Comment donner une suite valable à un album gimmick qui miraculeusement se trouve avoir une certaine valeur musicale, ou du moins un ersatz suffisamment convaincant pour que les metalheads du temps vous plébiscitent ? Je sais pas exactement ce qu’il s’est passé au niveau du groupe à ce moment ni s’il s’est agi d’un mouvement stratégique pour donner une direction pérenne au groupe (voir pour essayer de faire de la musique, un comble), mais tout en gardant en lineup fictif (et en poussant même le vice jusqu’à faire semblant de lui apporter un remaniement), le Piledriver se sépare de son pote-compositeur et s’entoure d’une équipe en bonne et due forme. Comprendre qu’on a beau avoir des musiciens pour chaque instrument (dont le passage insolite d’Edward Puscino), le gars derrière les hymnes du premier album est out, le braillard reste en jeu.

Tentative contre-productive. Edward Puscino gâche ses talents en essayant de caser sa magie guitaresque dans le moule grossier tracé par le pseudogroupe sur l’album précédent, tout en développant le même genre de riffing que sur deux autres projets de faux groupes dont les albums sont sortis non seulement sur le même label mais la même année ! Autant dire que pour qui connaît ces autres albums (ORIGINAL SIN et EXORCIST), au-delà de l’argument de vente (des nichons ou des zombies), absolument rien ne change et je ne serais pas surpris que le tout ait été enregistré pendant les mêmes sessions, particulièrement pour ORIGINAL SIN qui est en tout point semblable à "Stay Ugly" mais avec une chanteuse, ce qui a au moins le mérite de varier par rapport au premier PILEDRIVER. En considérant le caractère plus sauvage d’EXORCIST, ce second PILEDRIVER est clairement le moins intéressant de la triplette.

Ainsi l’album veut tout arracher avec une ouverture fracassante mais dispensable sur des titres thrash bien exécutés ("The Incubus"/"Metal Death Racer") mais qui ne se démarquent d’aucune manière des premiers efforts de METALLICA, ANTHRAX, IRON ANGEL, etc etc etc (qu’est-ce qui est plus abondant que le speed/thrash dans la première moitié des 80s ? Notez que "Stay Ugly" sorti en 86 commence à accuser un peu le poids du répertoire qui s’est accumulé en la matière). Vous ne vous rappelez pas avoir lu ces noms dans la chro de "Metal Inquisition" ? C’est normal, tout le fun du premier PILEDRIVER est résolument évacué, et si on headbangue fort bien cela dit il y a plein d’autres albums pour ça et d’un intérêt plus marqué. Ma chro a un poil de retard sur la sortie de l’album effectivement et le public de PILEDRIVER a eu grandement le temps d’ériger un morceau comme l’étendard de "Stay Ugly", beaucoup se satisfont de "Fire God" qui sonne beaucoup plus comme sur le premier essai du groupe et est beaucoup plus imprégné d’une substance venomesque, lente, grandiloquente et massive. A part ça c’est pas un titre si captivant.

Pour la suite, outre une interlude qui ne parvient pas à être aussi outrancière que ce que PILEDRIVER faisait en se bornant à la zique à guitare, la fin de l’album délivre tout de même des chansons correctes mais uniformes, si uniformes, et la seule que je retiens finalement reste "The Executioner", titre à la fois speed et démoniaque comme sur "Metal Inquisition" avec ce qu’il faut d’atmosphère croassante, dont le délire fait d’ailleurs penser à la chanson éponyme- le boogeyman métallique qui frappe à la porte en pleine nuit. Et c’est la dernière chanson qu’on entendra du groupe pendant une longue traversée du désert avant que la scène metal leur ouvre un marché pour une reformation qui ne fasse pas de simples ronds dans l’eau comme pour la totalité des groupes de cette trempe et période (même si le Piledriver a fait deux autres albums avec d’autres types et sous un nom différent).

PILEDRIVER livre un disque fort bien branlé et fort chiant avec sa belle tentative foireuse de faire quelque chose d’intéressant en se basant sur un projet dont le propos avait une certaine force mais qui hélas résidait ailleurs. Ce qu’on attendait du groupe, son humour et sa provocation truculente, est complètement évacué, et les canadiens tentent leur coup dans une division où ils n’ont pas leur place et se retrouve à faire un truc linéaire et stérile aussi inintéressant que ce que VENOM fait ces jours-ci, mais vingt ans avant, un comble. Un album dont on fait le tour en deux écoutes, vite écouté et vite oublié.