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2006 The Insignificance Of Life
2021 Anti
 

- Style : Psychonaut 4, Verge, Apati, Bethlehem, Shining

ANTI - The Insignificance Of Life (2006)
Par STORM le 16 Mai 2023          Consultée 1653 fois

Chaque soir, comme à l’accoutumée, les parents serraient un peu les dents. L’enfant terrible qui se terrait dans les combles en guise de chambre allait-il vouloir descendre ? Le paternel se râcla la gorge, prit un instant avant de se décider puis l’appela. Pas de réponse. Il s’y essaya à plusieurs reprises, mais ne recevait qu’un pâle écho en retour. Le père hésita longuement, consulta son épouse avant de se décider à arpenter les escaliers. Pris d’un élan, il entreprit l’ascension. Il fut saisi quand il entendit un son déchirant fendant l’air, suivi d’un autre beaucoup plus sourd. L’attaque de panique fut proche quand il découvrit la scène : le fiston était étendu sur le sol, hilare, dans une mare de sang. Il semblait convulser. Des spasmes s’agitaient en lui autant que des rictus nerveux s’emparaient de son visage. Un bruit assourdissant inondait la pièce. Le père chancela un instant, puis s’évanouit.

La chaine stéréo crachait une musique sombre dont le volume montait crescendo. Des paroles saisissantes surgissaient : "I've nothing in common with you! / My inner self, an emptiness / Nothing is important! / Nothing cares!", proférées de manière infâme.
Le gamin, cet affreux diable, que l’on pouvait croire à moitié mort-vivant, bientôt se releva pour entamer frénétiquement une danse lascive, brassant l’air de toute son envergure en projetant du sang sur les murs des entailles profondes qu’il s’était infligées.

La musique, quoique triste, agissait en lui comme une transe. Le mid-tempo accrocheur tempérait une double pédale en cavale, les guitares accompagnant le tout dans une torpeur étouffante.
Il se mit à brailler de concert avec le chanteur. Une voix morbide à souhait, comme un chuchotement éraillé et passé à la moulinette, tailladée au rasoir. Le rejeton connaissait bien les paroles qu’il imitait à la perfection. Ça fleurait bon le désenchantement épais, la noirceur la plus crasse dans ces combles. La musique qui s’y était installée depuis tant de temps n’était qu’une ode à la vermine et au monde des morts. C’est ce que semblait avoir compris la mère horrifiée en découvrant la scène, à son tour, avant de rejoindre son époux par terre. Plus tard, quand le rejeton entama une de ses hospitalisations, les parents découvrirent que les idéations suicidaires, les danses frénétiques, les hurlements, les scarifications constituaient son existence et que cet opus diabolique, maintes fois entendu, n’était l’œuvre que de leur démon de fils.

Je préfère tirer au clair tout de suite les choses. Si je vous raconte un peu cette histoire, c’est que j’ai connu ce type dans toute sa jouissance borderline à l’hosto, obtenant ses confidences et sa confiance après qu’il ait accepté de me parler. J’ai pu ainsi retracer et cerner davantage son histoire avant son admission sous contrainte. Je ne leurre personne en indiquant ce que je pense de sa musique, car j’apprécie ses compositions et cet album que je considère comme un haut fait. Et lorsque je dis borderline, je n’usurpe pas le mot. La petite demi-heure composée de six petits titres, dont une reprise, qui clignotent du DSBM à toute berzingue… Le champ lexical des paroles… Les titres évocateurs : "Nothing", "Farewell (Escape Into Beyond)… Comment cela aurait-il pu bien finir ? Et cette manière de jouer aussi des titres noir de suie avec une programmation de la caisse claire très détachée. Pourquoi ce parti-pris ? Cela crée un contraste saisissant apportant de manière ingénieuse d’une part du relief aux guitares qui jouent à vau l’eau, mais aussi un pouvoir incantatoire à la voix qui se démarque. Cette dernière semble surgir, apparaître et s’éteindre tour à tour.

Je n’aimerais pas de suite qu’il me présente son ami A. Krieg qui s’occupe des vocalises, enfin façon de parler, car il éructe plus quelque chose qui fait sangloter ses tripes. Je lui en ai parlé, pour qu’il donne des clés de réponse à mes interprétations. Il s’est contenté de sourire sans mot dire. Je n’ai pas pu m’empêcher d'expliquer que j’avais un faible pour "Landscape In Minor" qui égrène une agressivité que j’apprécie. C’est un titre souillé dans l’âme et le cœur, un hymne pour le désenchantement et l’insignifiance de la vie, remettant non pas les pendules à l’heure, mais bien le compte à rebours au premier plan. Le titre "Invocation" est une belle complainte lovecraftienne qui remet en scène le fameux Necronomicon. L’interprétation qu’il a réussi à produire en fait un titre lourd où est scandée la langue de Cthuhlu. C’est toujours aussi désespérant et sans espoir. Le fatum est là, il prend toute la place. "Zero Point" ferme la marche des compositions et c’en est encore plus accablant. La torpeur rythmique annihile toutes percées de lumière, le morceau dégouline et forme, une nasse, un piège irréversible. En lui faisant part de ces ultimes impressions, il m’a dévisagé de manière énigmatique, tout en conservant un mutisme frondeur et froid.

Plus tard en repartant dans mes pénates moins médiquées, je m’avouais être subjugué par la qualité des compositions proposées. ANTI me faisant penser aux valeureux APATI, époque "Eufori", ou encore aux Brésiliens de THY LIGHT sur l’excellent "Sui.De.Pression", ou bien encore à KANASHIMI et le majestueux "Inori" dans la similarité d’approche. Pourtant, je trouve qu’ANTI sur cet album sublime un peu tous ces groupes. L’enregistrement notamment ne jouit d’aucune pauvreté. Quelque chose se passe, comme si le tout qu’il engendrait redéfinissait l’expression du rien. La production y participe car elle est bonne, notamment dans l’équilibre de la scène sonore et dans ses étagements. Alors oui, l’album est court, mais tous les titres sont bons. C’est un concentré, un nectar infect qui fait mouche. Point de remplissage, de titres à rallonge, ANTI s’en sort finalement bien, même si j’aurais préféré un ou deux titres supplémentaires.

Je vous dirai en aparté que ce type aux commandes d’ANTI et ce disque, semblent n’avoir qu’une unique et délicate ambition, celle d’être l’acmé du bourbeux. L’album est un sable mouvant permanent qui pue l’antidépresseur et les miasmes. S’agiter dessus, l’étreindre, c’est plonger dans ses propres profondeurs. Et il n’est pas aisé d’y descendre car l’on prend aussi le risque de découvrir ce que l’on ne peut ni veut voir de soi. C’est un voyage interne intense, dans des abysses désastreux, en apnée et sans perspective de retour.

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   STORM

 
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- Anti (guitare, basse, programmation)
- A. Krieg (chant)


1. Nothing
2. Landscape In Minor
3. Invocation
4. Farewell (escape Into Beyond)
5. Zero Point
6. Morning Soul (cover ABSURD)



             



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