ("Gravedigger"), qui viennent appuyer l’atmosphère assez suffocante qui émerge de l’opus, notamment sur les parties les plus lentes ("Encased In Ice"). On sent déjà une volonté de parsemer les titres d’arrangements un peu simplistes, mais venant renforcer la fraîcheur ambiante : un coup de tramontane ici, des bruits de pics à glace, là, des voix plaintives, agonisantes et lointaines, FROZEN SOUL cherche à enrichir sa recette, au demeurant assez basique, d’autant que les gratteux ne s’aventurent jamais trop loin dans l’expérimentation ni dans la technique. N'attendez aucun solo marquant de leur part, ce n’était pas le style de la maison à cette période.

Dans la variation des tempi, on ressent parfois un esprit Metalcore, dans le bon sens du terme, incluant une dose raisonnable de breakdowns à casser des nuques, d’autant que "Crypt Of Ice" est intrinsèquement clairement conçu pour ça et ferait headbanguer un zombie durant les près de 40 minutes de son qu’il propose.

Éminemment homogène, le skeud ne contient aucun réel temps faible ni morceau à écarter. Il souffre cependant, plus que d’autres, de cette consistance monolithique. Peu original au-delà de ses gimmicks glaciaires, l’ensemble se montre légèrement avare en mélodicité et en highlights, sentiment renforcé par une certaine monotonie qui pourra émerger à mi-parcours, du fait de constructions de chansons redondantes et de la monotonie du chant de de Green. Un peu plus de variété aurait permis d’alléger l’Iceberg qu’on se prend dans la tronche en mode Titanic.

Comme le disait mon pote Bolloks : "bon, ça s’écrit avec un B, pas avec un C". Pour le coup, "Crypt Of Ice" est un bon disque, même s’il est un chouya con. Bête et méchant. Il me manque cependant quelques émotions, un peu de relief, pour pleinement m’enthousiasmer à son écoute. Par essence OSDM et respectueux de ses glorieux ancêtres, FROZEN SOUL se montre ici un brin trop sage et souffre quelque peu d’une carence de hooks et de chorus dévastateurs. Il fallait sans doute passer par là pour nous pondre "Glacial Domination" deux ans plus tard.

Il n’en reste pas moins un plaisir régressif de qualité qui séduira les amateurs de Death puissant à l’ancienne, ou tout au moins ceux qui ne seront pas rebutés par une production assez moderne et… froide. Il possède cependant le mérite de la concision, là où tant d’autres étirent leur propos de manière abusive, bien au-delà du raisonnable. L’album s’avère sincère et authentique, et saura procurer une dose de kiff plus que raisonnable aux fans du genre, dont je fais à l’évidence partie.