Le projet larger than life de Bob Kinkel et Paul O'Neill a pris de l'ampleur. Passé de collectif revisitant la musique classique et les chants de Noël à la sauce Rock Symphonique, l'entité a tenté autre chose avec "Beethoven's Last Night" avec une surprenante réussite. On avait le bonheur d'y entendre notamment Jon Oliva incarner un Méphistophélès plus vrai que nature. Ce projet a retardé la parution du dernier volet de la trilogie de Noël démarrée en 1996 avec "Christmas Eve And Other Stories".

Après il ne faut pas s'attendre à trouver dans ces trois albums de simples reprises de chants de Noël à la sauce SAVATAGE. On en est même assez loin. Et pourtant c'est une nouvelle fois à une belle réunion de la SAVATAGE family qu'on est invité ; Al Pitrelli, Chris Caffery, Johnny Lee Middleton et Jeff Plate constituent le groupe live de base et sont bien évidemment présents. Mais on y retrouve aussi Alex Skolnick, guitariste du 'TAGE à l'époque de "Handful Of Rain", et Zak Stevens qui vient pousser la chansonnette sur une reprise de SAVATAGE ("Back To A Reason Part II"), ainsi qu'une armada d'autres vocalistes. Il est inutile de citer Jon Oliva, qui se contente de la partie instrumentale cette fois-ci, c'est dans les chœurs qu'il faudra chercher sa voix (pas évident).

Alors certes la musique classique s'invite régulièrement une nouvelle fois, avec une nouvelle version du "Christmas Canon" de "The Christmas Attic", transposé (il devient donc un canon en La au lieu de Ré) avec une section Rock beaucoup plus proéminente et surtout des vocaux, on revisite ici MOZART ("Queen Of The Winter Night"), là LISZT ("Wish Liszt"), mais il ne faut pas oublier que Paul O'Neill est le spécialiste des concept-albums avant tout et que chaque album de cette trilogie est un conte de Noël à part entière.

"The Lost Christmas Eve" raconte donc une histoire ! Et la troupe est davantage à rapprocher de la comédie musicale que de la grosse formation Hard Rock avec orchestre. Et d'ailleurs, malgré leurs capacités vocales, les chanteurs ont tous cette façon de chanter maniérée, pleine d'effets de manche, que personnellement je ne peux pas supporter, assez typique des musicals anglo-saxons. Et c'est assez frustrant parfois, par exemple sur le théâtral "Christmas Nights In Blue", car on peut très facilement imaginer quelle performance Jon Oliva aurait accompli s'il l'avait enregistrée. On a affaire à une sorte de version décomplexée de MEAT LOAF qui assume entièrement son ancrage du côté de Broadway.

Il faut reconnaître que les shows du TRANS-SIBERIAN ORCHESTRA sont monumentaux, le DVD "Ghosts Of Christmas Eve", qui sera proposé en bonus d'un coffret trois cd renfermant l'intégrale de la trilogie, montre à quel stade en était le TSO en 2004. Il faut savoir qu'au niveau mouvement scénique, lightshow et vidéo, la bête a encore pris de l'ampleur (ceux qui étaient présents à l'Olympia en 2014 peuvent en témoigner). Après on est surtout face à un phénomène très américain.

Je m'explique : les chants de Noël, le côté très bon enfant, cette ambiance à la "Maman J'Ai Raté L'Avion" pour faire simple, et cette facette grand spectacle sont taillés pour les familles américaines, et en cela je ne suis pas surpris du carton que fait le groupe dans son pays d'origine. Mais avec "Beethoven's Last Night" et ce "Lost Christmas Eve", les instruments électriques sont revenus au premier plan. Et ça fait du bien, car cela nous déleste un peu de ces passages variété américaine chiante qui étaient légion sur les premiers opus. En cela, "The Lost Christmas Eve" est le conte de Noël le plus créatif et le plus abouti artistiquement du TSO depuis ses débuts. Les compositions du duo O'Neill/Oliva n'y sont pas pour rien, et le recours à une écriture théâtrale façon "Gutter Ballet" est là pour donner à la fois un peu de rythme à ce disque (ce dont les albums du TRANS-SIBERIAN ORCHESTRA manquent d'une manière générale).

Pour autant, cette musique, à moins d'être vécue en live avec tout le décorum dont ses créateurs peuvent faire preuve, aura toujours du mal à se suffire à elle-même, mais on y trouvera par contre une bande-son idéale pour ses fêtes de fin d'année, en fond sonore pendant le réveillon pour changer un peu des chants de Noël trop traditionnels ; pour cela préférez néanmoins les deux premiers albums du TSO.

Bon réveillon et joyeux Noël à tous !