Si la musique d’ENDLESSHADE n’a pas encore eu la chance de parvenir à vos oreilles, il serait de bon ton de vous y mettre. En effet, la jeune formation kiévienne a sorti au début de cette année 2015 un premier fruit issu de ses pulsions créatrices, "Wolf Will Swallow The Sun", et cet album saura sans doute retenir votre attention grâce à ses indéniables qualités. Sans révolutionner un genre qui a su traverser plus de deux décennies sans perdre de son intérêt, le groupe propose ici un Death/Doom imprégné de Black à la fois puissant et maîtrisé et qui sait aller droit à sa cible sans la manquer. L'on évolue en terrain connu, mais cela a du bon, parfois.

Un premier élément qui se doit d'être applaudi est le chant de Natalia Androsova, rauque et rugueux, mais au timbre intéressant qui saura faire vibrer la corde émotionnelle de l'auditeur amateur de Metal extrême avec justesse. Il y a encore bien entendu encore du potentiel pour un mûrissement de son expressivité, mais certains passages sur "7" ou "Edge" montrent déjà que la jeune chanteuse dispose d’un registre vocal varié tout en restant dans l’écorché, ce qui est fort appréciable. Les passages parlés ajoutent également une plaisante touche atmosphérique glauque qui correspond parfaitement aux couleurs sinistres de l’album.

Le second aspect qui mérite d’être loué est la construction des chansons. Oscillant entre huit et dix minutes de longueur chacune, les six compositions qui forment cet opus ne sont jamais ennuyeuses car bien pensées et constituées de parties successives non-répétitives, ce qui rend leur écoute agréable sans que l’on ne se dise qu’il faudrait les écourter par manque d’inspiration apparent sur la durée. La recette proposée n’est certes pas nouvelle dans le milieu, d’autres groupes tels SWALLOW THE SUN ou SATURNUS sachant également comment composer long et beau sans devenir rébarbatifs de manière similaire, mais cela montre qu’ENDLESSHADE n’entend pas emprunter le chemin de la facilité en écourtant ses idées musicales pour adopter une approche simpliste à la composition.

Il y a cependant un souci majeur à tous ces beaux titres – si tout était rose, il n’y aurait plus d’intérêt à l’analyse critique. Ils ont beau être bien construits et maîtrisés dans leur exécution, il leur manque un ingrédient essentiel : une identité propre qui les distinguent les uns des autres et les inscrivent dans la mémoire de l’auditeur. Malgré mes nombreuses écoutes successives de l’album, aucune chanson n’est parvenue à véritablement me toucher en se démarquant. Cela est certainement fortement subjectif, mais je ne trouve pas dans ce "Wolf Will Swallow The Sun" cette étincelle de génie créatif qui illumine les plus grandes œuvres musicales. Quoique agréables, les mélodies sont trop lisses, trop fades ; elles passent et s’évaporent, sans parvenir à laisser de trace malgré leur beauté certaine. Cela est quelque peu paradoxal, mais à vouloir trop bien faire, ENDLESSHADE perd en qualité car manque de naturel, de capacité à surprendre l’auditeur en osant expérimenter, innover.

En somme, ENDLESSHADE prouve d’emblée avec ce premier album qu’il sait faire preuve de sérieux et de talent lorsqu’il s’agit de composer du Doom. De par son professionnalisme, il réussit ici à offrir un disque de qualité qui saura trouver sa place chez tous les amateurs du style. En revanche, il lui reste à se trouver une identité musicale propre afin de conquérir les plus hauts sommets du Metal. Le 4/5 n’est pas loin, mais je préfère le garder en réserve pour un potentiel successeur qui saura dépasser les quelques faiblesses de ce "Wolf Will Swallow The Sun", dont je recommande toutefois l’écoute sans hésiter.