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NEED - The Wisdom Machine (2006)
Par HAPLO le 30 Janvier 2023          Consultée 796 fois

Qu’est-ce qui peut bien séparer un cosmonaute de la station spatiale internationale en train de procéder à des réglage millimétro-chiadés sur les composants extra-véhiculaires via sa console tactile individuelle (CTI) le reliant à l’ordinateur central... de son ancêtre homo sapiens appréciant pour la première fois la capacité d’une pierre anguleuse à perforer le crâne d’un rival musculeux s’opposant à ses perspectives d’accouplement avec la plus jeune femelle de la horde ?

À ton sourire narquois, je vois bien, ô lecteur assidu que tu te délectes de la réponse : Ben voui ! le temps, l’évolution, le progrès.

Et c’est bien à cette donnée tant intangible qu’universelle que je songe quand je me colle au premier-né d’un brillantissime combo dont la patte artistique s’est depuis bien affinée et qui nous a en outre, à l’image de NEED, plus particulièrement gâté jusqu’à l’excellentissime "Norchestrion: a song for the end" de 2021. La machine à remonter le temps offerte par l’écoute a posteriori puis la chronique d’un premier album oblitèrent logiquement l’époque, le contexte, et gomment d’un seul trait tout le chemin parcouru depuis… sachant qu’à la lumière d’une IA conquérante et surcotée aujourd’hui, une simple caillasse même taillée grossièrement peut paraître bien désuète !
Il nous faut donc découvrir et écouter "The Wisdom Machine" pondu en l’an de grâce 2006 par ces sombres inconnus hellènes de NEED avec toutes les précautions d’usage...

Bien dissimulés sous leurs pseudonymes respectifs, John Vogiantzis (Jon V, voix), George Tzavaras (Ravaya, guitare), Kostas Koutas (K.K, basse) et Petros Tsamparlis (Pete, batterie), les Athéniens composent et proposent avec ce cri initial une musique compacte, dense, aux mélodies légèrement dissonantes où les guitares et leurs rythmiques martelantes aux relents parfois mécaniques tiennent le haut du pavé, accompagnées par une voix alternant constamment entre chant (presque) parlé et hurlements. Sans pour autant remonter à l’âge de pierre (justement !) le mix sonne néanmoins un tantinet daté avec une guitare très en avant, un chant qui semble souvent légèrement enroué et un ensemble qui manque d’épaisseur/de chaleur, même si l’énergie est bien présente, ce qui est incontestable.
Cette énergie, on la retrouve à un format foutrement compressé dans les dix torpilles qui arment ce drôle de "The Wisdom Machine" même si nos jeunes metalleux semblent y avoir parfois du mal à la canaliser sur des titres aux structures et enchaînements un peu patauds mais où la puissance affleure, tout comme le talent d’ailleurs.

En réalité, à l’image d’un courageux cycliste qui s’essaye au Mont Ventoux et à ses dénivelo-virages en épingle, NEED, sur la première moitié de cet album, m'a fait très peur : grosses rythmiques tambourinantes sans grande originalité, voix hurlée en quasi-permanence avec de la hargne mais pas forcément de la conviction… voire quelques résidus de platitude ; accélérations bien bourrines aux boucles répétitives qui font qu’un titre semble être la reprise du précédent… Bref, c’est quoi donc ce groupe qui nous a fait de la si belle (et surtout intelligente) musique par la suite ? Qu’il s’agisse du massif "Twinsoul" à l’intérêt très limité car s’inspirant grandement de son voisin de gradin "The White Tunnel" dont les alternances "grosse rythmique – voix parlée – riffs hachés – voix hurlée – accélération sur double grosse caisse – hurlements (bis) – fin sur arpèges mode réverb" rendaient déjà copieusement prévisible… ou du musclé "Denmad" dont les débuts de commencement de soupçon de nuances n’arrivent malheureusement pas à rendre captivant : NEED donne l’impression de tester différentes choses et de chercher parmi elles ce qui pourrait marcher… L’ascension vers le col est donc fichtrement laborieuse et l’on va même jusqu’à se demander jusqu’où l’on pourra tenir à ce rythme : la complaisance, oui. Le sens du martyr, faut pas pousser quand même !

Et soudain… tout s’éclaire ! Le titre éponyme déployant ses 10’58 min d’une musique qui sort pourtant des mêmes instruments et qui s’avère réellement différente : car tout en restant brute de fonderie et rivetée par des riffs coupés au hachoir, la musique de NEED devient plus vivante, plus vibrante, en intégrant par exemple des arpèges qui montent en puissance, des rythmiques travaillées bordées par une voix maîtrisée, tout en ne se privant pas de petites variations aux relents jazzy de derrière les fagots ! NEED prend enfin du corps et nous offre un plat du chef couplant avec intelligence puissance, rugosité et montées mélodiques touchantes.
Et volontairement ou pas, passé ce cap, la descente enivrante et rafraîchissante commence en accélérant les tours de roue : soufflé par le profond et très Prog’ "7H", fort de sa ligne lancinante comme de son ambiance très prenante, bercé par le lent et diablement mélodique "Lost" où le chant clair et suppliant d’un Jon V, dès lors transcendé, embarque l’auditeur vers ce magnifique crescendo final à deux voix, ou encore charmé par le contrasté et clôturant "Sutanatus" dont les arpèges s’enroulent autour d’une rythmique velue ou d’un jeu très efficace de double grosse caisse nimbé d’un chant tout en retenue… Bref les virages aux courbes jouissives s’enchaînent, la vitesse comme la beauté de la trajectoire fait irrémédiablement oublier les lenteurs douloureuses d’une ascension qui ne semblait pas avoir de fin. NEED n’est pas encore au niveau de la gifle magistrale qu’il m’a asséné en 2021 mais son énergie primordiale est bien présente ici. Pas de doute !

"The Wisdom Machine" est par delà même un album de jeunesse quelque peu déconcertant. Disjoint à une précision millimétrique entre une première partie dont le fouillis hirsute et hurlant heurte irrésistiblement mes oreilles délicates de progueux, et une seconde moitié où, comme par magie, le curseur vient très vertueusement se positionner au bon endroit entre la boîte à claques bûcheronne et la caresse mélodique, les Grecs de NEED surprennent et m’interrogent sur la possible stratégie diabolique qui pourrait couver sous ce ressenti. Les cinq premiers pétards ne seraient ils pas présents uniquement pour valoriser les cinq fusées colorées qui suivent… ou en tous les cas pour prépare l’auditeur à les apprécier ? Mais heureusement, grâce l’écoute heureuse que j’ai conseillé à l’ami Denys_m/, grand trasheux guttural devant l’éternel, cette masturbation cérébrale s’est vite arrêtée quand il m’a fait part de son retour :
"- C’est top ton truc… surtout la première partie, parce qu’après, c’est bizarre !"
Les oreilles des Dieux du Metal sont imperçables… et c’est tant mieux !

Seul dans le cockpit de la station spatiale internationale, j’écoute du NEED en contemplant le fragment de météorite avec lequel j’ai fracassé l’unité de gestion extra-véhiculaire de l’ordinateur central qui déconnait à plein tube, menaçant d’opérer un magnifique lâcher de panneaux solaires géants vers la Terre… J’utilise un angle aiguisé de ce caillou de l’espace pour tracer un très mérité 3/5 sur l’écran noir de ma console tactile individuelle (CTI) qui a grillé et qui ne me sert donc plus à rien… "The Wisdom Machine" est un bien un album de jeunesse justement emblématique : brut, minimaliste, bourrin à souhait… mais dont la seconde partie laisse entrevoir tout le potentiel comme la capacité artistique de NEED. Vivement la suite !

- pour la libération attendue : "7H",
- pour la longue vague de plaisir : "The Wisdom Machine",
- pour l’ouverture baroque et déstabilisante: "Torn".

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- Jon V. - John Vogiantzis (voix)
- Ravaya - George Tzavaras (guitare, voix additionnelles)
- K.k. - Kostas Koutas (basse, chant additionnel)
- Pete - Petros Tsamparlis (batterie)


1. Torn
2. The White Tunnel
3. Twinsoul
4. Sea Of Lost Faces
5. Denmad
6. The Wisdom Machine
7. 7h
8. Lost
9. Stroll Of Choice
10. Sutanatus



             



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