J’ai toujours eu un sacré faible pour CELESTIA au niveau de la scène Black Metal française. Je sais aussi le niveau de discorde ou de préoccupations plus ou moins facétieuses que certains groupes ont induit mais force est de constater qu’elle a enfanté aussi des spécimens d’albums qui ont eux-mêmes influencé nombre de groupes bien au-delà de nos frontières (notamment chez nos amis finlandais). Nous aurions tort de balayer d’un revers de main, les SACRIFICIA MORTUORUM, CRYSTALIUM, DESOLATION TRIUMPHALIS, NEHËMAH, MORTIFERA, BEKHIRA ou autres MÜTIILATION, dont certains groupes cités ici et d’autres pas, ont fait partie du fameux Concilium de Toulon à la fin des 90s et au début de ce millénaire, ou des sulfureuses Légions Noires… Laissons ces tracas ou ces embarrassements de côté et concentrons-nous sur cet autre projet de Noktu bien moins marqué identitairement.

Et si j’apprécie beaucoup CELESTIA c’est notamment pour sa haute teneur littéraire et noir romantique que ce groupe dégage depuis ses débuts, et cette manière désenchantée d’exprimer les tourments, les torpeurs de l’esprit avec une vindicte somme toute contenue mais puissante émotionnellement. Je suis de ceux qui considèrent que les deux premiers albums sont parés d’excellence, et convoquent à leur façon toute la poésie crasse de nos chers auteurs du XIXème siècle, les Charles Baudelaire, Aloysius Bertrand, Charles Nodier, Pétrus Borel, Philothée O’Neddy, Gérard De Nerval… Et c’est en envoûtant de son timbre si caractéristique les abords d’un Black Metal aristocratique que Noktu nous envahit de volutes de fumées opaques sentant les odeurs âcres, moisies ou putréfiées.

Le son des guitares rappelant fortement celui d’un des autres projets de Noktu, CELESTIA, il est tout de même beaucoup plus embaumé d’une dose de reverb, laissant libre cours ainsi au jeu des six-cordes de s’envelopper de cette rêverie ténébreuse, de cette nuit obscure où geint la faune autour de maigres ruisseaux ou sous de pâles réverbères. Cet album est un allié fidèle d’une promenade solitaire à l’orée des bois sous la pâle lueur des astres. Écoutez au moins ces titres empreints de beauté étrange que sont "Phoenomenae Of Chreation", "Dogmatii Duality / Au Crépuscule Sous Les Larmes" et "Dominus Crux Spiritus". Entendez les bruissements de la Nature ou ceux de votre esprit, des pensées qui s’entrechoquent, se dérobent, s’allègent où vous pèsent. Laissez tinter les esprits, les présences et les rêves dans les lieux où ils vous guident, à travers le temps, à travers la vie… L’espace d’un instant. Lorsque s’animera "Nuit Qui Brille Comme Soleil" avec ses motifs acoustiques et son orfèvrerie Black Metal, il sera bien temps de reprendre la route, de chercher le retour. Noktu, ce sale diable, vous sera de mauvais conseil et vous demandera très certainement de rester à la Nuit, de vous nourrir de l’appétit des étoiles et de laisser la terre vous dévorer.

Ce titre résonne en tout point à celui - tout aussi superbe - initiatique du voyage de départ, "Grandiohsia Obverturae / Vue Du Ciel". Sa force vive et poétique teinte le Black Metal de CELESTIA d’une identité unique, reconnaissable entre toutes. La densité folle de ces mid-tempo à la fois oppressants et lugubres marquent durablement l’esprit tant chacun des titres de ce troisième album de CELESTIA agitent frénétiquement nos neurones. Pour ma part, cet album dans la discographie de ce projet de Noktu, est mon préféré. La production claire et puissante ranime vivement les énergies noires que comporte "Archaenae Perfectii - L'Arche Arcane Des Parfaits". Malgré tout, il est encore temps de vous parler aussi du dernier album de CELESTIA paru en 2017, cinq ans après sa conception, "Aetherra". En attendant, profitez encore des longues nuits de cette fin d’été pour aller chantonner ou fredonner sous la lune, hagard dans des sentiers perdus, les atermoiements de vos songes.

Note réelle : 4,5/5.