Chez SYMPHONY X on a cinq talents ; des musiciens avertis, tous des maîtres dans leur discipline mais s'il y a bien un domaine où ils se démarquent c'est sur le plan médiatique. On le sait, depuis que le Rock est apparu, le guitariste et le chanteur ont toujours eu les faveurs du public et son attention se focalise sur les deux éléments qui imprègnent le plus l'âme du Rock And Roll : le chanteur à la gueule et à la voix puissante et le guitar hero. Mais s'il y a bien un instrument trop souvent laissé de côté alors qu'il est à la fois névralgique et contraint à une extrême musicalité c'est bien la basse.

Oui, cette planche de bois à quatre, cinq, six (parfois plus) cordes qui assure tant la dynamique d'un morceau par le groove, que l'accroche par le rythme, que la profondeur par son rôle architectural dans la construction mélodique et harmonique. Avant que Jean-Philippe RAMEAU ne théorise un système aussi essentiel que simplifié, on définissait les accords par rapport à la basse. Et oui, pas la tonique de l'accord, la basse, dont les premiers théoriciens de la musique au XIIIème siècle avaient compris le rôle prépondérant, si bien qu'il constituait même le fondement mélodique, les ornements étant réservés à l'aigu.

Je m'excuse pour le mini-cours d'Histoire de la Musique, mais comme l'avait fait Markus Grosskopf avec son BASSINVADERS, il était temps pour l'instrument de retrouver toute son importance dans la musique Metal. Discret mais affable, Mike LePond est un passionné qui depuis quelques années n'hésite pas à partager son art avec d'autres musiciens (EPYSODE, MINDMAZE, REIGN OF THE ARCHITECT), jamais bien loin du Progressif qu'il aime tant. Rappelons-nous tout de même que l'on parle de l'homme qui en 1999 remplaça le démissionnaire Thomas Miller, bassiste emblématique de la formation Metal Prog, bassiste de génie et le parolier qui donna toute son aura onirique et mystique à des opus comme "The Divine Wings Of Tragedy".

Alors quand Mike a suffisamment de temps pour se consacrer à ses propres projets et faire parler le Geddy Lee qui sommeille en lui, il monte un groupe de Heavy à sa sauce, non sans appeler à la rescousse l'un des deux autres Mike de SYMPHO : M. Romeo en personne.
Guitariste virtuose, synthétisant parfaitement les jeux de Jason Becker et d'Yngwie Malmsteen, l'Américain s'occupe d'une tâche peu banale qui consiste ici en la programmation de la batterie. Oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, le premier opus éponyme des SILENT ASSASSINS de Mike LePond n'est pas doté d'une vraie batterie mais la qualité du rendu est saisissante. Si vous ajoutez par-dessus ça une basse qui fait admirablement son boulot, sans être trop bavarde mais juste ce qu'il faut (la superbe intro de "Oath And Honor", la montée en puissance de "Red Death"), le rendu est tout à fait crédible. Mike a choisi deux aspects pour son mixage et le premier a été de ne pas surcharger en couches instrumentales inutiles. Puissantes, les guitares restent organiques et sobres, distillant quelques riffs efficaces dans un esprit assez old school, proche des groupes américains des années 80. On a affaire à de vieux briscards, Mike Chlasciask ayant roulé sa bosse notamment aux côtés du Metal God en personne. Quant à Alan Tecchio avec sa puissante voix rocailleuse évoquant dans les mediums celle de Matt Barlow, il a un passé glorieux avec WATCHTOWER. Ainsi retour à un Classic Heavy Metal dans vos chaumières. Démonstration immédiate : "Silent Assassins" et son riff à la DIAMOND HEAD et ses vocaux à la AGENT STEEL.

Mike LePond ne peut pas s'en empêcher et revient tout de même à des velléités plus progressives en fin d'album avec deux derniers titres à tiroirs qui s'avèrent de belles réussites, qui parviennent à ne pas trop se démarquer d'un album direct et sans fioritures où le deuxième aspect privilégié par a été un mixage décent de la basse, lui redonnant toute son importance. La production organique de cet album est un véritable atout qui ne commet pas l'erreur de se rapprocher de SYMPHONY X. Les tueurs se sont fait plaisir avec cet album qui ne bouleverse pas le paysage Metal mais propose une musique pépère relativement inspirée, avec parfois de jolies trouvailles mélodiques ("The Outsider" jouit d'une complémentarité chant/basse redoutable), dépaysante car elle nous change du Prog puissant à la SYMPHONY X et du Power Metal (qui passe la tête par la lucarne le temps de l'efficace "The Quest"). En 2014, il n'y en a pas eu beaucoup des albums de ce genre.