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- Style : Evoken, Mournful Congregation, Thergothon
 

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BELL WITCH - Four Phantoms (2015)
Par WËN le 5 Janvier 2018          Consultée 2506 fois

Il était une fois un duo. Un duo qui se décida - lors d'une forcément morne soirée - à pousser les potards de ses amplis plus que de raison, donnant ainsi plus d'ampleur et de corps à sa désespérée complainte. Des abords de Portland (US, côte ouest), ses échos saturés vont ainsi traverser le continent américain, s'affranchir des Grands Lacs, pour finalement venir lourdement s'écraser dans les locaux canadiens de PROFOUND LORE RECORDS (Mississauga, côte est) qui ne manquera de rapidement l'assimiler à son roster (EVOKEN, PALLBEARER, YOB, SUBROSA, etc.). Auparavant relativement réservé (sa démo de 2011), le couple Dylan Desmond (basse, chant) / Adrian Guerra (batterie, chant), tête pensante de notre funèbre hôte, va petit à petit prendre plus d'assurance tandis que s'allonge significativement la durée de ses compositions ("Longing", 2012). Et c’est finalement ce "Four Phantoms" et la paire d'années nécessaire à en parfaire la genèse, qui va assoir BELL WITCH et son Funeral Doom au rang des formations américaines à surveiller de près, de très près même.

Car si de prime abord, l’accablante entité pourra paraître confuse et semblable à quelques-uns de ses plus crasseux congénères aux flasques silhouettes s’ébrouant plus loin, ce n’est - comme souvent - qu’en l'approchant et en l'observant attentivement que nous allons finalement prendre conscience de sa véritable nature, à la contempler ainsi dans toute son abjecte et prodigieuse colossalité. Car, dans les traces directes de son pachydermique compatriote d'EVOKEN lors de ces débordements les plus furax, du plus délicat MOURNFUL CONGREGATION lorsqu’il s’agit de faire traîner ses larmoyantes effluves, ou d'un THERGOTHON - quoique moins infâme - pour les fétides relents qu'il ne manque de dégager, les lentes et litaniques lamentations de BELL WITCH demeurent logiquement orientées, comme l'annonce l'incroyable artwork de Paolo Girardi, vers le domaine du mortuaire.

Un art funèbre toujours très esthétique, ici teinté de sienne, loin de la ténébreuse et coutumière monochromie qu'on lui associe plus volontiers. Et pour cause, chez BELL WITCH, la souffrance et la condition humaine, les peurs les plus intimes de l'être, ou de quelconques et tentaculaires déités cosmiques, n'ont pas leur place. Le monde du duo est déjà mort, vidé de toute essence, ainsi flétri depuis tant d'éternités. Ne demeurent que ces cendres terreuses recouvrant un crasseux passé depuis longtemps oublié ; blêmes dunes bourbeuses seulement sillonnées des rumeurs désespérées de quelques décharnés spectres égarés. Ces quatre actes qui composent ce "Four Phantoms", ce sont justement eux, ces spectres ; seuls témoins moribonds d'un monde jadis gorgé de vie, forgé au gré des quatre éléments primordiaux dont ne subsistent que ces carcasses hagardes et décharnées.

Là, elles vont et viennent.

Lasses, elles se souviennent.

Elles se souviennent de leur splendeur passée ; vanités fanées qui, fatalement, les menèrent à leur perte. Du long de l’heure lui étant allouée, BELL WITCH fait donc sien leurs fantomatiques obsessions, déclinant chaque pièce en un funèbre et contemplatif éloge à ses antédiluviennes entités, commémorant leur force d’antan en une œuvre bicéphale. D’une part, deux énormes pavés écrasants de désespoir (les "Suffocation" de 22 minutes chacun) … d’autre part, deux pièces plus ‘légères’ puisqu'avoisinant ‘seulement’ les 10 minutes (les "Judgement"), nous offrant une perspective bien illusoire d’aérer le propos. Ainsi, de la puissance tellurique d’un "Suffocation - A Burial" cadencé au gré de riffs laborieux et de traînantes leads évocatrices, aux cendres asphyxiantes en apesanteur d’un "Judgement - In Fire", mollement virevoltantes sur sa seconde, des sinistres remous de "Suffocation - A Drowning", tantôt suffocants, envoyant tourbillonner nos moindres repères, tantôt fluctuants, s’écoulant en une rivière de boue saumâtre, aux ultimes relents venteux de "Judgement - In Air", balayant sans relâche les reliefs arides de cette terre écorchée ; d'Est en Ouest et du Nord au Sud, BELL WITCH fait traîner ses accords, dominant sereinement ce sépulcral néant de cendres.

À sa disposition, peu d'artifices. Une batterie tant lancinante qu'imperturbable, ici érigée en inflexible concubine d’un tempo agonisant, impavide dans les moindres percussions de ses cymbales. Mais surtout, cette basse (et elle seule), en charge de corrompre cet indicible silence, dévorant sans vergogne toute once de quiétude de son omnipotente présence, qu’il s’agisse d’abasourdir son auditoire de ses exactions lourdes en saturation ou au contraire, lors de ses plus sobres vibrations, de sournoisement s'immiscer afin de gâter de l’intérieur le fruit de toute tentative de renaissance. En l’occurrence, l'absence de guitare et l'utilisation très particulière faite de sa basse homologue, n’est en rien pénalisante, ni même frappante. L'ensemble est certes soumis à un riffing plus tourbé que jamais d’où, par la gravité des tessitures développées, se dégagent parfois quelques réminiscences Sludge (conférant à l’œuvre un grain terreux particulier en totale osmose avec les teintes brunâtres de son artwork), mais en aucun cas cela ne saurait trahir une grâce parfois brute et suintante d’émotion que nous nous surprendrons à découvrir au détour d’une de ses grasses complaintes. Assez logiquement, diverses approches vocales (growls et chœurs spectraux, voire quelques litanies déclamées par Erik Moggridge sur "Suffocation - A Drowning", seules véritables parties chantées) permettront de nuancer le propos et d’adapter les vocalises du duo à ses terribles et vrombissants rituels sonores.

En quatre pièces, notre BELL WITCH fait donc le tour de son sujet, nous livrant une œuvre terne au terme de laquelle nous ne saurons facilement nous affranchir de son étreinte pour nous plonger dans quelque chose de plus jovial. Cette façon de faire mourir ces riffs en même temps que s’éteignent les dernières étincelles d’espoir ; ce sentiment d’impuissance face à l’inévitable, tellement prégnant ; cette manière laconique de nous retranscrire ses visions cauchemardesques d’un monde condamné dont la cause, oubliée, nous importe finalement peu ; tout ici, développé ainsi par l’implacable duo, nous renvoie à un funeste avenir, fatidique et vide. Mais n’est-ce pas là, ce RIEN, le plus certain des futurs qui tend à nous embrasser tous ?

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- Dylan Desmond (chant, basse)
- Adrian Guerra (chant, batterie)
- Erik Moggridge (invité - chant #3)


- suffocation, A Burial: I
1. Awoken (breathing Teeth)
- judgement, In Fire: I
2. Garden (of Blooming Ash)
- suffocation, A Drowning: Ii
3. Somniloquy (the Distance Of Forever)
- judgement, In Air: Ii
4. Felled (in Howling Wind)



             



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