Quand des potes d'école se décident à partager leur amour du Heavy Rock (le terme Heavy Metal n'est pas aussi populaire que cela en cette fin des années 70) en 1978, économisant chacun leur argent de poche pour se payer des instruments (c'est tout de même plus pratique pour faire de la musique), la première (et peut-être seule d'importance, même si elle reste relative) formation de la NWOBHM venue d'Écosse, et plus particulièrement d'Édimbourg voit le jour. Sous le nom d'HOLOCAUST, elle va produire son premier méfait dès janvier 1980, en produisant l'un des premiers hymnes du mouvement.

Ce titre, vous en avez sans doute entendu parler, c'est "Heavy Metal Mania", cette tuerie Heavy aux guitares harmonisées entre WISHBONE ASH et JUDAS PRIEST, reprise par GAMMA RAY, dont le leader Kai Hansen est un fan absolu de la formation. D'ailleurs bien des années plus tard, il reprendra à nouveau un titre du premier album des Écossais, le puissant "Death Or Glory". L'autre biais par lequel vous pouvez potentiellement avoir entendu parler d'HOLOCAUST c'est par le quartette qui a fait découvrir un paquet de groupes de la NWOBHM avec ses albums de reprises : je veux bien sûr parler de METALLICA, qui gravera "The Small Hours" sur bande dès 1987.

HOLOCAUST a été loin du succès d'un SAXON ou même d'un ANGEL WITCH, et pourtant il s'est imposé avec le temps comme une inspiration pour la génération suivante. Comment a-t-il fait ? Se nourrissant d'un cocktail d'influences elles-mêmes variées dans lesquelles on retrouve bien sûr BLACK SABBATH et JUDAS PRIEST, mais aussi UFO, ou BUDGIE, la formation réunie autour du duo Mortimer/Dudley possède ce talent pour intégrer et digérer ses influences. Si bien qu'après un second EP tout aussi encourageant que "Heavy Metal Mania", il est temps de livrer un premier album studio. Et HOLOCAUST ne va pas décevoir.

Mais il va apparaître comme en avance sur son temps. Quand on écoute aujourd'hui "The Nightcomers", "Heavy Metal Mania" ou encore "Mavrock" il est assez dingue de se dire que ce groupe possède en lui quasi tous les germes qui vont contribuer à l'essor du Power Metal. De plus, ce premier album studio, gravé en 1981, a incroyablement bien vieilli, et le souhait de John Mortimer de proposer une musique résolument lourde est plus que réussi. À l'image d'un Hendrix qui sonnait Hard avant tout le monde, Mortimer possède ce sens du riff SABBATH-ien tout en possédant une capacité égale à le valoriser au sein de compositions débridées où les soli font partie des gros atouts. Les vocaux de Gary Lettice, pas forcément énormes au premier abord (le vocaliste aura quitté ses camarades après l'enregistrement de "Coming Through" l'année suivante), participent au charme, quelque part entre DEMON et DEF LEPPARD, soit plutôt médium. On est en présence de la seule formation capable de rivaliser avec le PRIEST en matière d'inventivité, notamment guitaristique.

En outre le niveau musical est déjà plutôt élevé (le batteur Paul Collins se montre à son avantage dès l'ouverture "Smokin' Valves" sorti quelques mois plus tôt), posant discrètement mais sûrement les jalons d'une évolution de carrière surprenante. Car le statut culte d'HOLOCAUST tient aussi au fait que malgré son talent, il n'aura pas su transformer l'essai, se séparant de son guitariste Ed Dudley rapidement, qui s'aventurera dès 1983 sur des rivages plus commerciaux avec l'album d'HOLOGRAM. De son côté Mortimer arpentera les sillons du Progressif (sa passion pour le "A Farewell To Kings" de RUSH se révélant par la même occasion), restant dès 1984 et la sortie de "No Man's Land" le seul membre d'origine du groupe (et il n'est même pas crédité au générique sur l'EP "Coming Through" de 1982). La NWOBHM était un bouillon de culture, et le groupe a ainsi su à la fois capter l'esprit originel du mouvement en le sublimant, profitant de sa fougue juvénile (Mortimer a dix-huit ans quand sort "The Nightcomers"), et explosé en vol très rapidement, peu aidé par un petit label (Phoenix Record) qui ne pigeait pas grand-chose au mouvement, et qui contrairement à un Neat, ne mettra pas de ronds sur un groupe issu du mouvement.

"The Nightcomers" s'écoute avec un intense plaisir, et si vous ne le connaissez pas, il fait partie de ces perles essentielles de la NWOBHM, au même titre que le premier ANGEL WITCH ou les deux premiers TYGERS OF PAN TANG. Il est devenu légendaire car quelque part unique, la formation, profondément transformée, quittant ce Heavy débridé des origines aux riffs SABBATH-iens singuliers aussi rapidement qu'il est arrivé. HOLOCAUST restera pourtant actif après les années de turbulence incertaine '82-'84, livrant des albums loin d'être inintéressants, mais sous les radars médiatiques, jusqu'à ce qu'il se reconnecte à ses racines NWOBHM et retrouve, grâce à la ferveur d'Internet qui a permis à nombre de ces formations de renaître de leurs cendres depuis dix ans, un peu de visibilité.

P.S. : petit conseil si vous ne l'avez pas dans votre cdthèque, optez pour la réédition de 2017 par Metal Nation Record qui, même si elle trahit un peu l'artwork original, reprend l'ensemble des titres des trois EP parus entre 1980 et 1982, les versions précédentes n'ayant jamais repris ne serait-ce que les deux premiers EP en intégralité.