Vous vous souvenez du one-man band italien SELVANS ? Si oui, ce Black Atmo Folk forestier vous a probablement autant marqué que moi. Eh bien, j'en ajoute une couche aujourd'hui, en migrant légèrement vers le nord, pour vous présenter le duo russe GRIMA, qui nous ouvre les grilles rouillées de son jardin pourri. La table est mise pour une merveilleuse chevauchée aérienne, mes chers amis.

Quatrième skeud de GRIMA, "Rotten Garden" assume parfaitement son appellation contrôlée ; il flotte en ces terres putrides un fort parfum tragique, mélancolique, enivrant et percutant. Volent en ce jardin décrépi des hiboux hauts perchés sur les branches de vieux chênes. Lorsque le Soleil meurt derrière les montagnes rouges, il plane sur ce verger des murmures funèbres invitant au recueillement, le deuil et la peur au ventre.

Voilà pour la portion poétique de cette chronique. Si vous désirez l'allonger au fil de vos écoutes, libre à vous de faire exploser le champ lexical provoqué par la beauté musicale de GRIMA. Une beauté toute sylvestre, que l'on ne peut rater en matant le logo du groupe et qui se répercute sur chaque pitch du duo. "Will Of The Primordial" avant, deux ans auparavant, a foutu une branlée de tous les diables aux fans de Metal sauvage et atmo aux inflexions folk, avec de superbes et puissantes compos. "Rotten Garden" poursuit sur cette lignée et permet à GRIMA de s'inscrire parmi les leaders du genre à mon avis.

Le requiem nocturne "Cedar And Owls" reprend tout de suite là où "Will Of The Primordial" nous avait laissé, nu et paumé dans la neige. La sensibilité et la mélodicité dans l'agressivité de GRIMA transpercent la brunante et nous fournissent le film épique et la doudou dans laquelle se vautrer pour en apprécier les subtilités. Le scénario est enlevant et rêveur, grâce bien sûr à une virtuosité de la part de Morbius et Vilhelm et à une production qui sied parfaitement à ce type de démonstration.

Le paroxysme est atteint sur la pièce-titre, gorgée de tiroirs qui s'ouvrent sans crier gare sur des univers bigarrés qui se parachèvent splendidement. "Grom" et son synthé mélodieux vient envelopper ce "Rotten Garden" d'une coupole dorée, comme "Mourning Comes At Sunset" complémentait "Cedar And Owls" avec sa trame extraordinaire. N'oublions pas non plus "At The Foot Of The Red Mountains", une jolie odyssée enluminée de notes folk dans ce riche décor arboricole.

Après, il y a le « problème » que pose "Devotion To Lord", single plutôt moyen sorti en 2020 et reprise du morceau-titre du premier album des Ruskovs, qui serait soi-disant un bonus sur l'album : on peut le considérer comme un adieu vaporeux et le pardonner, ou on peut le crucifier et l'excommunier pour avoir sabré le duo étincelant qui le précède. J'aurais tendance à choisir la seconde option… Car même à trente-sept minutes, sans "Devotion To Lord", "Rotten Garden" est pleinement acceptable, même pour du Black Atmo. Le niveau de GRIMA est rendu beaucoup plus loin que cette première offrande, alors pas besoin de crise de nostalgie pour nous amadouer.

Lancez-vous sur ce "Rotten Garden" sans tarder et ne lésinez pas sur les bougies. Ce duo mettra le feu aux poudres autant à vos soirées de dépression saisonnière qu'à vos journées de grisaille heureuse. Une bien belle musique.

Podium : (or) "Rotten Garden" – "Grom", (argent) "Mourning Comes At Sunset", (bronze) "Cedar And Owls".

Indice de violence : 2,5/5.