Les groupes survivants de la grande époque du Stoner - la deuxième moitié des années 1990, en gros - ne sont plus légion. Il en est pourtant qui continuent leur petit bonhomme de chemin sans se soucier des modes, ni même du temps qui passe, qui n’a de toute façon que peu d’impact sur leur façon de concevoir leur musique. Celle-ci, en l'occurrence, s’appuie sur des fondamentaux érigés dans les 60s et les 70s, alors pour ce qui est de la perméabilité aux tendances du moment, on repassera. FU MANCHU est de ceux-là. Et toujours présent à l’appel. Inamovible. Douze albums studio en vingt-quatre ans pour les Californiens du sud, tout de même !

D’aucuns le lui reprocheraient presque, d’ailleurs. FU MANCHU souffrirait d’un vrai syndrome MOTÖRHEAD. Comprenez : il revient souvent, joue peu ou prou la même chose depuis un bail et n’évolue jamais que par toutes petites touches. Difficile de démentir totalement ce postulat. J’ai bien dit “totalement”. Car en 2018, la bande à Scott Hill est revenue avec quelques idées neuves en tête… Et notamment celle d’un morceau-fleuve pour irriguer les 18 dernières minutes d’un album - le présent "Clone Of The Universe" - qui n’en compte que 36 ! Toute une moitié du disque, en somme… Sur un vinyle, il occuperait toute la face B.

Bref : un monstre. C’est d’ailleurs ainsi qu’il s’intitule, ce morceau : “Le Monstre atomique” ("Il Mostro Atomico", en italien dans le texte). 18 minutes quasi instrumentales, son unique strophe n'occupant qu’une quarantaine de secondes à cheval sur la neuvième et la dixième minute. Une fantaisie de plus pour un morceau qui n’en manque pas. Car FU MANCHU y fait l'étalage de tout son savoir-faire trentenaire, avec force effets fuzz et flanger, et nous fait voyager. Ah c’est qu’il nous fait voir du pays, ce monstre-là !

Entre terre (ses premier et dernier quarts) et espace (son troisième), "Il Mostro Atomico" nous fait planer dans les airs et même plonger dans les profondeurs océaniques. Sans oublier de nous faire rouler à toute berzingue sur les routes du Golden State. Qu’Alex Lifeson, maître ès titres au long cours avec RUSH, ait accepté de poser sa guitare lead elle aussi riche d’effets entre la cinquième et la septième minute du morceau, témoigne d’ailleurs de la qualité du travail du quartette sur cette composition, qui tient parfois sérieusement de la jam session mais s'appuie sur trois ou quatre riffs et idées directrices qui nous permettent, à nous, auditeurs, de ne jamais perdre le fil.

Non, rien n’est gratuit sur "Il Mostro Atomico" et FU MANCHU s’en tire avec les honneurs pour ce qui est de très, très loin, le morceau le plus long de toute sa carrière. Rien n’est gratuit, de toute façon, sur l’ensemble de "Clone Of The Universe", même s’il paraîtra facile à certains de composer des morceaux tels que "Intelligent Worship" ou "Don't Panic" lorsque l’on s’appelle FU MANCHU. Oui, ces morceaux rapides respirent le Stoner le plus Rock’N'roll qui soit, celui auquel nous a habitué le groupe californien, et s’ils n’apparaissent pas d’une originalité à toute épreuve, ils montrent une formation en très grande forme. Le Punk dont est issu Scott Hill n’est pas bien loin…

Sans aller aussi vite, "(I’ve Been) Hexed" et "Nowhere Left To Hide" sont, eux aussi, du FU MANCHU pur jus, armés de riffs fort solides et d’un groove remarquable qui fait taper du pied… Même si c’est plus lentement que sur les deux morceaux précités ! Toujours plus lent, "Slower Than Light" s'avère plus groovy encore ! Pensé comme un trait d’humour, le morceau a je-ne-sais-quoi d’hypnotique, avec sa basse qui ronronne et impulse toute sa dynamique aux autres instruments. La palme du morceau “classique-pour-du-FU MANCHU” mais qui dépote sacrément revient toutefois au morceau-titre.

Tant qu'à évoquer les riffs en béton dont sont capables nos Californiens, "Clone Of The Universe", le morceau, se pose en effet comme une référence en la matière. Le refrain à deux voix vient ponctuer avec force la répétition du riff principal, musclé comme pas deux sur ce disque, avant de laisser la parole aux seuls instruments. Batterie et guitare lead règnent en maîtresses au-delà des 1’40 et, sur une accélération puis un ralentissement soudain, ouvrent parfaitement la voie à "Il Mostro Atomico". Un cheminement réfléchi, pensé, par un FU MANCHU qui n’a jamais paru aussi mature sans renier le moins du monde ses élans de cheval f(o)u. En 2018, voilà qu’il déboule avec son meilleur album en vingt ans. Costaud.