À la faveur d’une première écoute, je compris rapidement que le disque me terrasserait, s’amuserait à me jouer des tours vicieux et prendrait plaisir à voir cet inconfort jaillir en moi. Et lorsque "Punishement Nailed Deep" s’annonça dans l’antichambre de mon cerveau, un vent glacé figea mon air sardonique et contenté. Le diable et sa cohorte s’emparèrent de mon esprit et je crus voir enfin l’envers du monde.

"Militant : Penitent : Triumphant", c’est l’histoire de ces albums qui vous submergent brutalement, qui vous possèdent entièrement, qui vous obsèdent les neurones. De ceux que vous attendiez, de ceux qui, comme par magie et par délire, vous attendaient. Vous en aviez l’espoir, vous en rêviez, vous acceptiez d’être patient juste pour être présent sous vos meilleurs auspices quand, le jour où le lever de voile apparaîtrait d’un coup d’un seul, vous seriez en droit de vous sentir renaître.

La pochette vous rappellera un certain "Soublight" d’OBTAINED ENSLAVEMENT mais le parallèle s’arrêtera là. FAIDRA est une entité mystérieuse suédoise enfantée par l’esprit épique d’un SUMMONING sous amphétamines et dorlotée par les comptines BURZUMiennes. C’est un esprit de la forêt, une présence brumeuse, quasi fantomatique, qui cherche à vous hanter comme une vision cauchemardesque de Füssli, et qui vous scande une histoire fantastique fascinante et perturbante à l’instar des recueils d’un Nodier, d’un Poe ou d’un Mérimée. Six titres pour brûler six fois. C’est une œuvre musicale fantasque perfusée à la pénombre de la mort qui rôde.

FAIDRA souffle les bougies et laisse la nuit s’emparer du vivant de son froid moite. Les six titres de ce second album sont inspirés comme le sont les grands albums de Black Metal Atmosphérique ; cette saleté de diable n’aura donc fait que de les ruminer dans sa panse brûlante et acide. Et chacun d’eux se dresse assez majestueusement. Porté par des ambiances lourdes, FAIDRA, d’une manière impressionniste, crée des nappes diffuses de claviers qui sont en réalité constituées d’un tissu sonore de plus en plus envahissant comme un gimmick entransé, enrichi de vociférations prononcées, de rythmes lents et oppressants, de bruits imbriqués, formant une trame hypnotique et glauque tirée d’un cauchemar sans fin. Et cette ambiance caractéristique se délaye dans les riffs des guitares délavées par les stridulations d’une basse bien audible. Tout s’envole peu à peu, en une étrange et terrible catharsis funèbre, un tourbillon éploré et fatidique de sons, qui évoque le deuil, la douleur, l’autre-monde.

La batterie, quoiqu’un peu trop en retrait et au rendu semblant un poil trop rêche, accompagne ces six longues processions de plus de sept minutes. Et je dirai que c’est le seul aspect qui me dérange un peu. Mais à vrai dire là n’est point l’essentiel, car FAIDRA réussit son ambition qui est celle de sublimer un peu plus encore ses compositions originelles. Dans la droite lignée du premier album "Six Voices Inside" (qui s’était fendu d’un beau succès d’estime et de cœur au sein des cénacles des amateurs d’art noir), "Militant : Penitent : Triumphant" impressionne autant qu’il abasourdit et enivre. La recette est pourtant inchangée, la production est nettement en faveur du petit dernier ; plus puissante, plus détaillée, elle fait honneur au talent de FAIDRA. Pas grand-monde ne sonne comme FAIDRA, son originalité est prégnante et fait aussi toute sa saveur. Il est vrai de dire que ce clavier BURZUMien concentre aussi l’attention, mais ce serait faire fi aussi des vocaux déchirés et absolument possédés qui participent à engloutir l’auditeur par vagues successives. L’album est une franche réussite. C’est un opus tourmenté, envoûtant et absolument à écouter notamment cette piste merveilleuse qu’est "Punishement Nailed Deep".