Fait si bateau qu’on ne s’attarde même plus dessus, le Seigneur des Anneaux reste une source d’inspiration toujours profuse pour les groupes de tous horizons qui sur une vingtaine d’année l’ont étiré un peu dans tous les sens, souvent comme prétexte à une musique digne et sérieuse, du moins épique, les nerds aiment le matériau original et veulent lui rendre un hommage plus fidèle que les adaptations ciné (d’ailleurs la meilleure punchline que j’ai entendu à ce sujet est que les films de Jackson sont une adaptation speed mélo d’un bouquin Black Metal). BARROW WIGHT a un regard plus pénétrant et propose une relecture de jiaireaire sous une ambiance celtic-frostienne, sans fioritures et primitive. Là où des combos pillent l’œuvre de Tolkien pour ses repères les plus marquants, ceux-là prennent pour emblème une obscure créature difforme et plongent dans l’UG de la terre du milieu, celle que les grand-mères elfettes agitent comme épouvantail à leur marmaille.

Cette troupe de quasi nouveaux nés dosée aux vieux sons dégueux et assez punk dans l’âme (depuis rejoints par le batteur de BASTARDATOR tout d’même) prend au sérieux sa mission de faire du Tolkien sonique en collant de près au texte. Une réécriture sobre et efficace et qui a le mérite de me rendre le SDA moins chiant, tenez-le de la part de quelqu’un qui a abandonné la lecture du premier tome approximativement à la quinzième intro (celle où Tolky propose en dix parties une typologie des hobbits en fonction de la longueur de leurs poils de pieds, tout simplement merci garçon). Les elfes hautains, Boromir et Orlando Bloom restent au fond du tamis, cette espèce de fest-noz bourrin fait se dandiner du cul exclusivement les orques et autres créatures dégoutantes. Imaginons que Cronos fasse une pause de la coke et des putes pour lire un chapitre du SDA, il aurait recraché le même genre de Heavy ignominieusement old-school qui vagabonde entre des titres qui sonnent comme une sorte de RAC bête et bestial ("Rock Into Mordor") et des atmosphères froides avec juste ce qu’il faut de wahwah de temps en temps pour charger les soli d’un certain mysticisme éthéré (d’ailleurs l’une de leurs démos s’appelle "In League With Sauron"). Pas d’extrait de film ou d’intros, au blind-test ça ressemblerait à n’importe quel autre groupe du genre avec en plus l’odeur des marais de Cirith Machinchouette ou des aisselles de l’elfe Gollum Zizildur, le meilleur avec ce genre de combos c’est bel et bien quand ils arrivent à vous faire oublier qu’ils font de la lèche et qu’ils réintègrent sagement les rangs de leur chapelle metal favorite, pas besoin d’escapisme quand on descend exercer ce genre de répertoire électrique dans des tavernes où grouillent les bas-fond de l’humanité chevelue déjà trop bourrée pour comprendre de quoi y peuvent bien causer de toute façon, une ambiance certes pour le moins aussi chaotique que dans l’imagination des anglais du milieu du siècle précédent. D’autant qu’avec une musique si bête et méchante qui ne s’embarrasse pas de littérature, on ne reste pas sur sa faim avec des questions laissées en suspens (pourquoi Frodon n’a-t-il pas simplement demandé aux potes aigles de Gandalf de l’emmener en Mordor ? Ils avaient leurs ragnoutes ce jour-là ?), une musique qui tient les standards humains malgré tout avec le surcroit de lourdeur et de primitivisme qui va bien (du genre qui parle probablement par UGH dans la vie de tous les jours et pas juste en écoutant "Circle Of The Tyrants"), au fil des écoutes répétées que m’impose la chro je sens une sorte de rappel de plus en plus pressant à ma nature simiesque et si je tarde trop à conclure je sens que je faire un blackout et me retrouver tout nu derrière une poubelle en train de jouer avec mes puces ou je sais pas quoi (ce qui rend ce groupe tout indiquer pour jouer dans un festoche tel que le Motocultor).

Un seul bémol, l’ensemble est si crasseux et dirons-nous si homogène que j’ai toujours pas réussi à piger si les deux faces de la tape jouent les mêmes morceaux ou s’il y a effectivement une face A et B, et c’est pas ces annotations en tout petit qui émulent la police de l’anneau unique qui vont m’aider à y voir plus clair, j’me suis encore cassé les yeux à déchiffrer ça plus dur que le logo du groupe de Black Metal n°12477. Enfin, pour vous faire l’effet de piétiner avec des galériens orcs en campagne ou de faire de la rando en terre du milieu avec le chérie FM local dans les oreilles, écoutez cette cassette jusqu’à ce que la bande pourrisse !