Pour comprendre le Southern Rock, il faut comprendre la Country. Et pour comprendre la Country, il faut aller à Nashville, Tennessee. Au-delà du Country Music Hall Of Fame qui lui est dédié, il existe une rue appelée Broadway. Pas celle du music-hall de la côte Est évidemment. Celle des santiags, des chapeaux, du banjo et des rednecks. Sur plus de 300 mètres, de chaque côté de la rue, se succèdent des bars proposant de la musique live à partir de 10h du matin, jusqu’à tard le soir. Les groupes s’y succèdent sans interruption et aucun droit d’entrée n’y est exigé, la seule obligation étant de consommer sur place, ainsi que de tipper lorsque la musique vous plaît.

Pour avoir expérimenté la chose, je peux sans détour porter quelques affirmations :

1) Le niveau moyen musical est absolument hors-normes et chaque groupe propose une prestation d’une qualité à mille lieues de ce que l’on peut trouver dans l’Hexagone.
2) La Country est bien plus riche que ce que je pouvais penser, aveuglé par mes a priori de petit Frenchie hautain vis-à-vis de l’Amérique profonde. Il suffit d’ailleurs de regarder « Deliverance » pour se le rappeler, douloureusement certes.
3) Un bar = au moins un groupe = au moins une bière : de 10h à minuit, l’addition éthylique est plutôt élevée et j’ai peu de souvenirs de ma fin de soirée.
4) Tout amateur de musique DOIT vivre cette expérience s’il en a l’occasion.

Voilà, maintenant que le décor est globalement posé, attaquons-nous à ce sixième album de WHISKEY MYERS, petit groupe texan auto-produit, fuyant les majors comme la peste afin de garder le contrôle de son œuvre et d’aller où bon lui semble. Pour ceux, sans doute nombreux, qui ne sont pas familiers avec le combo, quinze ans de route au compteur tout de même, affirmons-le de suite : Cody Cannon et sa clique puent la musique 'ricaine, celle qui s’étend de Nashville à Amarillo, le long de la route 66, bordée de mobile homes, de diners fluos, de rattlesnakes, et de Cadillacs avec des cornes de buffle sur le pare-chocs. "Tornillo" est la bande-son idéale pour traverser les US en pick-up, à travers les routes désertes et les stations-services délabrées.

Je sais bien que le Southern Rock n’est pas l’un des genres les plus prisés sur NIME, loin de là. D’aucuns questionneront même la légitimité de chroniquer un tel disque sur un webzine Metal, mais je m’en fous. Je fais comme les petits gars et j’insiste, espérant convertir quelques adeptes le temps d’une écoute ou deux. Après The CADILLAC THREE, voici donc WHISKEY MYERS. Alors pourquoi ce groupe ici ?

Déjà, pour commencer, il y a dans "Tornillo" des parties de guitares gorgées de feeling comme je n’en ai pas entendues sur des disques de Hard Rock depuis fort longtemps (par exemple sur "Feet’s" ou "For The Kids", mais chaque titre aurait pu être ici cité). J’insiste ici, à l’instar de LYNYRD SKYNYRD, ceux qui apprécient les envolées impromptues de six-cordes seront aux anges. Ensuite, le groupe sait se faire plus lourd, c’est d’ailleurs comme ça que je l’aime, mon Southern, la batterie tout au fond du temps. Et puis merde, les BLACK CROWES n’avaient-ils pas pavé la voie, il y a plus de vingt ans ?

Prenez "John Wayne", le premier single. Tout y est : une ligne de basse inspirée, l’harmonica aérien qui ouvre les grands espaces, une voix limite nasale comme il faut pour un placement vocal qui sent bon la chique, la rythmique bien chaloupée et les chœurs en mode bonheur. Ce titre est un condensé de ce que propose WHISKEY MYERS sur ce dernier album. Si cela n’évoque chez vous que mépris, je ne peux rien faire de plus, et autant vous rabattre sur le dernier POWERWOLF, je vous le laisse bien volontiers.

Vous voulez un autre exemple ? Jetez une oreille sur "The Wolf" et son final qui n’est pas sans évoquer chez moi le mythique "Free Bird" ou sur la plus touchante "Other Side", magnifiquement interprétée, qui apporte une touche émotionnelle à ce voyage au cœur des USA. Mais je pourrais également mettre en avant le groove indécent de "Bad Medicine". N’en jetez plus !

Globalement, le combo de Palestine (TX) s’offre ici tout l’arsenal pour venir magnifier ses compositions : les cuivres, la slide guitare, du bon vieux lap-steel, la whammy-bar, un clavier, etc… Et tout cet attirail est sorti à point, ou devrais-je dire medium-rare, sans abus, venant juste relever la sauce ce qu’il faut. Pour être tout à fait honnête, l’opus, aussi excellent soit-il, manque peut-être un peu de jus sur la durée (douze titres pour près de 52 minutes), ce qui le pénalise un peu quand il aurait gagné à distiller ses efforts sur un nombre plus restreint de chansons et en tirer la quintessence, même si aucune piste ne mérite d’être jetée en pâture aux vautours. C’est la seule raison qui le privera de la note ultime.

Cela ne m’enlèvera pas de la tête que les derniers rebelles sont sans doute plus Country que Metal. Là où les grands groupes choisissent de finir leur carrière dans d’interminables tournées d’adieu (SCORPIONS, MÖTLEY CRÜE, KISS) tandis que la supposée relève s’auto-parodie si souvent qu’on en perd le degré sur lequel les groupes évoluent (ALESTORM, AMON AMARTH et tant de groupes de Power), WHISKEY MYERS trace sa route, sans rien demander à personne. Il paraît que l’esprit Rock est mort. C’est en tout cas ce que dit Gene Simmons. Triste sire, il ne l’est bien évidemment pas. Il a simplement embrassé d’autres formes que celles que tu explorais il y a quarante ans. Prends juste la peine de chercher un peu.

Note réelle : 4,5/5.

Titres préférés : "John Wayne", "The Wolf", "Bad Medecine", "Other Side".