IVANHOE, contrairement à ce que son nom pourrait indiquer, nous vient d’Allemagne et figure dans cette vague de groupes de Metal Progressif qui avait émergé au milieu des années 90, avec VANDEN PLAS et SUPERIOR. Et non, les membres de la formation ne sont pas Britanniques et ne rendent qu’un très lointain hommage au personnage de Sir Walter Scott, comme en atteste la pochette qui ferait plutôt songer à une espèce de western italiano-futuriste (ça veut rien dire, je le sais bien, mais c’est à ça que me fait songer cette jaquette).

Evidemment, un nom de groupe pareil, ça évoque plein de choses : la chevalerie, Robin des Bois, le vil Prince Jean, Richard Cœur de Lion et tout ce beau monde (lisez le bouquin à l’occasion. Il y a des descriptions absolument vertigineuses et le tout est nimbé d’un véritable souffle épique qui rend l’histoire un brin surannée, mais passionnante). De ce fait, on peut objecter que ces ingrédients, nous ne les retrouvons pas dans la musique d’IVANHOE. Et franchement, c’est bien dommage.

Comprenez bien : les musiciens sont loin d’être des manchots (ce qui serait très rapidement préjudiciable pour jouer du Prog, nous sommes d’accord sur ce point), ils créent tout du long de cet album des mélodies complexes, à travers des titres qui prennent souvent des directions différentes de ce que proposent les riffs de base. Mais leurs influences transpirent un peu trop. Ici, nous retrouvons du QUEENSRYCHE avec des montées dans les aigus façon Geoff Tate, là une puissance bien plus proche du Heavy Metal façon Fates Warning et de temps en temps, des déconstructions semblables à ce que peut proposer DREAM THEATER.

Le souci majeur d’IVANHOE sur ce premier album, vous l’aurez compris, c’est le manque de personnalité. Les musiciens ne se sont pas vraiment laissé aller à la facilité, le niveau technique est plutôt intéressant, mais on sent que, malgré tout, les influences ne sont pas tout à fait digérées pour rejaillir à ce point. Et c’est forcément dommage, parce que la surprise est forcément moindre, parce que l’auditeur risque de ne pas être surpris par le côté alambiqué de certaines compositions.

Pourtant, un morceau comme "Left Alone" possède de beaux atouts dans sa manche. Andy B. Franck a tendance à en faire un peu trop, mais il fait là ses premiers pas dans le domaine professionnel et manque peut-être encore un peu de feeling. Mais il est une plus-value intéressante pour cet album, ses mediums sont très accrocheurs, déjà (les aigus vont en revanche rapidement en défriser plus d’un, surtout quand il en abuse). La guitare sait se faire tranchante, la rythmique plus lourde, tandis que le clavier se veut moins envahissant, il apporte plus des ambiances qu’il ne prend de la place dans l’espace sonore.

Mais IVANHOE va avoir du mal à se montrer passionnant de bout en bout. Son manque d’originalité va rapidement jouer contre lui et ne va pas l’aider à connaître une explosion commercial (ce qui finira certainement par donner d’autres envies à Andy B Franck…). Quand on regarde le parcours effectué par VANDEN PLAS avec son "Coulour Temple", le constat est sans appel ; les deux formations ont galéré de la même manière dans les années 80, mais au final, la bande à Andy Kuntz aura réussi à passer du vilain petit canard au cygne majestueux, ce que n’est pas parvenu à faire IVANHOE, qui partait pourtant à armes égales.

Malheureusement, ce faux pas semble avoir quelque peu conditionné la carrière de ce groupe, qui sera condamné à continuellement jouer les seconds couteaux sur la scène Prog Européenne, même si la formation, courageuse, n’a jamais abdiqué, s’appuyant sur une fan base fidèle. "Visions And Reality" est un retour brutal, à la réalité pour les musiciens. Pas franchement mauvais, mais pas enthousiasmant pour autant, cet album n’a pas la superbe ni la verve créatrice des premiers opus de ses concurrents directs (SUPERIOR, VANDEN PLAS…). Mais IVANHOE est loin d’avoir dit son dernier mot.