C'est avec une certaine appréhension que vous me voyez ici débuter cette chronique. Vous savez, ce genre même d'impression sous-jacente, vaguement désagréable - mais en l'occurrence nécessaire - de ne pas forcément faire les choses de manière optimale ou tout du moins comme vous l'auriez souhaité, de n’accomplir votre besogne ni dans l'ordre ni très bien. Déjà, parce que je n'avais pas la moindre idée qu'une discographie, même parcellaire, du sinistre HOODED MENACE avait déjà été entamée en ces lieux, fût-ce il y a huit années, par mon honorable Mox de confrère. D'autant plus que, pour tout vous dire, mon approche se révèle sensiblement différente pour ce qui est de ce second "Never Cross The Dead" (2010) dont il vous vanta les miasmatiques prouesses, même si nous serons fatalement d'accord pour nous incliner devant ce groove putride que le groupe nous y déroulait là. Puis, surtout, car avant de m'attabler à la dissection de cet "Ossuarium Silhouettes Unhallowed" j'aurais aimé vous parler de ses prédécesseurs, notamment l'excellent "Effigies Of Evil" à compter parmi les plus belles pierres de taille de son caveau discographique puisque représentant à mon goût la quintessence même de son art âpre, tortueusement Death et fatalement groovy. Ça viendra, je l'espère. Mais les impératifs de calendrier étant ce qu'ils sont, vous conviendrez qu'il était nécessaire de ne pas passer une énième de ses œuvres sous silence.

Nous y voilà donc, six pieds sous terre, à déterrer la dépouille encore fumante de cette formation que j'affectionne particulièrement. Venus de la froide Joensuu, chef-lieu de la Carélie Du Nord, les Finlandais encapuchonnés évoluent dans un créneau assez particulier puisqu'à la croisée des genres, le Death et le Doom en l'occurrence. Du Doom Death, donc ? Non, et loin s'en faut, car plutôt que de pratiquer cette sépulcrale mixture, on observe-là un combo s'appliquant à façonner un Death Metal habité, à l'ancienne, et mâtiné de Doom (et non l'inverse), macabre à souhait et forcément traaaaaiiiiinant – à rapprocher de ses confrères japonais de COFFINS - puisant directement dans les forges sulfureuses que manièrent, à leurs débuts, ces AUTOPSY et autres ASPHYX. Nous parlons là de cette époque maintenant révolue (le début des 90s) où le terreau extrême que l'on connaît actuellement – dorénavant étiqueté à souhait - n'existait pas encore, chacun des protagonistes y allant de ses influences et envies au sein de son propre bouillon de riffs.

Voilà pour l'essence même de son art, mais HOODED MENACE c'est aussi et avant tout un goût revendiqué pour une kult-ure du old-school, qu'il s'agisse de démarches discographiques qui ont fait leurs preuves (multitude de splits en compagnie de LOSS, ASPHYX, COFFINS, etc. et raretés vinyles au menu), de son imagerie squelettes/pierres tombales ou de ses thématiques centrées sur le cinéma d'horreur (d'ailleurs plus poussées ici que chez nombre de combos Death s'en revendiquant) allant jusqu'à émailler certaines de ses pièces de cris de détresse suraigus ou de voix-off empruntés çà et là. Bref, une esthétique toute particulière.

Depuis "Effigies Of Evil" (2012), son parangon de tortuosité délicieusement sous-accordé, nous avons eu droit à un "Darkness Drips Forth" (2015) aux pièces outrageusement longues, bien plus mélodiques - et donc déconcertantes, mais sans être dégueux - qu'à l'accoutumée, pour en arriver à ce "Ossuarium Silhouettes Unhallowed" qui, revenant à l'essentiel (avec un format de chanson plus standard (entre 6-8 minutes) pour un disque plutôt court), va considérablement redistribuer la donne. Car même si le groove de HM demeure reconnaissable entre tous, notre esprit chagrin change ici sa faux d'épaule, se décidant, pour le coup à sonner plus Doom que jamais. Et ça fonctionne ! Et ce dès les premiers rapports avec l'œuvre (en l'occurrence ce magnifique artwork signé Adam Burke – cf. SÓLSTAFIR, LOSS, VEKTOR).

Sur la partition, cela donne certes toujours des pièces sinueuses et au caractère trempé, mais plongeant cette fois-ci leurs longues et squelettiques phalanges dans des terreaux meubles et 'mélodiques' quasi-insoupçonnés jusqu'à là. Ravalant son rictus grimaçant, HOODED MENACE décide de pénétrer encore plus avant dans l'exploration de caveaux souterrains nettement plus Doom Metal. Ainsi, de longues mélodies plaintives ne manqueront jamais de nous accueillir (l'intro de "Sempiternal Grotesqueries", "Charnel Reflections") et, laissant parfois poindre un entrefilet plus lumineux (l'inattendu premier solo de "Sempiternal Grotesqueries"), ne manqueront jamais de laisser s'amasser quelques lourds amas nuageux qui, par leurs jeux de clairs-obscurs successifs, laisseront plus d'une fois se découper subtilement la fugitive silhouette d'un MOURNFUL CONGREGATION. De la même manière, deux-trois riffs mornes et solitaires, savamment distillés ici et là, sauront ramener à la vie le mugissant et blafard spectre harponné par AHAB sur ses premières œuvres ("Cathedral Of Labyrinthine Darkness").

Mais attention, malgré ce name-dropping de poids, en aucun cas HOODED MENACE ne saurait pour autant virer Funeral Doom, les mélodies viciées et les sauvages Doom-deatheries qui le caractérisent ("In Eerie Deliverance") s'avérant toujours très prégnantes sur ce cinquième album. En effet, malgré quelques ajustements de line-up (notamment au chant mais sans que cela ne s'en ressente plus que cela), s'il y a deux entités, ainsi déterrées sans ménagement, qui surgissent soudainement du passé à l'écoute de "Ossuarium Silhouettes Unhallowed", ce sont bien les carcasses pourrissantes de PARADISE LOST et d'AMORPHIS. Mais par contre, vous pouvez laisser sur le seuil de vos espoirs naissants tout ce que vous avez pu écouter d'eux depuis… Leurs fantastiques premiers jets respectifs ("Lost Paradise" - 1990, et "The Karelian Isthmus" - 1992). Car qu'il s'agisse de mélodies moribondes et rongées jusqu'aux os, de cette façon assez infâme mais si appréciable de désarticuler les riffs ("Cascade Of Ashes"), voire même en se permettant de très éparses incartades féminines au chant, c'est aux très vieilles preuves discographiques de ces combos que nous ramène directement là HOODED MENACE (*).

Et franchement ? Malgré l'atmosphère putréfiée qui se dégage du disque, quelle paradoxale fraîcheur ! Par sa faculté à détenir un savoir immémorial directement inspiré des grands anciens - qui ont eux-mêmes perdu leur propre formule en route - et à savoir le retranscrire avec une telle authenticité vingt-cinq ans plus tard, HOODED MENACE assène ici un sacré coup, en frappant (certes lentement mais) très fort, remontant ainsi aux prémices même du genre. Un genre fossilisé que l'on pensait éteint depuis quelques dizaines d'années (**), et là, comme ça, peinards, les Finlandais troquant leur faux pour une pelle, nous le dépoussièrent pour nous le faire sonner tel qu'il rendait dans la première moitié des 90. Chapeau, docteur Jones !



(*) Même si les natifs d'Halifax, on récemment su revenir à leurs bases via deux dernières productions plutôt inspirées ("The Plague Within", 2015 et "Medusa", 2017).

(**) Si des noms vous viennent en tête, s'il vous plaît, balancez-les-moi, mes bibitches !