DEWOLFF nous revient en ce début d’année 2020 avec un nouvel album, "Tascam Tapes". Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne paye pas de mine ! La pochette ressemble à une vieille pub des années 60 dans un grand magasin. Ou à un bootleg un peu fauché. Mais il y a une inscription dessus qui laisse pantois. Le disque aurait été enregistré sur la route pour moins de 50 $. Là, ça calme et quand le groupe nous annonce que ça sonne comme si ça en avait coûté un million, ça laisse dubitatif. Qu’est-ce que c’est que cette connerie encore ?!?

Alors du coup, j’ai un peu regardé ce que me disait Internet quant à Tascam. Marque allemande, ok, ça je le savais. Magnétophone et matériel d’enregistrement, ok, ça c’est bon. En revanche, j’ai fouillé, j’en ai pas trouvé à 50 $, et encore moins en occasion à ce prix ! Et si l’album a été enregistré sur la route, avec les frais d’essence et tout le bordel, ben les 50 $, je ne vois pas où ils sont. Ah ! Si ! Loin. Mais il n’empêche, c’est bien, ça a aiguisé ma curiosité et j’avoue m’être bien marré en m’arrachant les cheveux sur cette recherche stérile.

Cependant, la formation néerlandaise lâche un autre petit mensonge, concernant le son. La production n’a rien de clinquante, elle est très roots, très basique, le son manque un peu de profondeur, mais finalement, ce n’est pas plus mal. Ce n’est pas très propre, ça bave un peu sur les bords et ça nous replonge automatiquement des décennies en arrière, déjà que la musique du trio est propice à cela ! Mais là encore, les Bataves vont nous prendre à contre-pied. Ou l’art de surprendre son public.

Avec son élaboration très conceptuelle (enregistrer sur la route sur un vieux magnéto à bandes, en conditions live), l’album est très court. Le groupe propose des titres réduits à leur strict minimum, il n’y en a pas un seul à approcher les quatre minutes. Mais surtout, l’aspect PURPLE s’efface grandement ici pour baliser le terrain vers un style plus Southern Rock, à la guitare langoureuse, mais pas que. DEWOLFF va s’amuser en laissant libre court à ses idées, et il ne va pas se gêner pour partir dans diverses directions, parfois assez inattendues.

On est très surpris par l’aspect posé des morceaux, mais on est rapidement séduit par l’aspect totalement groovy de l’affaire. Luka Van De Poel s’éclate complètement derrière ses fûts et cela s’entend. Il prend ici une toute autre dimension en se faisant plus Soul, plus ouvert dans son jeu, il regarde dans d’autres directions et cet enrichissement personnel s’entend parfaitement ici. Quand on compare avec les anciens albums, il n’y a pas photo, il se montre particulièrement inspiré ici. Il colle parfaitement à cette ambiance plus lâchée, plus détendue.

L’accueil d’une guitare gentiment traînante est séduisant. Les accents sudistes sont bien présents, la rythmique bouge bien. DEWOLFF n’emploie toujours pas de bassiste, c’est Robin Piso qui s’en charge à grands coups d’orgues, bien que cette fois-ci, il se montre plus discret. Les assauts à la Jon Lord n’auraient pas grand sens non plus sur cet album qui fonctionne par sa subtilité et son feeling plus dansant. Mais surtout, ce disque est vraiment très distrayant. Il n’est certainement pas le plus Hard Rock du combo, c’est même plutôt son travail le plus soft, mais niveau variété, il y a de quoi se faire plaisir. Vous voulez du Southern grassement inspiré du Blues ? Tapez dans "Northpole Blues" ou "Life In A Fish Tank". De la ballade très sixties dans l’idée ? "Rain" devrait être pour vous.

Et si vous êtes un fan des BEE GEES toutes périodes confondues et que le Disco provoque des remous irrésistibles dans vos petits pieds et que vous aviez un poster de John Travolta de la Fièvre du Samedi Soir dans votre chambre, vous aurez du mal à ne pas trémousser du popotin sur "It Ain’t Easy", single délirant et très réussi, qui donne une nouvelle dimension, plus foutraque, à la musique de DEWOLFF. Et le mieux, c’est qu’il se fond à merveille dans cet album qui évite le piège consistant à partir dans tous les sens. Hétéroclite, mais pas bordélique, "Tascam Tapes" jouit d’un équilibre entre les morceaux les plus lents, ceux qui prennent une tournure plus aride et les petites surprises façon "It Ain’t Easy".

Après, on aurait peut-être apprécié des morceaux plus longs, plus rentre-dedans, mais se serait-ils bien insérés dans l’ensemble ? "Tascam Tapes" fonctionne très bien sans eux finalement. Le format très court fonctionne finalement bien, DEWOLFF continue sur sa lancée et ne se fixe vraiment aucune limite. Et le trio d’en imposer avec beaucoup de classe malgré un son vraiment incongru sur un disque moderne. Cela en fait une curiosité dans cette discographie qui devient mine de rien conséquente.

Ce huitième album est une bonne surprise finalement vu le parti-pris des Bataves. Inattendu donc surprenant, "Tascam Tapes" en un LP agréable à écouter. Le groupe a déjà proposé mieux, mais la récréation – si cela en est une – est vraiment agréable. "Thrust" laissait entrevoir cet aspect de DEWOLFF, cette spontanéité improbable qui dégouline de partout et surtout cette fraîcheur qui fait vraiment du bien. Bref, un groupe à découvrir au plus vite si vous ne le connaissez pas déjà. Mais peut-être pas avec cet album, assez déstabilisant.

Note réelle : 3,5/5.