Nous sommes en 2015 et Bill Steer commence à se dire qu'il est temps de se pencher sérieusement sur le septième album de CARCASS. Mais le business de la musique évoluant, Jeff Walker le maître ès business du trio n'est pas de cet avis. Le groupe vient de faire patienter ses fans avec quatre titres non-retenus pour le définitif "Surgical Steel", salué de toutes parts comme l'un des comebacks les plus réussis de l'Histoire du Metal. CARCASS continue de tourner et d'éprouver la complicité avec le remplaçant de Ken Owen derrière les fûts. Et de toute évidence ça fonctionne !

Il faut alors attendre 2019 pour voir sortir un nouveau titre, "Under The Scalpel Blade", mais l'attente d'un nouvel opus est insoutenable. Quand j'ai vu poindre "Despicable" j'étais à fond, et puis j'ai été rapidement refroidi en constatant qu'il ne s'agissait "que" d'un EP, comprenant le single paru un an plus tôt. Si bien qu'après l'avoir apprécié, je n'y suis pas revenu, un peu déçu de voir les Anglais traîner autant à donner un successeur à "Surgical Steel", surtout que je dois avouer que les chutes de studio sorties sur "Surgical Remission / Surplus Steel" ne m'ont pas transcendé.

"Torn Arteries" venant de voir le jour, je me sens un peu stupide, car "Despicable" fait partie de ces EP qui proposent de l'inédit, et du matériel original. Alors, chutes de studio ? Non, on trouve sur cet EP des titres globalement plus mid-tempo, fruit d'une volonté de Bill Steer de proposer des variations rythmiques qui vont bien plus loin que le bourrinage en règle pour lequel CARCASS est réputé et qui permet de conserver dans sa musique cette jouissive brutalité premier degré héritée de ses premières amours Grind.

Si l'on excepte l'impressionnant premier titre à tiroirs "The Living Dead At The Manchester Morgue", avec ses riffs terribles qui démontrent une capacité à se réinventer constante chez Bill Steer, les autres titres proposent un Death Metal mid-tempo tenté par le Groove, même si on n'approche jamais le Death'N'Roll chez ENTOMBED. Et je dois dire que ça fonctionne pas mal en fait, "Slaughtered In Soho" et "The Long And Winding Bier Road" se révélant quasi catchy, grâce à leur construction intelligente, leurs guitares maîtresses avec ce son croustillant si typique de la formation anglaise, et des soli soignés, d'une fluidité à toute épreuve.

Ainsi, tout comme "Surgical Steel", CARCASS ne propose pas un "Heartwork"-bis, il compile ses idées, ses riffs, les éprouve et en retire la substantifique moelle. Sa musique est toujours mélodique, riche en riffs harmonisés, brutale également, même si la production en facilite grandement la compréhension et l'appréciation, et la cohésion rythmique du trio dégage quelque chose de plus live que sur l'album de 2013, sans aucun doute la conséquence de plusieurs années à jouer ensemble sur scène et d'une stabilité d'effectif plus qu'encourageante.

Bref si vous sentez que "Torn Arteries" est fait pour vous, ne négligez pas "Despicable" qui est bien davantage qu'un apéro, et qui étend un peu plus le spectre musical présenté par cette carcasse de trente-cinq ans d'âge.