Voilà bientôt un an, j’ouvrai mon compteur NIME en chroniquant "Conquering", dernier méfait encore à ce jour d’EMPLOYED TO SERVE, groupe méconnu de Metalcore-mais-pas-que, originaire de Woking, Outre-manche. Nous servant un mélange de Hardcore, de Groove et de Death aux petits oignons, le combo avait été un de mes coups de cœur de 2022 puisant son inspiration autant chez MACHINE HEAD, PANTERA ou TESTAMENT que dans la scène Metalcore, et d’une efficacité folle. Cet essai leur a d’ailleurs valu les honneurs de faire l’ouverture de la tournée de GOJIRA qui a débuté l’année dernière et se poursuit actuellement à travers l’Europe. Il est plus que temps donc de m’attaquer à leur discographie, en commençant par ce "Eternal Forward Motion", au moins aussi savoureux, sorti deux ans avant.

Pour faire simple, exit les voix claires parfois irritantes de par trop mielleuses de l’ami Sammy, qui n’intervient plus qu’à coup de growls plutôt bien sentis, la part belle est faite au chant hurlé de Justine Jones, tout en rage. Exit également les constructions un brin linéaires de l’opus suivant, les titres étant bâtis de façon plus chaotique, quittant les structures classiques déjà entendues mille fois, renforçant ainsi la singularité de la musique des Anglais. En revanche, on conserve les influences multiples, la variété des tempi, les riffs en béton armé et les breaks savamment dosés afin d’atteindre une certaine forme de plénitude dans la formule proposée. "Eternal Forward Motion" est ainsi une bombe d’efficacité, sortant des sentiers battus, qui saura ravir ceux qui ont apprécié "Conquering" à n’en pas douter.

D’emblée, le ton est posé avec le title-track qui lance le LP sur des bases très élevées. EMPLOYED TO SERVE est là pour tout casser, et c’est ça qui est bon. Les musiciens excellent dans leur art et nous proposent la palette complète, sans aucune faiblesse. De la production aux leads, en passant par une rythmique au-delà de tout soupçon, tout est fait pour mettre en valeur la voix haineuse de la chanteuse typiquement hardcore, qui se complète bien avec les chœurs par le guitariste. Si vous voulez un exemple, jetez donc une oreille à l’excellent "Harsh Truth", mid tempo cradingue et dépressif, ayant pour thème principal d’alerter sur le suicide, plus scandé que chanté, qui résumé à lui seul le degré d’agacement, pour rester poli, de Justine et de son gang. Les petites pauses ici et là n’ont d’autre but que de permettre de digérer la déferlante qui s’abat sur nos pauvres oreilles et d’essayer de comprendre ce qui nous tombe sur le coin de la tronche.

Très Punk dans l’esprit ("Dull Ache Behind My Eyes"), très Metal dans l’approche sonore ("Force Fed"), la formation britannique en réalise le mariage parfait tout au long des quarante minutes de l’album, usant de dissonances pour insérer des ambiances qui enrichissent indubitablement les morceaux. Ce côté parfois bruitiste, parfaitement maîtrisé (jusqu’au final "Bare Bones On A Blue Sky" tout en sensibilité), est une autre facette sublimée par une production rêche et sans artifice, mais à aucun moment brouillonne. Un véritable modèle du genre, notamment sur le son des grattes. EMPLOYED TO SERVE représente la fusion idéale de ces styles, le Hardcore et le Metal, trop souvent réduite à l’appellation Metalcore, de par trop galvaudée de nos jours.

S’il est aisé d’identifier où le groupe va chercher son inspiration, il n’est en revanche comparable à personne et parvient de ce fait à se forger une identité propre, qui sait s’exprimer aussi bien sur les aspects mélodiques que sur des blast beats. La démarche pourra évoquer chez certains le Mathcore, univers que je ne goûte habituellement pourtant qu'assez peu. CONVERGE, ROLO TOMASSI voire MESHUGGAH sont plus à propos pour décrire ce troisième LP que les références précédemment relevées pour "Conquering".

Dernier point avant de vous laisser écouter la galette : l’ensemble respire une authenticité non feinte. La colère qui habite ce disque respire l’intégrité à pleines narines. Là où tant de ses contemporains ont le cri futile et vain, Justine crache sa bile du fond de ses tripes à en donner des frissons un peu comme Frank Carter le faisait au sein de GALLOWS, pendant que Sammy et ses potes font preuve d’une maîtrise et d’une agressivité sans faille derrière leurs instruments.

Blindé de pistes marquantes ("We Forgot You") malgré leur manque d’immédiateté, "Eternal Forward Motion" prendra son temps pour dévoiler toutes ses facettes et mérite d’être ainsi apprivoisé, sa richesse se révélant écoute après écoute, tout en étant efficace dès le départ. Paradoxal ? Sans doute. Mais n’est-ce-pas la marque des plus grands ?

Note réelle : 4,5/5, tout simplement l’un des meilleurs albums de Metalcore moderne qu’il m’ait été donné d’entendre.