J'ai le cœur qui saigne. Je chronique le testament des Rois blessés. Les Anglais ont annoncé la dissolution de leur superbe entité Doom le 12 août, deux semaines avant la sortie de ce non-moins étincelant "Visions In Bones". Un de mes groupes de Doom préférés s'évanouit dans les méandres du temps, poussé par les vents mauvais du destin. J'ai le cœur qui hurle.

Ce qui rend ce split-up encore plus difficile à accepter est que Steve Mills a eu la brillante idée d'accueillir à nouveau son partenaire de la première heure, George Birch, avec qui il a composé les deux premiers et meilleurs disques du groupe. Ce duo, mes chers amis, a offert à la planète Doom deux raisons de se réjouir avec "Embrace Of The Narrow House" et "The Shadow Over Atlantis". Après le passage remarqué de Sharie Neyland comme chanteuse sur les deux derniers skeuds, revoici donc la formation originale, épaulée par deux un bassiste et un batteur de talent.

Le résultat est évidemment à la hauteur et, ô joie, presque dans les mêmes eaux que les deux galettes citées plus haut. Pourquoi presque ? Car on ressent quelques nostalgiques relents de la production caverneuse et feutrée du premier album, même si on en est très loin, "Embrace Of The Narrow House" étant un ovni. Non, "Visions In Bones" se rapproche davantage de "The Shadow Over Atlantis", qui, sans reprendre les gimmicks horrifiques du premier skeud, était juste assez vaseux et mystérieux pour assurer une qualité dans la continuité.

Il est évident que les œuvres réalisées entre-temps avec Sharie ne peuvent être éclipsées, la musique de THE WOUNDED KINGS a quand même évolué, sans se métamorphoser. La grosse différence est l’ajout de deux musiciens dans la formule déjà gagnante. On ne peut ainsi souhaiter un total retour en arrière, mais on peut analyser la courbe d’apprentissage du groupe et en venir à la conclusion qu’il n’y aura jamais mieux que l’original. Ce bon vieux cliché que l’on retrouve dans le monde du commerce se prête (mal)heureusement à la trop courte carrière de ce groupe. Eh oui, tant qu’à parler de l’album, réalisons l’éloge funèbre de ces rois maudits !

Ce testament est ainsi un excellent condensé de ce que THE WOUNDED KINGS aura offert au fil des années à ses fans, dont je ferai toujours partie. "Embrace Of The Narrow House" m’a marqué au fer rouge avec son atmosphère occulte et embrumée, atmo que je n’ai jamais retrouvé entièrement sur les autres méfaits des Anglais. Sauf que ce "Visions In Bones" est un parfait compromis entre modernité et nostalgie, qui devrait plaire à un large auditoire. Et c'est pas de la pop, hein !

Même si "Visions In Bones" n'est pas passionnant d'un bout à l'autre ("Bleeding Sky" n'apporte rien et "Kingdom" est un poil en dessous du podium), les mélodies, refrains et riffs sulfureux et paresseux de THE WOUNDED KINGS permettent à cet album de passer comme une lettre à la poste. Une grande fraction de ce succès repose entre les cordes vocales de George Birch, qui chante comme un dieu encore une fois ; que sa voix soit déformée ou non, chaque parole, chaque trémolo, évoque la mort sous sa forme la plus classieuse, la plus romantique. Ce type est pourvu d'un instrument naturel absolument magnifique et il sait s'en servir. Il sait inquiéter, effrayer, réconforter, apaiser et, surtout, nous amener tranquillement vers la fin de ce dernier voyage avec force… et doigté.

Car oui, cet album est une marche funèbre, mais sans effusion de sentiments. THE WOUNDED KINGS ferme le cercueil avec fracas et ne regarde pas en arrière. Avec une telle extrême onction, il peut se retirer la tête haute.

Doomeux et amateurs de blues, sautez sur cette ultime offrande !

Note réelle : 3,5/5.

Podium : (or) "Beast", (argent) "Vultures", (bronze) "Vanishing Sea".