Ah les JEKYLLS ! J'ai pensé que le successeur de "Hyde Rocker" ne verrait jamais le jour, après plusieurs années au cours desquelles les départs se sont accumulés. Il faut dire que les obligations professionnelles de son compositeur Jean-Philippe Francon ont entraîné un dilemme organisationnel. Bon prince, il aura trouvé en Pierre Librini (ex CLOVERSEEDS) un remplaçant de choix, au jeu un peu différent, fortement marqué par un background plus Metal et une admiration sans bornes pour IRON MAIDEN (à cet égard l'intro de "Rockaine" est un hommage à "Paschendale"). Puis les départs successifs de Franck, de Ludo puis finalement de Kiki, le second guitariste, dans les années suivantes, amèneront à une nouvelle version des JEKYLLS, resserrée autour de son chanteur historique Jean-Pierre Laloux et donc de Pierre Librini, catapulté compositeur en chef, largement à l'œuvre sur ce second album, mis en chantier à peu près au moment où Wilfried Faure viendra intégrer la formation redevenue alors complète.

Le live a permis aux Clermontois d'éprouver certaines de leurs nouvelles compositions, mais c'est bien l'aboutissement de l'album qui nous permet enfin de prendre la mesure du chemin parcouru. Que reste-il déjà de l'ancien JEKYLLS ? Alors hormis la volonté de proposer un Hard Rock toujours mélodique porté par son chanteur, qui a fait de notables progrès sur l'anglais il faut le dire, et qui parfois révèle une facette plus rugueuse où il s'en sort carrément bien ("Come On Or Go Away"), et bien il reste cette maîtrise instrumentale de musiciens chevronnés qu'on pouvait ressentir sur "Hyde Rocker".

Parce que pour le reste, on sent vraiment une patte de composition très différente. Ainsi exit les phrasés Blues et les riffs à l'américaine. On est sur un Hard à l'européenne, plus proche de ce que propose ARCHANGE, à savoir un riffing subtilement calé entre le Hard et le Heavy, même si la production tend à faire rester l'ensemble du côté Hard Rock de la force. Produit à domicile et masterisé par le chanteur de CLOVERSEEDS, le produit passera très bien dans votre chaîne Hi-Fi. Le son est fort, précis, même si je regrette personnellement un côté un peu sec, notamment en ce qui concerne le rendu de la batterie, un peu comme s'il manquait une sorte de liant pour qu'elle se joigne vraiment au mix. C'est d'ailleurs du côté du chant qu'on a les meilleurs choix de mixage, entre doublages, effets et chœurs.

La basse rondouillarde de François Cossard permet aux textures tissées par les guitares de ne pas systématiquement appuyer ce qui est déjà joué. Ainsi, souvent nous avons deux parties différentes en simultané, ce qui rend l'écoute divertissante pour un guitariste. Du côté des soli, on est aussi sur une approche différente, le jeu se faisant plus mélodique (très intéressant quoique pas toujours ultra accrocheur, "Rockaine" étant à la fois révélateur et symptomatique).

Dans un style qui a déjà écrit ses plus belles légendes, il est très difficile de faire son trou, et sans souhaiter de mal aux JEKYLLS, je peux surtout leur reconnaître leur honnêteté artistique face à cette absence de tubes qui permettrait de faire parler davantage du quintette. Mais bien entendu, si "Red Line" tape les trois étoiles, c'est parce qu'il tape juste et que malgré tout, il dispose d'une pépite : "Are You Ready?" ("Remember" se défend aussi pas mal, tout comme "Sexylicious" dans un style à la EUROPE plus proche du premier album).

Sur ce titre, c'est le sans-faute. Le riff, la mélodie de guitare, le chant de JP Laloux, le refrain, simplissime et ultra fédérateur, qui donne envie de se secouer dans tous les sens comme sur les meilleurs AIRBOURNE, les JEKYLLS ont tout bon sur "Are You Ready?" et je défie quiconque de ne pas être conquis par ce refrain enivrant, cette vibe festive et cette structure ultra percutante. Le groupe, pas bête, en a par ailleurs fait son porte-étendard en faisant participer les fans confinés au clip et en le propulsant comme single.

En souhaitant stabilité et réussite, j'espère retrouver The JEKYLLS à son meilleur niveau pour un troisième album qui, on l'espère, ne mettra pas sept ans à se matérialiser. Are you ready?