Rendons à T-Ray ce qui appartient à T-Ray… Cette découverte est avant tout la sienne. Tout content d’avoir déniché un nouveau groupe de Death, je me précipitais, tel un jeune jouvenceau au bord de la miction, de réserver auprès de notre communauté de scribouillards la discographie en question avant de m’apercevoir que le gredin était déjà depuis fort longtemps positionné sur le bousin, les doigts de pied en éventail et l’IPA fraîche à la pogne, décontracté du gland dans son transat. Et Satan sait combien l’homme est un esthète, que dis-je, une sommité en matière de goûts métalliques. Je ne dois qu’à sa sélectivité (= inertie ?) alliée à une bienveillance innée, l’honneur de couvrir les méfaits de FROZEN SOUL sur nos pages ô combien aguicheuses. Tant mieux pour moi, vil charognard que je fais, car on parle ici d’une valeur montante en matière de Death Metal, du genre de celles qui possèdent le potentiel pour devenir un jour une référence en la matière.

Il faut dire que les Texans font ce qu’il faut pour se faire remarquer, malgré leur courte existence. Formé en 2018, le combo a rapidement enquillé une démo, puis un split avant de sortir leur premier méfait "Crypt Of Ice" en 2021, habilement distribué par leur label Century Media. Prometteur dans sa musicalité, cet essai séminal n’était en revanche pas exempt de défauts marqués, j’aurai l’occasion de revenir notamment sur son manque de personnalité à l’occasion d’une prochaine chronique dédiée. C’est donc à peine deux ans plus tard que déboule "Glacial Domination", qui passe un sacré cap qualitatif et devrait permettre aux Américains de se faire une petite place parmi les valeurs montantes du Death mondial.

Entre temps, la bonne fée Matt Heafy (TRIVIUM) s’est penchée sur le berceau de nos petits gars et a décidé de les prendre sous son aile bienveillante, assurant la co-production de la galette, une partie du sonwriting, ainsi que quelques featurings musclés et particulièrement prolifiques. En termes de rendu sonore, allons-y tout de go : c’est le jour et la nuit par rapport à l’opus précédent : puissant, mordant, mettant particulièrement en valeur les riffs féroces et sans concession du duo Munday/Bonner, assurément l’un des points forts du combo. Et comme GOST, sommité en matière d’Horror Synthwave (ne fuyez pas, par pitié) est également de la partie pour discrètement polir les introductions, ambiances et autres arrangements, on peut affirmer sans crainte que ces renforts participent franchement à la réussite de ce second LP, qui met en avant une fois de plus l’univers hostile choisi par le groupe. Là où BOLT THROWER, l’influence OSDM majeure 100% assumée, s’entichait d’une thématique guerrière depuis largement contrefaite par les SABATONs de tous bord, FROZEN SOUL se veut gelé et vindicatif.

N'y allons pas par quatre chemins, "Glacial Domination" est une authentique réussite, qui séduira probablement tous les aficionados de Death à l’ancienne, particulièrement lorsque celui-ci se montre pesant et vicieux. S’il ne rechigne pas à accélérer de temps en temps le rythme d’une façon qui saura rappeler celle des Floridiens de CANNIBAL CORPSE, le combo excelle surtout dans les mid-tempo, qui lui permettent de mettre en valeur ce riffing à la fois sauvage, vicelard et pernicieux. La maîtrise dont il fait preuve dans l’équilibre entre parties rapides et ralentissements brutaux est assez bluffante et donne de savoureuses nuances aux compositions, franchement abouties. La variété des différents passages confère une richesse singulière aux morceaux, sans jamais pour autant nuire à la cohérence de l’ensemble.

Tout en gérant cet aspect comme des vieux routiers à qui on ne la fait pas, les musiciens possèdent également une arme supplémentaire dans leur arsenal de destruction : un groove d’enfer. Par moments, on croirait entendre le PANTERA de la grande époque, et nul doute que vos cervicales vont souffrir à l’écoute des 42 minutes de la galette. Ça faisait longtemps que je n’avais pas autant headbangué, tout seul comme un con, du début à la fin d’un album. Les vibes Thrashy parsèment l’opus et succèdent à ces motifs retors, les leads puisant bien profondément dans l’héritage de Kerry King (SLAYER) et de ses potes.

Et si cela ne suffisait pas, du permafrost jaillissent régulièrement des soli particulièrement inspirés. Extrêmement mélodiques, ceux-ci s’avèrent d’une rare pertinence et apportent un brin de finesse à un ensemble lourd comme une vanne de Jean-Marie Bigard. On frise parfois sur ces saillies le Melodeath de Göteborg, influence que j’attribuerai arbitrairement et sans aucune preuve à la présence du sieur Heafy, gourmet patenté en la matière. Très sincèrement, on n’écoute généralement pas du Death pour se taper des soli magistraux, c’est donc une agréable surprise de voir FROZEN SOUL s’y essayer et y parvenir avec autant de brio.

Non, vraiment, le seul petit bémol que je pourrais apporter à cette critique pas loin d’être dithyrambique, c’est un chant un poil linéaire. Certes, le growl de l’ami Chad Green est admirable de profondeur. En revanche, il manque quelque peu de diversité, opérant grosso modo sur une seule octave. Du coup, les différents renforts de la part de Samantha (la bassiste), de Heafy plus discrètement, ou mieux encore, de John Gallagher (DYING FETUS) sont plus que bienvenus et apportent une forme d’aspérité aux grognements caverneux et martiaux émis par le frontman.

Alors, oui, "Glacial Domination" n’est pas un disque qui révolutionnera le genre. D’une approche particulièrement old school et respectueuse, il parvient néanmoins à allier musicalité et puissance comme peu, intégrant des éléments Groove, Synthwave, mélodiques et Thrash pour élargir sa recette avec une réussite indéniable et une efficacité en tous points remarquable. Et rien que pour cela, il mérite l’attention de nos lecteurs sensibles à ce type de friandises dévastatrices : je n’ai pas entendu grand-chose de supérieur dans le style cette année.