Je l'apprends en 2021, mais "Heartless" qui m'a soufflé en 2017 a été assez largement constitué à partir de morceaux datant de 2009-2010, soit avant même la composition de "Sorrow And Extinction" le premier album qui a mis le quartette américain sur l'échiquier Doom Metal. Et donc ce développement des claviers, d'un côté plus Prog, ne restera donc qu'un évènement à part dans la courte discographie des Américains.

Car si "Forgotten Days" a eu droit à deux vidéos promotionnelles (signe d'un label qui croit en vous et met les moyens, et quand il s'agit de Nuclear Blast autant dire qu'ils sont conséquents), il prend une orientation plus sale, plus sludgy, fortement marquée par la pesanteur du deuil, plus proche du son live de PALLBEARER. Ce disque avait d'ailleurs été enregistré dans l'idée de le porter à la scène avec la plus grande efficacité (sic). PALLBEARER a donc choisi de travailler avec Randall Dunn, connu pour son travail avec ASVA, EARTH ou encore SUNN O))), qui a fait enregistrer Joseph D. Rowland et Mark Lierly (auteur d'une peinture très évocatrice qui orne la couverture de ce quatrième album) en même temps, avant que les guitares de Brett et Devin fassent de même, sculptant donc une matière organique live qui sert le style des Américains.

D'un point de vue thématique, "Forgotten Days" est profondément nostalgique, marqué par la douleur, et en cela très proche du premier album sorti par PALLBEARER. Ce qui peut être encourageant, sachant, que je le considérais comme la meilleure sortie du groupe, avant de le délaisser quelque peu pour "Heartless", assez différent mais tout aussi indispensable. Hors, PALLBEARER, en reprenant goût à la tourbe ne nous facilite pas la tâche. Et cela a de quoi décontenancer, car par ailleurs, avec "Riverbed", "Quicksand Of Existing" ou "Rite Of Passage" il va proposer les morceaux les plus efficaces de son répertoire.

Si "Forgotten Days" éclaire les chemins les plus escarpés de sa musique, il était fondamental pour ses deux compositeurs Brett Campbell et Joe Rowland de se débarrasser du superflu, d'éviter les redondances et d'aller à l'essentiel, quand bien même les titres pouvaient s'avérer longs dans leur construction ; "Silver Wings" est en cela davantage une pièce en plusieurs mouvements qu'un titre d'un seul tenant. Et les contours mélodiques, que ce soit au niveau des guitares, qui prennent un côté presque Grunge à la SOUNDGARDEN sur "Forgotten Days" (je ne parle pas de son démarrage bruitiste qui vise clairement à nous désorienter), ou du chant, aux mélodies parfois redoutablement efficaces, alors que le groupe avait jusque là utilisé l'instrument comme une teinte supplémentaire, une frise pour tapisser ses riffs ou révéler ses ambiances.

Ainsi "Forgotten Days" est à la fois le passé et le futur de PALLBEARER. Et c'est perturbant de sentir le groupe si peu concerné par le présent, car j'en viens à ne pas bien saisir ce que le groupe veut affirmer en ce début de décennie, presque dix ans après ses débuts. Ce quatrième album, pensé dans une optique live, me semble en réalité le cul entre deux chaises, entre un passé qu'il exalte quitte à forcer la facette boueuse et sépulchrale de son propos (le départ du chant sur le premier titre c'est carrément du CANDLEMASS), et un avenir a priori axé sur l'impact le plus optimisé possible, et qui semble réussir aux Américains, puisque c'est exactement ce qui m'avait frappé à la première écoute.

Mon petit doigt me dit que si PALLBEARER persiste dans cette voie, quitte à proposer un disque plus uniforme, il devrait très facilement toucher un public plus large. Mais vu le revirement que constitue "Forgotten Days" par rapport à "Heartless" on ne peut jurer de rien avec ces spécimens-ci.