Après avoir débuté sa carrière à fond la caisse avec un album de 66 minutes de Black Sympho moderne tout ce qu’il y a de plus classique – y compris l’intro et la conclusion instrumentales – les Ukrainiens d'ELDERBLOOD ont changé de label et coupé 22 minutes pour offrir "Messiah" au monde entier. Un exercice de concision qui s'avérera payant, car cet album est extrêmement solide. Ce n'est guère surprenant quand on sait que les deux principaux organes de la formation sont issus de NOKTURNAL MORTUM…

Et, ô faible surprise, fait rare dans le Black Sympho, trois zicos seulement ont réussi ce petit tour de force ! Comme quoi le Black Sympho est mature et inspire à foison ! Les cyniques avanceront que le genre n'a plus rien à rien à offrir tellement la besace à idées a été percée avec les années. Les autres, dont je fais partie, sont en constant émerveillement devant les tentatives de partout dans le monde d'assurer la pérennité du style, qui allie mélodicité, lyrisme, facture épique et brutalité. Bref, le nec plus ultra métallique. Mais ça, c'est mon opinion, largement autopsiée sur NIME depuis que je déverse ma passion dans vos iris – sans arrière-pensée.

Alors, on a quoi ici ? On a ELDERBLOOD, qui, en l'an de grâce 2016, a décidé que son entrée tardive dans le giron Black Symphonique n'allait pas l'empêcher de tirer sa guillotine du jeu. Et c'est avec un savant mélange de Black/Death typé Europe de l'Est et de Black Sympho scandinave dans les mélodies et atmosphères que les deux Ukrainiens accomplissent leur besogne.

Il est certain que "Messiah" ne fera pas consensus. Les uns déploreront son manque d'innovation – ce critère étant leur pierre d'assise – alors que les autres salueront son brio musical qui impressionne dans sa recherche de détails. Si vous voulez mon avis, le seul critère qui pèse vraiment dans la balance quand on a terminé notre analyse mathématique et métaphysique de la chose – pour les plus ennuyeux – c'est le plaisir qu'on a à écouter le disque. Et de ce point de vie, "Messiah" ne souffre d'aucun complexe, à part lorsque le chant clair pointe sa note...

Si j'étais ELDERBLOOD, j'aurais eu peur de sortir aussi tard après que les ténors du genre aient défriché la scène avec autant de force. Sauf que les complexes liés à la temporalité sont légion dans toutes les sphères de notre société et ne doivent pas être un frein à la créativité. Le trio ukrainien l'a compris et fonce tête baissée dans le marbre en essayant de le craquer, avec des mid-tempos très intéressants comme "Leviathan" et sa basse pachydermique et la groovy clôture "Adamas Ater".

Déjà, le marbre est difficile à craquer. Cela ne veut pas dire qu'ELDERBLOOD soit faible, loin de là, il rue dans les brancards comme un vrai et l'album est superbement produit par Astargh. Mais je me dois d'être objectif et de prévoir les nuées de tomates qui risquent de tomber sur le trio, car la musique très mélodique aspergée de breaks sur "Messiah" emprunte à droite et à gauche les formules qui ont forgé la réputation du Black Sympho ou du Black Mélo de l'Europe de l'est. Vous entendrez inévitablement DIMMU, BEHEMOTH, CARACH ANGREN et consorts, car le son ELDERBLOODien est encore à définir et peaufiner. Avec une telle déferlante, il est évident que le groupe saura combler l'écart entre les ados et les adultes à un rythme accéléré.

Vous retrouverez sur le podium trois excellentes raisons d'espérer et de recevoir dans la gueule des pains bourrés de riffs et mélodies incendiaires, doublés d'atmosphères assez inquiétantes pour figurer au tableau des prouesses occultes du mois ! C'est bien joué, réalisé, nullement ennuyeux pour les tympans et foutrement confiant. Pour un second album, même en cette époque de one-hit wonders, ELDERBLOOD affiche un bel étalage de talents essentiels pour réussir dans ce genre.

Alors allez-y sans crainte et cessez de faire vos chochottes amateures de Heavy ! Ça fait des années que je vous le dis entre les lignes… ou dans les gencives pour les plus susceptibles !

Note : 3,5/5. C'est avec ce genre d'album que je regrette que NIME n'ait pas de demi-étoiles, car ELDERBLOOD en méritait une.

Podium : (or) "Thagirion's Sun", (argent) "Leviathan", (bronze) "In Burning Hands of God".