"First Sighting". En français, "Première Observation". Techniquement, c'est vrai : ce premier album de BLOOD STAR est bel et bien la première occasion de voir dans les bacs un disque au nom du groupe pour ceux qui, comme moi, achètent encore des disques. Compte tenu de la confidentialité de leur premier E.P., "The Fear", sorti en 2020 à la fois au format 7 pouces et en cassette audio à tirage limité, le quartette venu de l’Utah n’avait pas fait grand-chose pour être visible. Et ce, malgré la présence dans ses rangs du guitariste Jamison Palmer, de VISIGOTH. Nonobstant sa rareté et ses deux petits titres, “The Fear” était ma plus grosse claque de l’année 2020 en matière de Heavy Metal traditionnel ! Non seulement ça riffait grave mais en plus, le chant puissant et énergique de Madeline Smith était à tomber par terre, donnant de furieuses envies de replay. C'est bien simple, la chanteuse possède l’organe vocal féminin le plus authentiquement Heavy Metal de ce siècle !

Autant dire que j’attendais de pied ferme un premier album en bonne et due forme, bien que j’eusse l’impression durant trois ans de rejouer “Sœur Anne, ma sœur Anne” encore et encore tant je ne voyais rien venir à l’horizon. Jusqu'à cette année 2023 qui, enfin, m’offrait un second hearing de BLOOD STAR. Et au regard des 4 étoiles claquées à “The Fear”, autant dire que mes attentes étaient élevées. Certainement trop pour la formation américaine qui, sans démériter, n’atteint pas les sommets d’intensité des deux titres de “The Fear”. Soyons francs : aucun des huit titres de “First Sighting” n'égale les deux merveilles que sont “Tortured Earth” et “The Fear”. Pas la peine de faire tourner cent fois le disque sur votre platine si vous comptez entendre de telles tueries. Il m’a donc fallu du temps et beaucoup d'écoutes pour changer de logiciel et apprécier le fait que le groupe n’a pas besoin de refrains extraterrestres immédiatement accrocheurs pour séduire.

Car, oui, “First Sighting” est un bon, et souvent très bon, album de NWOTHM (New Wave Of Traditional Heavy Metal pour ceux qui ignorent encore l’acronyme). Et c’est déjà beaucoup car si certains artistes de cette mouvance tirent davantage leur épingle du jeu en termes d’exubérance ou de mémorabilité – néologisme couramment admis sauf par l’Académie française et le Larousse mais que j’affectionne pour sa précision – peu d’entre eux sont aussi solidement en place et sûrs de leurs forces que l’est BLOOD STAR. Bien que side project pour Jamison Palmer, l’on a affaire sur ce disque à un groupe, un vrai, soudé, chaque membre venant sobrement appuyer la force des autres. Ainsi, même sans refrains intersidéraux, leur Heavy Metal se laisse déguster tel un spiritueux artisanal de qualité, que la rareté invite à savourer.

Bien sûr, l’on remarque immédiatement la superbe performance de Madeline Smith qui, habitée par ses textes et appuyée sur un soupçon de reverb de bon aloi, offre une conviction bienvenue dans l’interprétation de “Fearless Priestess”, “No One Wins”, “Cold Moon” et “Going Home”, les quatre compos les plus proches d’un tube sur “First Sighting”. Elle est la principale raison pour laquelle on se prend à chanter leurs refrains bien après l'écoute de l’album même s'ils sont moins fous que ceux de “The Fear”. La meilleure preuve pour appuyer ce constat ? “The Observers”, chanté par Palmer cette fois-ci, qui manque de faire décrocher l’auditeur après trois premiers titres fort réussis dans leur ensemble. Et ce, même si Madeline vient poser sa voix sur le final du morceau. Sur cette quatrième piste, en revanche, c'est grâce à la guitare que l’on continue d’accrocher et heureusement que le bonhomme est plus inspiré instrument en mains qu’au micro.

Globalement, d’ailleurs, le garçon joue ici un Heavy Metal plus simple et plus direct que celui qu’il compose dans VISIGOTH, avec quelques vibes Hard Rock par-ci par-là. Mais il le fait de manière carrée et rien ne vient jamais perturber ses riffs, qui semblent souvent couler de source et aller droit au but, même si j’espérais l’entendre jouer plus souvent up tempo comme il le faisait sur “The Fear”. Sur “First Sighting”, le tempo n’est jamais fulgurant mais BLOOD STAR s’applique à rendre chaque partie de guitare percutante, ou presque. Bien assise sur une section rythmique solide – et notamment une basse très audible qui galope avec vigueur sans jamais chausser de gros sabots – la guitare de Palmer est l’autre rampe de lancement du vaisseau BLOOD STAR avec la voix de Madeline.

Lui aussi armé d’une reverb sobre mais juste, Jamison Palmer lâche ses hooks de façon déconcertante, tant cela lui paraît facile, “No One Wins” étant probablement le meilleur exemple de son talent pour la chose. Tout au long du disque, les riffs prenants se succèdent, de l’initial “All For Nothing”, parfait pour taper du pied, au terminal “Wait To Die”, simplissime mais efficace. Parsemé de petits leads et soli accrocheurs, il est l’aboutissement d’une recette que BLOOD STAR maîtrise déjà parfaitement mais qui nécessitera certainement de récupérer une partie de la magie de l’E.P. “The Fear” pour atteindre les étoiles et les mondes qui gravitent autour, vers lesquels le groupe se projette depuis le début. Au propre, côté paroles, comme au figuré, puisque le groupe a les arguments pour prétendre à une place parmi les stars du Heavy Metal actuel.