Allez, lançons le débat. Que vaut-il mieux ? Un groupe qui splitte souvent, parfois pour longtemps, mais qui se retrouve à chaque fois pour pondre un album différent du précédent, lorsque ses membres ont réellement quelque chose de nouveau à dire ? Ou un groupe qui n’a jamais souffert de problèmes de continuité, se montre productif mais en sortant régulièrement des albums plutôt proches les uns des autres ? Je vous laisse trancher dans la section commentaires de cette chronique…

Ce qu’il y a de certain, c’est que LIFE OF AGONY fait clairement partie de la première catégorie de groupes. Après deux séparations, et un dernier effort studio vieux de douze ans, les trois membres fondateurs se sont retrouvés, en 2014, comme à chaque réunion, et ont rembarqué avec eux leur batteur historique. Alors qu’au moment de leur dernier split, rien ne laissait penser qu’un nouvel album de LOA puisse, un jour, voir le jour.

En 2017, donc, Alan Robert, Joey Z., Sal Abruscato et Keith Caputo, devenu Mina à la faveur de son changement de genre, ont rempilé… avec une inspiration retrouvée ! De “Broken Valley”, il ne reste qu’une vague direction. Car en comparaison avec celle de son aîné, la musique gravée sur “A Place Where There's No More Pain” s’est paradoxalement musclée et s'avère bien plus burnée, si je puis m’exprimer ainsi. Dans la trajectoire artistique de LIFE OF AGONY, rien ne laissait pourtant penser que la musique du groupe s'alourdirait à nouveau avec le temps.

Belle erreur de jugement ! Car on ne tourne pas le dos à des origines Hardcore sans qu’elles ne fassent un jour leur retour, au détour d’un riff ou d’un plan de batterie. Voire d’une partie de morceau tout entière. En tout cas, si le groupe est reparti sur une forme bien à lui de Metal Alternatif, la lourdeur des guitares à l’entame de "Meet My Maker" rappelle qu’il vient d’un territoire musical bien plus sauvage. Mid-tempo, ce morceau nous permet d’apprécier, sur fond de guitares pesantes, le penchant de toujours de LIFE OF AGONY pour la mélodie. Du moins, le penchant de Caputo, dont la voix porte l’essentiel de cette mélodie (avec, ne l’oublions pas, les parties lead d’Alan Robert).

Si Keith Caputo avait une personnalité vocale affirmée, même s’il a calmé le jeu au fil des années en termes de hauteur de chant, la voix de Mina, elle, possède aussi son identité propre. Pas vraiment grave, mais pas aiguë pour autant : on n’est pas en présence, ici, d’une voix clairement féminine. Et c’est tant mieux, car les vocaux de Mina Caputo n’en sont que plus riches, plus variés, que d’aucuns rapprochent déjà de ceux du Layne Staley d’ALICE IN CHAINS. Je n’irai pas plus loin dans la comparaison des deux, car trop souvent, comparaison n’est pas raison.

À plusieurs reprises, sur ce cinquième album studio, Mina part du grave et y reste sur les couplets, puis escalade l’échelle des médiums et des plus aigus sur les refrains. Et ça marche à chaque fois ! Car les couplets et refrains (et pré-chorus, quand il y en a) sont effectivement bien écrits, bien composés… Et bien chantés. Dans des registres forcément différents, "A Place Where There’s No More Pain" est sans doute l’album le mieux interprété, vocalement, de la discographie de LOA, après l’indépassable – et inclassable – "River Runs Red".

LIFE OF AGONY a toujours ce talent de composer des morceaux riches et accrocheurs avec des riffs simples, souvent répétitifs – les trois premiers titres suffisent à en témoigner – et des effusions mélodiques bien senties. Et il s’en donne à cœur joie sur ce disque, même si les paroles n’en respirent pas, de joie. Comme depuis toujours, l’angst de Caputo déborde de la musique de LOA, même s’il n’est pas le principal auteur des textes, qui restent entre les mains de Robert. Rien que les titres fleurent bon l’introspection, le questionnement de soi, ou l’empathie profonde : "Meet My Maker", "Right This Wrong", le morceau éponyme, "A New Low", "Song For The Abused"…

Touchant la corde sensible, les paroles ne sont pourtant jamais interprétées de manière larmoyante. Les refrains, on peut les chanter à tue-tête, avec la banane, sans que leur mélodie elle-même ne laisse apparaître quelque mélancolie ou mal-être. Fidèle à son identité de toujours, LIFE OF AGONY parvient à exprimer positivement des sentiments négatifs. Une vraie performance. Ce qui a toujours été la force de Caputo. Seule la très triste ballade "Little Spots Of You", quasiment dépouillée de tout instrument sinon un piano désespéré et quelques violons joués pizzicato, trouble réellement par la convergence des textes, de la musique et de l’interprétation.

Dans un autre registre, plus proche de celui de "River Runs Red", "A New Low", basse-batterie pour commencer avant l’accélération brute du refrain, laisse lui aussi transparaître, par la musique et l’interprétation, l’impression de tomber "encore plus bas". Mais globalement, les morceaux de cet album filent un gros coup de boost. Le très Rock et très rythmé "World Gone Mad" est le meilleur exemple de ce visage accrocheur du LIFE OF AGONY 2017. "Bag Of Bones", le morceau suivant, le suit également dans cette logique d’accroche, et sans forcer.

Rien n’est téléphoné sur le cinquième L.P. de LIFE OF AGONY. Rien n’est réchauffé, non plus. Le groupe ne nous emmène pas sur des territoires musicaux inconnus, ni même profondément originaux, mais la musique jouée ici colle totalement à sa personnalité. Celle d’un groupe qui donne tout, avec sincérité, compose et joue avec ses tripes, sans calcul, avec toujours cette façon personnelle d’exprimer des sentiments sans les laisser paraître à première vue. En dépit de l’âpreté de certains textes, pas un seul morceau, sur cet album, ne pèche par manque d’entrain ou d’efficacité.

Tout fonctionne parfaitement, et on peut écouter "A Place Where There’s No More Pain" en boucle des heures durant sans s’en lasser le moins du monde. En 2017, 28 ans après sa création, LIFE OF AGONY vient de sortir son meilleur album depuis l’exceptionnel "River Runs Red", il y a... 24 ans ! Amateurs de Metal et de Rock au sens large, ouvrez vos oreilles au LOA nouveau. Vous ne le regretterez pas.