Ouatezeufeucke ? Des petits Frenchies qui se font une place dans le gratin Metal (ouais, bon, j’exagère un peu j’avoue, mais ils commencent à bénéficier d’une petite réputation par-delà nos frontières quand même), encore absents de NIME en 2023 ? Il est grand temps de se pencher sur le sujet BETRAYING THE MARTYRS, fondé à Paris il y a quinze ans quand même… À la décharge de mes bien-aimés collègues chroniqueurs, le combo francilien opère dans un genre rarement plébiscité par nos lecteurs que ce soit en 2008 ou encore aujourd’hui : le Deathcore (bouh, c’est mal) à tendance symphonique (re-bouh, c’est encore pire).

Il faut dire que les deux styles donnent souvent le bâton pour se faire battre : le côté brutal est souvent perçu comme bas du front, peu technique et hautement répétitif tandis que l’aspect sympho rebute nombre de metalleux (dont votre humble serviteur) pour sa surabondance d’arrangements mielleux et parfois même franchement ampoulés. La combinaison de deux courants aussi antinomiques sur le papier ne peut que faire fuir le chaland, même si certaines formations ont pu par le passé marier habilement les deux éléments, comme CHELSEA GRIN ou INGESTED pour ne citer que ceux-là.

Bref, BTM débarque en 2011 sur la pointe des pieds sur ce créneau hautement controversé avec son premier LP. Et loin de se montrer timide, on peut affirmer dès la première écoute de ce "Breathe In Life" que le groupe ne retient pas ses coups et saute même à pieds joints dans cette flaque boueuse pour en mettre plein les esgourdes, contrairement à son artwork léché et délicat qui suggère une musique globalement plus raffinée que ce qui nous est proposé d’écouter.

Généreux, les p’tits gars de Paname City le sont indubitablement. Passée la piste instrumentale d’introduction, BETRAYING THE MARTYRS fait feu de tout bois sans pudeur, allant aussi loin que possible dans la violence que dans la mélodie. Officiant à tour de tour derrière le micro, Victor (chant clair) et Aaron (growl, pig squeals & co) se relaient et se complètent sans retenue aucune, la voix du premier-cité étant particulièrement clamée, comme pouvait le faire un Devin TOWNSEND sur certaines périodes de sa carrière (ou à l’instar de COUNTLESS SKIES plus récemment). Surprenant au départ surtout pour du Deathcore, l’alchimie met un peu de temps à se mettre en place mais finit par trouver un certain mojo.

Malheureusement, malgré toute la bonne volonté du monde, les premiers titres alertent quant à une surcharge instrumentale. Le sentiment que tout ce petit monde a voulu apporter sa touche prend le pas sur l’efficacité des compositions, comme sur "Martyrs" et "Man Made Disaster" par exemple. Les claviers notamment sont trop présents, pas tant du fait des nappes, plutôt équilibrées au demeurant, que des diverses micro-leads posées un peu partout et qui marchent allègrement sur les plates-bandes des grattes. Les chansons en deviennent rapidement indigestes, malgré certaines parties bien rentre-dedans. L’abus d’idées en vient alors à étouffer les compositions. Si l’on ne peut que respecter l’envie de BTM de bousculer les codes et d’apporter un souffle neuf à un courant ultra-balisé, le curseur est ici poussé trop loin à mon sens.

Finalement, contrairement à mes craintes initiales, ce n’est donc pas tant l’aspect symphonique qui me gêne le plus, mais réellement cette surcharge sonore, qui plus est maladroitement ajustée par la production, ce qui peut se comprendre vu qu’il s’agit là d’un premier LP. Ce sentiment est quelque peu frustrant, car "Breathe In Life" contient réellement plein de bonnes choses lorsqu’il parvient à contenir ses élans dispendieux. "Because Of You" amorce ainsi un redressement bienvenu quoiqu’imparfait, et la seconde partie de la galette s’avère plus harmonieuse, tout en continuant à tataner sévèrement. L’interlude "Liberate Me Ex Inferis" marque le véritable tournant du disque, les arrangements électroniques étant assez puissants et bien sentis, et nous met dans de bonnes dispositions pour la suite.

BETRAYING THE MARTYRS varie alors beaucoup plus son propos et a le bon goût de nous laisser sur une bonne impression, qui lorgne quand même sévèrement plus vers le Metalcore que la promesse initiale ne pouvait le suggérer. Il se paie même le luxe d’une semi-balade, la surprenante "Azalee" que l’on n’avait pas vu venir une seconde et qui offre à Victor Guillet l’occasion de nous démontrer ses talents de co-frontman dans un registre assez touchant en mode majoritairement piano-voix.

Il y a beaucoup de choses sur cet essai séminal. Sans doute trop pour être honnête avec vous, c’est incontestable. Mais il y a également une envie sincère de "tout donner" selon l’expression consacrée des sportifs, à chaque minute, comme si ce premier effort pouvait être leur dernier. C’est pour cette raison que j’arrondirai naïvement mon 2,5/5 à la hausse, reconnaissant sans peine les qualité musicales des membres et la créativité dont ils font preuve, à défaut de maîtrise.

À noter pour les amateurs d’anecdotes croustillantes (ou pas) que la chanson "Life Is Precious" convie pour l’occasion Eddie Czaicki, premier chanteur des Parisiens officiant derrière le micro sur l’EP auto-produit "The Hurt The Divine The Light", celui-là même qui leur avait permis de se faire remarquer par leur futur label.