Le rythme de sortie des albums de SKEPTICISM est au diapason de sa musique : lent. Affreusement lent, même ; pensez donc, sept ans depuis "Alloy"… il y a eu le temps d'oublier que le groupe était encore actif, bien que celui-ci l'eût visiblement été. Mine de rien, SKEPTICISM existe depuis 1991 et a participé à la fondation d'un genre de Metal qui continue de faire des émules de nos jours, j'ai nommé le Funeral Doom. Mais, étant donné que le temps de la gloire de nos Finlandais est désormais bien derrière eux, est-ce que les vieux maîtres ont encore quelque chose à enseigner à leurs disciples en matière de musique lourde et endeuillée ?

Je me dois, par honnêteté intellectuelle, de préciser en préambule que SKEPTICISM n'est pas un groupe dont je maîtrise toutes les nuances et dont je connais l'œuvre en profondeur ; cette chronique fut donc pour moi l'occasion de m'y intéresser de plus près, afin d'avoir une meilleure vue de la position à accorder à "Ordeal" au sein d'une discographie certes peu fournie, mais contenant des pièces majeures de l'histoire du Doom. J'ai donc pu constater de l'évolution du style de composition du groupe, des instrumentations, de la qualité de l'enregistrement, en bref du chemin parcouru en vingt ans entre "Stormcrowfleet" et ce nouvel opus.

On ne se le cachera pas, le SKEPTICISM des années 1990 a vieilli, et pas qu'un peu, surtout au niveau de la qualité du son, qui peut lui donner du charme, mais qui noie aussi les riffs dans une masse sonore indistincte et aplanit les reliefs de la musique du groupe. Heureusement, "Ordeal" ne joue pas la nostalgie et profite de la technologie du XXIème siècle pour gagner en propreté tout en conservant un aspect monolithique et pesant. Il est intéressant de souligner que l'album a été enregistré en public, bien que n'étant pas un album live officiel du groupe : plus de naturel dans l'exécution donc, et quelques applaudissements pour ponctuer les plus de septante-sept minutes que dure le disque dans son ensemble, applaudissements sans lesquels l'on ne remarquerait pas que SKPETICISM joue en direct. Une belle performance donc.

"Ordeal" s'inscrit dans la suite logique d'"Alloy", avec le même type de compositions et le même usage intensif d'orgues et autres claviers. Aucune surprise donc : c'est du SKEPTICISM moderne, rien de plus, rien de moins. Les titres sont globalement assez similaires, s'étirant sur de longues minutes comme le ferait un enterrement par temps pluvieux, litaniques chants mortuaires aux airs de marches funèbres. "You" et "The Departure" se démarquent un peu de par leur côté plus mélodique, plus intense et moins monocorde, tranchant avec cette implacabilité languissante qui caractérise d'ordinaire le genre, mais le reste de l'opus reste très classique et n'offre aucune surprise à celui qui a déjà eu affaire aux précédentes œuvres du groupe ("Pouring" et "The March and the Stream" sont d'ailleurs toutes deux des reprises respectivement des albums "Stormcrowfleet" et "Lead and Aether"). Il est difficile d'en dire plus : des riffs vrombissants, un chant guttural tout droit sorti d'une tombe fraîchement retournée, une batterie au battement imperturbable, un orgue qui sent plus le sapin et le soufre que l'eau bénite ; SKEPTICISM joue du SKEPTICISM, c'est-à-dire du Funeral Doom lourd et peu enclin à la franche rigolade.

L'album est en général plaisant, un peu ennuyeux durant les longs passages instrumentaux qui ponctuent le disque, mais ils sont somme toute typiques du genre. L'on est loin de révolutionner le style, mais "Ordeal" est honnête en ne prétendant pas à plus que ce qu'il est : une nouvelle sortie d'un mammouth du Metal qui n'a musicalement plus rien à prouver. Le résultat est forcément un peu décevant, étant donné le temps qu'il a fallu attendre aux fans du groupe depuis "Alloy", mais je ne pense pas prendre de risques en affirmant que peu de monde devait attendre autre chose de SKEPTICISM que ce qu'il a déjà produit par le passé. Apprécions une qualité sonore dont "Stormcrowfleet" aurait pu rêver à l'époque, et rendons hommage à plus de vingt ans de carrière au service du Doom Metal avec un line-up resté inchangé durant toutes ces années. Au final, "Ordeal" est un album agréable d'un groupe resté fidèle à lui-même, mais rien de transcendant non plus.