ABR fait quasi partie des meubles dans l’univers du Metalcore. Groupe pionnier pour certains leur ayant permis de décoller vers des horizons plus undergrounds (en gros, vers du Deathcore), ou groupe de référence encore aujourd’hui pour les plus délicats d’entre nous, impossible d’y couper pour tout Coreux qui se respecte. Cela est d’autant plus vrai qu’à l’instar de très grosses formations, AUGUST BURNS RED, on aime ou on déteste. Qu’il y ait des défenseurs ou des détracteurs, force est de constater qu’il n’y a pas d’indifférents.

La carrière des Pennsylvaniens, bientôt double décennale, a ainsi été le terrain d’expériences et corollairement d’évolutions. Et il n’est pas rare d’oublier dans leur discographie un petit EP - celui en présence - précédant leur "Thrill Seeker" de 2005, réel point de départ au décollage de leur popularité. Et pour cause, il est bien plus discret et timoré que ses futurs successeurs, mais il faut bien commencer quelque part me direz-vous !

Timoré ne veut pas dire pour autant peu ambitieux ou bâclé, car une maturité manifeste se dégage de ce premier jet, en premier lieu dans la gestion des thématiques abordées. Concrètement, ça ne cause pas théologie scolastique, mais l’habillage des paroles couplé au phrasé prosé (voire prosaïque pour l’allitération) renvoie une image relativement intellectuelle de sujets qui parleront au quidam lambda. Je ne fais pas référence à la religion par hasard, car ABR revendique ses paroles comme ouvertement d’inspiration chrétienne, sans réel prosélytisme, mais suffisamment flagramment pour l’identifier entre les lignes. C’est gentillet, quoi.

Je cause philo, mais est-ce-qu’au fond on en aurait pas rien à foutre, et qu’on ne s'intéresserait pas enfin à la musique ? À l’image des paroles, le rendu général renvoie une image de sagesse, surtout pour un EP sorti de quasi nulle part par des lycéens de province n’ayant à leur actif que quelques gigs et répètes dans la ferme familiale ! La patte du quintet est déjà perceptible, malgré les errements et imperfections qui jonchent les cinq pistes de la galette : les longs passages parlés pour donner de la personnalité aux titres, la surabondance de passages acoustiques, etc. Le principal défaut imputable à l’album est la voix d’Hershey, trop souvent rauque plutôt que screamée, et peu nuancée, ce qu’ABR corrigera assez rapidement les mois qui suivront avec son départ.

Les tracks évoluent souvent dans un mid-tempo, dont la volonté vraisemblable est d’asseoir une lourdeur pachydermique (référence à l’artwork, vous avez pigé ?), malheureusement souvent avec pénibilité. C’est ça, ou alors le pont de "Glory Thrives" ressemblant à des barrissements, au choix. L’alternance des riffs lents avec des licks bien plus nerveux en tremolo rendent les transitions parfois incongrues, voire malvenues. Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine quoi. Oui allez, j’arrête.

Tous les titres reprennent quasiment la même formule inhérente au Metalcore : lent-break-rapide-repeat, et instaurent une homogénéité de laquelle aucun n’en ressortira réellement, tout s’enchaînant laconiquement jusqu’à l’outro planante d’"Accidental Shot Heard ‘Round The World".

Concrètement, ce premier jet, bourré d’implication et de bonne volonté est malheureusement parfaitement oubliable, noyé dans la discographie prolifique des Américains. La formule sera reprise, quelque peu triturée tout en gardant des repères identifiables, et fort heureusement pour eux en hissant le niveau à des seuils qui les rendront, comme nous le disions, incontournables dans l’univers du Metalcore. Mais ça, ce sera pour une prochaine fois !

Note réelle : 2,5/5, pas désagréable dans l’absolu, mais souffrant clairement de la comparaison avec ses successeurs, difficile à recontextualiser !

Morceau préféré : "Accidental Shot Heard ‘Round The World", le plus ABRien finalement !