En voici, une reformation dont on n'attendait plus rien de neuf ! Depuis qu'ils ont remis le pied en selle - ou plutôt en scène - il y a quatorze ans, les cinglés de LAWNMOWER DETH n'ont rien proposé d'autre que des concerts… Hormis une collaboration marrante avec Kim Wilde, intitulée "F U Kristmas!" en 2017. L'artiste anglaise faisait depuis longtemps figure de muse pour le quintette de Mansfield, puisque ce dernier avait repris LE tube de la belle blonde, "Kids In America", en 1991. Plus connue en France pour son duo avec Laurent Voulzy (le très Synthpop "Les Nuits Sans Kim Wilde", bref), l'égérie New Wave puis Pop confirme qu'elle reste attachante même quarante ans après ses grands succès. Attachante et drôle, car il faut une certaine dose d'humour pour supporter les zigotos de LAWNMOWER DETH.

Ceux-ci sont donc revenus en 2022 avec un album studio tout chaud, leur quatrième, pour sceller une bonne fois pour toutes leur retour aux affaires. Si l'on excepte l'album "Billy", plus Punk, sorti en 1994, ce "Blunt Cutters" reprend les choses là où LAWNMOWER DETH s'était arrêté en 1992 et la sortie de "Return Of The Fabulous Metal Bozo Clowns". C'est-à-dire avec un Crossover Thrash potache et riche en second degré. Le groupe assume d'ailleurs totalement de revenir à ses fondamentaux, comme en témoigne la pochette, façon réclame des années 1950/60. "Sensational. Power packed. Quicker cleaner easier cutting!!", détaille toutefois le slogan de l'artwork. Ce qui est vrai : la formation apparaît un poil plus concentrée sur ce nouveau longue-durée que sur ses deux premiers.

Le nombre de morceaux très courts et un brin débiles n'est pas moins important ici qu'il ne l'était il y a trente ans. Mais LAWNMOWER DETH a plus condensé son propos que sur "The Return Of The Metal Bozo Clowns", avec seulement 18 titres expédiés en 34 minutes chrono. Encore moins que sur l'initial "Ooh Crikey It's… Lawnmower Deth" de 1990. Comme je le disais, les respirations de moins d'une minute sont toujours là - "Swarfega", "Good Morning, Phil" et son écho vespéral "Goodnight, Bon", l'ultra bref "Christ Options", le délicat "Space Herpes" - mais au prorata, les compos de plus de deux minutes sont plus fréquentes sur ce nouvel opus. Reste que l'ensemble des titres de la tracklist est envoyé avec la même énergie juvénile qui caractérisait le combo au début des nineties. Pas de coup de vieux notable, ici.

Cette "deuxième jeunesse" est palpable sur le puissant et vindicatif "Deth! Maim! Kill!", dont les muscles saillants ne débandent pas une seconde et dont le riff accroche l'oreille bien comme il faut, même si l'on reste dans un style Crossover classique, avec un ratio de Thrash supérieur quand même. Le "Hell's Teeth" qui suit, avec sa basse bourdonnante, est également très percutant et LAWNMOWER DETH s'y adonne, en outre à des ralentissements soudains qui donnent des envies de mosh. L'ascendance Punk du Crossover Thrash s'entend fortement par moments sur ce disque, notamment sur le bien-nommé "Into The Pit", rageur au possible et dont l'énergie communicative devrait être reçue 5 sur 5 par la fosse lors des prochaines représentations du gang britannique.

Les morceaux mêlant habilement l'aspect Metal du Crossover et son aspect Punk et Hardcore sont légion sur "Blunt Cutters", à l'image du fédérateur "I Don't Want To", de "Botheration" avec ses gang vocals caractéristiques - car que seraient le Hardcore et le Crossover sans ce type de chœurs ? - du sautillant "Bobblehead" et du débilitant "Bastard Squad", sur lequel l'influence de pionniers tels que les DEAD KENNEDYS est manifeste. On a d'ailleurs presque l'impression d'entendre Jello Biafra derrière le micro qu'accapare Pete Lee, alias Qualcast Mutilator. Une sensation récurrente avec l'éternel chanteur de LAWNMOWER DETH, mais qu'il fait plaisir d'entendre de nouveau, et aussi en verve ! L'écouter s'égosiller sur "Now He's A Priest" est un vrai régal.

Comme le veut l'expression, si fréquente aujourd'hui, LAWNMOWER DETH n'est pas revenu pour enfiler des perles ! Ou plutôt, si : des perles de Crossover bien inspiré, aux reflets aussi Core que Metal, placées l'une à la suite de l'autre sur un fil tendu comme une corde à piano. Et comme la formation a le bon goût de rester sur des durées raisonnables, sur ces morceaux comme sur l'album tout entier, la lassitude ne pointe pas son nez. Ce qui fait que les titres les plus longs comme "Raise Your Snails", à l'accélération foudroyante et au solo dingo, "Deth! Maim! Kill!" et le surprenant "Agency Of C.O.B.", très urbain et à l'ambiance plus lourde que tous les autres morceaux réunis, se font d'autant plus remarquer.

Revenu avec cette approche "less is more" très mature, qui lui a permis de se débarrasser de certaines scories, de laisser de côté tout élément susceptible de rallonger ou de délayer sa sauce, LAWNMOWER DETH livre ici son album le plus efficace et le plus in your face. On n'atteint certes pas le niveau de délire d'un "Ooh Crikey It's… Lawnmower Deth", qui reste LA référence en matière de Crossover débilos, et ce, des deux côtés de l'Atlantique, mais l'on obtient la substantifique moelle du style du quintette britannique. Lequel a pourtant perdu, depuis 2017, son fondateur Chris Flint, alias Explodin' Dr Jaggers Flymo, qui a laissé ses baguettes à Chris Billam de CONSUMED. Lequel a préféré conserver son nom plutôt que d'adopter un pseudonyme WTF comme ses camarades de jeu.

Difficile, face à un tel tableau, de faire la fine bouche, d'autant que même la production est solide et réussie, laissant à chaque instrument la place qu'il mérite et permettant à tous les musiciens de briller à leur manière. Même les soli de guitare, aussi brefs soient-ils, retiennent l'attention, d'autant qu'ils sont fort habilement placés. Franchement, si on m'avait dit, il y a un an à peine, que je chroniquerais un nouvel album studio de LAWNMOWER DETH et que je lui collerais quatre étoiles, je ne l'aurais pas cru une seconde. Et pourtant, c'est bien ce à quoi le quintette du Nottinghamshire me pousse à faire. Sorti en plein hiver, "Blunt Cutters", armé de son humour tour-à-tour caustique et bon enfant, distille finalement mieux son énergie et sa bonne humeur au milieu de cet été 2022 caniculaire.