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AUÐN - Auðn (2014)
Par PERE FRANSOUA le 19 Novembre 2017          Consultée 1816 fois

Mince, le nouvel album de ce groupe va bientôt sortir (*) et je n’ai toujours pas fini la chronique de leur premier effort ! J’en avais pourtant commencé la rédaction des mois en arrière. C’est le moment de se mettre une pile au cul.
Quand je laisse une chronique en suspens ça peut être pour deux raisons. Soit je bloque parce que l’œuvre ne me transcende pas et je n’ai pas grand-chose à dire dessus, soit je peine à stabiliser puis à formuler mon point de vue. En somme, rien à dire ou trop à dire.
Je vous laisse lire la suite pour savoir laquelle des deux situations est en jeu.
Fin du préambule, place à la chronique.

Vous le savez, on commence à bien vous saouler avec ça et c'est pas prêt de finir, il y a une scène Black Metal vivante et originale en terre d'Islande. Une scène bouillonnante à Reykjavík où s'active une myriade de jeunes musiciens qui échangent leurs places au sein de multiples projets. Et même s'ils ont chacun leur personnalité, on peut parler d'un véritable style islandais, fait de chaos tumultueux, de brumes suffocantes, de notes dissonantes et de vocaux gutturaux. Dans le sillage des immenses SVARTIÐAUDI s’ébrouent des groupes exceptionnels qu’on a presque plus besoin de présenter, MISÞYRMING, SINMARA, et autres ZHRINE. Ok très bien merci, mais où est-ce que je veux en venir ?

Tout groupe humain, toute société, se définit et existe par le fait que des individus en sont exclus. Il n'y a de groupe que parce que d'autres n'en font pas partie.
La scène Black islandaise ne fait pas exception et c'est pourquoi j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui les outsiders autoproclamés (**) du Black islandais : AUÐN.
Un drôle de nom pour un groupe à part. Auðn est un mot sans équivalent dans nos langues et qu’on pourrait traduire par "désolation". Le groupe officiait depuis un moment dans l’underground sous la forme d’un combo de Death Metal baptisé HUBRIS (ne cherchez pas sur Metal Archives ou ailleurs, ils n’ont absolument rien produit) jusqu’à l’arrivée du guitariste Andri Björn Birgisson qui amorça la transformation puis l’éclosion de la bête.

Ces jeunes gens mènent leur barque totalement en dehors des codes, des infrastructures et des réseaux qui lient le reste de la scène extrême locale. Ils ne viennent pas de la capitale mais de Hveragerði, bourgade plus modeste située au sud-ouest de l’île, ils n'ont pas enregistré au Studio Emissary sous la houlette de Stephan Lockhart comme 90% des autres, et surtout ils ne poussent pas la radicalité musicale, esthétique et comportementale, à son paroxysme.
De par le fait, leur musique, toute Black Metal qu'elle est, est radicalement différente de celles de ses fameux compatriotes, pour ne pas dire qu’elle est carrément leur totale opposée.

Leur art surprend d'emblée avec un son clair et puissant qui grésille comme il faut dans les hauts médiums, servi par une production limpide et bien définie, fort bonne au demeurant, et qui cadre bien avec leur songwriting tout aussi limpide. AUÐN fait dans la vraie chanson Black Metal, à l'ancienne, avec un certain goût pour l'accroche particulièrement renforcé par le chant dont le ton très râpeux tranche avec les grognements abyssaux en vigueur sur l’île. Hjalti Sveinsson hurle ses lyrics en islandais sur un rythme et une intensité émotionnelle qui collent à la musique ("Sífreri").

Leur musique est donc en réalité toute simple, classique, sans esbroufe ni complexité, seulement des chansons bien définies et pas trop longues, misant tout sur l'émotion vraie et un sens mélodique évident. Au contraire de ses compatriotes qui empruntent les chemins tortueux d’un DEATHSPELL OMEGA, AUÐN s’épanouit dans un Black Metal direct qui sent bon les années 90, avec une nette tendance pour les fragrances norvégiennes les plus pures. Ainsi les murs de sons minimalistes et les trémolos mélodiques de "Transilvanian Hunger" et "Nattens Madrigal", qu’ils se déclinent en blast obstiné ou en mid-tempo, constituent la charpente de certains morceaux, "Freigð" et "Landvættur" en tête.
Seulement l’intransigeance underground des œuvres de DARKTHRONE et ULVER précédemment citées sera en revanche tempérée, civilisée et accommodée avec d’autres ingrédients ; douceurs atmosphériques, puissances rythmiques, le tout servi avec une production moderne et flatteuse qui laisse sa place à chaque instrument, notamment une basse bien audible.

Les guitares à la norvégienne sauront donc s’exprimer aussi sur des tempi modérés, le mur de son partageant la vedette avec des rythmiques saccadées et nerveuses ("Klerkaveldi", "Undir Blóðmána"), et de nombreuses parties calmes, qu’on les trouve en intro ou en break, composées d’arpèges acoustiques et de batterie tranquille, rappelant les douceurs mélancoliques d’OPETH. La progressivité et l’émotion du groupe de Mikael Åkerfeldt semblent infuser sur les deux dernières pistes du disque. On pourra même parler de ballade Black Metal sur ces titres. "Þjáning Heillar Þjóðar", devenu un classique du groupe sur scène, est une belle montée en pression qui alterne entre douceur paisible et violence émotionnelle, tandis que "Auðn" qui conclut le disque brosse un large paysage aux multiples teintes, dures, douces, lentes ou rapides.
En poussant le bouchon on pourrait même penser à la belle efficacité d’un GORGOROTH des débuts avec ses airs qui font mouche et une certaine façon d’emprunter au Rock, mais dans une version fortement mélodique, propre et présentable.

Propre et présentable, c’est précisément ce qui caractérise le look de AUÐN sur scène. Dans une opposition encore plus grande avec les autres Blackeux islandais, nos petits gars jouent en Live avec un total look de hipster, vestes de costard et têtes de gentils barbus à mèche (seul un membre a les cheveux longs). Ce style smart et sympa, à la fois conventionnel et iconoclaste, cadre finalement bien avec leur musique hors du temps et ne les empêche nullement de mouiller la chemise. La bande a déjà acquis une belle réputation de performeurs. Et puis l’hélicoptère fonctionne tout aussi bien avec les mèches de hipster, pourvu que le cœur y soit.

Bien que séduit lors de mes premières écoutes je m’étais retrouvé à cours d’idée pour parler de leur musique trop conventionnelle, trop accessible et qui ne tenait pas la comparaison avec la radicalité des autres groupes islandais. Mais j’ai eu tort de juger AUÐN uniquement en comparaison avec les insiders de la scène. C’est en effet passer à côté du véritable intérêt de ce groupe qui propose une musique personnelle, touchante et accrocheuse. L’utilisation des éléments de pur Black des 90s entrecoupés ou fondus avec des plans de Rock doux fortement chargés en émotion donne un résultat non seulement homogène et cohérent mais parfaitement pertinent. D’ailleurs, les gens ne s’y trompent pas, leur renommée grandissant, un prix du public décerné au Wacken, puis une signature chez Season Of Mist (qui décidément sont sur tous les bons coups).

Venu d’une terre de contrastes où la nature s’offre dans toute sa beauté, sidérante, étrange et parfois hostile, AUÐN réussit à imposer un style personnel, fait de contrastes qui s’épousent parfaitement, douceur fragile et déferlement de rage. Ce premier disque mérite qu’on lui donne toutes ses chances, il vaut vraiment le coup, et je me félicite d’avoir pris le temps de peser mes écrits pour mieux penser et ainsi lui rendre un hommage mérité. On attend la suite avec impatience.

Un bon gros 3,5/5 sympathiquement arrondi à 4/5.


(*) Vu notre rythme de publication et la quantité de chroniques en attente, leur nouvel album "Farvegir Fyrndar" sera en fait déjà sorti, et je serai déjà en train de bosser dessus.

(**) à lire dans cet article très intéressant, même s’il date un peu, qui nous plonge au cœur de la scène islandaise : https://grapevine.is/mag/feature/2016/02/05/9944685/

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   PERE FRANSOUA

 
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- Hjálmar Gylfason (basse)
- Sigurður Kjartan Pálsson (batterie)
- Andri Björn Birgisson (guitare)
- Aðalsteinn Magnússon (guitare)
- Hjalti Sveinsson (vocaux)


1. Klerkaveldi
2. Undir Blóðmána
3. Sífreri
4. Feigð
5. Landvættur
6. Þjáning Heillar þjóðar
7. Auðn



             



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