Dire que je connais THEOCRACY sur le bout des doigts est un pas que je ne franchirai bien évidemment pas. Je ne connais pour ainsi dire du combo américain que quelques disques dont notamment leurs débuts avec "Theocracy" sorti en 2003, et plus récemment "Ghost Ship" sorti en 2016. Avant dernier album désormais, puisque le combo américain, toujours emmené par son maître à penser, le chanteur/compositeur et multi-instrumentiste (accessoirement), Matt Smith, vient de publier son cinquième opus avec "Mosaic". Sans avoir le gros coup de foudre pour les disques de THEOCRACY, j’ai toujours eu plaisir à écouter leurs compositions, qui sans révolutionner le genre, proposaient bien souvent un Power Metal assez frais, musclé et alambiqué, ultra mélodique aussi (cf. "Paper Tiger"), ornementé de chœurs et sachant quand il le faut sortir les crocs (cf. "Stir The Embers", ou le rapide "Castaway" sur l’album "Ghost Ship"). Du bon matériel, agréable serais-je tenté de dire, pouvant même rappeler les débuts des Finlandais de SONATA ARCTICA (en termes de son) ou bien même les Allemands d’EDGUY (le morceau "Ghost Ship").

THEOCRACY a mis le temps cette fois pour nous pondre "Mosaic". Sept ans. Autant dire une éternité. Mais l’album était prêt depuis quelques temps déjà et a été enregistré entre 2020 et 2022. "Mosaic" marque aussi le partenariat entre THEOCRACY et son nouveau label, Atomic Fire Records, et voit l’arrivée aussi d’un nouveau guitariste en la personne de Taylor Washington, chanteur/guitariste chez PALADIN – groupe de Power/Thrash. Quoiqu’il en soit, l’attente de ce nouvel opus en valait clairement la chandelle, tant "Mosaic" me semble bien supérieur à son prédécesseur qui contenait il faut bien le reconnaitre quelques moments un chouïa convenus voire ennuyeux. Je trouve que le groupe vient de franchir un cap même si le style reste peu ou prou le même, le combo américain s’évertuant à délivrer son Power Metal énergique et mélodique rappelant succinctement les plus belles heures de groupes tels que SONATA ARCTICA ou même STRATOVARIUS à l’image du très enlevé "Flicker" qui ouvre les hostilités et dont le début pourrait rappeler un tant soit peu le début d’un titre comme "Paradise". Le rythme est soutenu, les riffs particulièrement véloces voire Thrashy, le titre est relativement accrocheur. Seules les vocalises de Matt Smith, un peu lisses, sont un peu en-deçà je trouve, elles manquent pour le coup d’agressivité et de coffre. Petit bémol même si le vocaliste s’en sort plutôt haut la main malgré tout. Cependant, son chant se montre plus à son avantage sur des moments plus calmes du disque comme sur la ballade somme toute correcte qu'est "The Greatest Hope" et sur des titres plus nuancés à l’image par exemple du morceau-titre de l’album, l'excellent "Mosaic" dont l’introduction doucereuse est toute en finesse. On y reviendra.

Sur "Mosaic", THEOCRACY balance donc, avec un savoir-faire avéré, de solides compositions typiques de Power Metal, assez classiques pour certaines ("Flicker"), avec soit des riffs marquants (le fédérateur "Return To Dust") que n’aurait probablement pas renier un Timo Tolkki, ou soit des passages presque Speed sur le tonitruant "Deified" par exemple qui bastonne sévère mine de rien. Car oui, question virulence aussi, THEOCRACY n’a rien oublié sur "Mosaic" et passe à la vitesse supérieure. Ici, il aime indéniablement se montrer plus agressif, durcir le propos, raisonnablement et avec parcimonie. On pourra citer par exemple ce "Sinsidious (The Dogs Of War)" à la rythmique ultra soutenue et aux riffs acérés sans oublier une musicalité de tous les instants avec des chœurs (oh oh oh) qui devraient faire leur petit effet en live, sans oublier aussi quelques soli magistraux de la part de la doublette Jonathan Hinds et Taylor Washington. Efficace. Mais ce sont bien des titres nettement plus Heavy qui tirent ici leur épingle du jeu. On pourra citer sans hésitation "The Sixth Great Extinction" sur lequel on perçoit carrément quelques clins d’œil à METALLICA (niveau riffs) époque "The Black Album", c’est plutôt amené et intégré avec habilité, et surtout "Anonymous" sur lequel THEOCRACY sait franchement alourdir le propos. Non seulement, la rythmique est des plus efficaces et dynamique, mais les riffs se font percutants et intelligents, les guitares se montrent réellement charnues dans leur sonorité. Certainement, un des meilleurs morceaux du disque.

THEOCRACY aime également à varier le propos et nous sommes relativement bien servis sur "Mosaic". Tant et si bien qu’il nous entraine vers des contrées parfois un peu plus progressives comme sur ce "Liar, Fool, Or Messiah" où les musiciens nous délivrent des plans plus complexes (néanmoins le groupe s’y perd un peu je trouve), parfois un peu plus légers tels que sur le titre "Mosaic" où Matt laisse libre cours à plus d’expressivité dans ses vocalises. Presque un régal. THEOCRACY n’en oublie pas moins de nous y livrer une solide rythmique, galopante qui plus est, quelques ponts judicieux laissant apparaitre soit de puissants et jolis chœurs (un soin tout particulier a été apporté sur ces derniers), soit quelques guitares un peu plus agressives et lourdes (entendez par là quelques bons gros riffs). Enfin, THEOCRACY nous emmène aussi pour une épopée des plus épiques avec un "Red Sea" titanesque long de dix-neuf minutes (!) qui clôture magnifiquement le disque. Probablement le point culminant de "Mosaic". THEOCRACY s’était déjà livré à l’exercice du morceau-fleuve sur "Ghost Ship" avec "Easter" (avec déjà beaucoup de brio d’ailleurs), morceau qui flirtait avec les dix minutes. Mais THEOCRACY s’est ici surpassé multipliant les thèmes, le tout avec une cohérence et une fluidité de tous les instants. Jamais d’ailleurs l’ennui ne vient ici frapper à la porte. Entre introduction grandiloquente, lignes orientalisantes, passage acoustique mettant en exergue la voix fluette de Matt Smith, nombreuses variations et accélérations rythmiques du plus bel effet sur lesquelles le groupe tabasse fort, travail soigné et impeccable sur les voix en contrepoint à la manière d’un SAVATAGE, moments de légèreté, passages mélodiques de toute beauté qui pourront même rappeler IRON MAIDEN passé maitre dans cet exercice… Sur toile de fond biblique, nous sommes ici sur l’histoire de Moïse et des Israélites traversant la mer rouge, "Red Sea" est un voyage pour le moins spectaculaire et à la musicalité admirable.

Si on synthétise un peu tout cela, je pense que nous tenons là le meilleur disque de THEOCRACY à ce jour. Tout simplement. Le plus ambitieux également. Avec son Power Metal de haute tenue, alambiqué et désormais testostéroné, d’une musicalité indéniable et in fine assez axée sur la guitare (l’arrivée de Taylor Washington semble aussi avoir donné des ailes au groupe), "Mosaic" est certainement un des meilleurs albums du genre en 2023. Je recommande bien évidemment.

Note : 3,5/5 arrondie à 4/5.

Morceaux préférés : "Anonymous", "Mosaic", "Red Sea", "Sinsidious (The Dogs Of War)".