J’aime autant vous prévenir, je n’aurai dans l’ensemble que du bon à vous conter concernant les Américains de WHISKEY MYERS, tant les petits gars de Palestine (oui, oui, au Texas) représentent la quintessence du Southern Rock moderne que j’apprécie (avec les premiers The CADILLAC THREE et BLACKBERRY SMOKE). Cette chronique assumera donc une certaine forme de subjectivité, l’un des critères de sélection de NIME d’après ce que je peux constater jour après jour. Petit groupe indépendant créé il y a une quinzaine d’années, la formation possède la particularité de n’avoir quasiment pas changé de line-up (à l’exception du bassiste en 2017).

Maintenant que les présentations en bonne et due forme sont faites, il est temps d’entrer dans le vif du sujet : que vaut donc ce troisième album, le premier à avoir réellement eu une portée nationale au pays de l’Oncle Sam. Parfait mélange de Country, de (parfois Hard) Rock et de Folk, "Early Morning Shakes" (je vous laisse traduire la signification lubrique des paroles de la chanson-titre), chaque piste est un voyage au pays de l’Oncle Sam. Celui des dinners moisis, des pick-ups et de la poussière qui sent bon les puits de pétrole. Si ces mots vous collent de l’urticaire rien qu’à leur évocation, je vous invite à passer votre chemin. Dans le cas contraire, c’est bien ici que cela se passe.

Biberonné au son US et notamment de LYNYRD SKYNYRD et Hank WILLIAMS Jr., WHISKEY MYERS nous délivre ici douze titres gorgés de feelings, portées par des mélodies et un groove pernicieux. La voix nasillarde de Cody Cannon, également à la guitare et à l’harmonica, concrétise le travail de l’ensemble du groupe, dont il émerge une véritable cohésion. Chaque placement est parfaitement calé. Il me semble impossible pour un groupe non-US de pouvoir produire un son de la sorte, tant cela semble ici inné. Les passages quasi a capella, régulièrement relancés à la grosse caisse pour mieux laisser les guitares faire monter la sauce avant que des riffs ("Headstone") que ne renieraient pas les BLACK CROWES viennent apporter l’énergie nécessaire.

Un vrai travail sur les chœurs confère également à l’opus une dimension quasiment Soul/Gospel ("Where The Sun Don’t Shine"), qui vient encore enrichir les influences parfaitement digérées du combo, qui sait également se montrer plus posé ("Reckoning"), Cody y démontrant une jolie palette vocale, plus large qu’attendue, accompagnée d’un piano. La variété des instruments est d’ailleurs à souligner, WHISKEY MYERS n’hésitant pas à ajouter des cordes ou un petit orgue Hammond à l’ancienne lorsque nécessaire. L’équilibre qui se dégage d’ailleurs de l’écoute des pistes est assez remarquable.

Mais du coup, n’étant pas nés de la dernière pluie et ayant forcément remarqué les trois étoiles accolées à la pochette sur cette interface web du siècle dernier qui fait notre charme, vous vous demandez certainement ce qui cloche. Et vous avez raison, malgré toutes ses qualités, "Early Morning Shake" n’est pas totalement abouti. Ou disons plutôt qu’on a l’impression que le groupe en garde sous le pied, n’osant pas totalement lâcher les chevaux.

Prenez les guitares par exemple sur "Wild Baby Shake Me". Bordel, ça envoie du lead de qualitay. Pourquoi attendre le neuvième titre pour nous montrer cela ? Solo, bottleneck, inspiration, tout pourtant est là. Si la fin du disque laisse d’ailleurs un peu plus de place aux grattes, les musiciens donnent parfois l’impression de se retenir pour conserver une forme de cohérence au niveau de l’écriture, se restreignant à mon sens de manière excessive. Ce qui m’amène d’ailleurs au deuxième point que je souhaitais partager avec vous : l'originalité.

Si les chansons sont bonnes et forment un tout homogène, peu de titres émergent réellement du lot. Les mélodies sont belles et authentiques, mais ne dégagent pas une créativité folle non plus. En dehors des titres cités, et du crépusculaire et conclusif "Colloquy", on sent que le groupe cherche trop à rester dans un créneau qu’il maîtrise, ne s’aventurant guère en dehors des sentiers battus, alors que le potentiel est pourtant bien réel. Il en résulte un léger sentiment de frustration. On se dit alors que WHISKEY MYERS, c’est très bien, mais ce n’est pas non plus génial.

En conclusion, élève (très) doué, mais peut et doit mieux faire.