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DEATH ENGINE - I Have Mud In My Hands, I Have Cement In The Eyes (2015)
Par ISAACRUDER le 22 Mars 2015          Consultée 4553 fois

« Les propos tenus dans cette chronique n’engagent que son auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de nightfall.fr et de ses éditeurs »

Dans un psaume il est dit:
"Leurs idoles sont de l'argent et de l'or, ouvrage de la main des hommes.
Elles ont une bouche et ne parlent pas; elles ont des yeux, et ne voient pas.
Elles ont des oreilles, et n'entendent pas [...] Elles ont des mains et ne touchent pas."
L'idole est dans la Bible une chose qui ressemble à Dieu, mais qui ne l'est pas. C'est aussi, pour Saint Paul, la raison humaine, capable selon certains de tout expliquer et de nous apporter la compréhension totale du monde, fût-ce du Mystère. Les deux phrases inscrites sur l'artwork de "Mud", premier album de DEATH ENGINE, entrent en écho avec cette illusion de notre conception humaine de l'univers et de notre place: "I have mud in my eyes, I have cement in my hands". Nos yeux sont figés dans la boue, grasse et sale; nos mains sont pétrifiées dans le ciment que nous coulons nous-mêmes.

Ce culte de l'idole, cette boue aveuglante, pourrait s'appliquer à tant d'éléments de notre société qu'il serait impossible de tout énumérer. Il est cependant clair que l'idole moderne s'est révélée une nouvelle fois, lors des attentats contre Charlie Hebdo début janvier. La République, la laïcité à la française, l’Éducation Nationale, et ce "Je suis Charlie", nouvelle immondice propre à instaurer une pensée unique toute fraîche dans ce pays si sclérosé par les réflexions vides de sens. Comme lors du Mariage pour tous (les tortues, les cadavres et les plantes compris), les élites perverties de notre temps ont découvert que le peuple français n'était pas unanime derrière l'idole Charlie, que la boue qu'on leur jetait à la gueule depuis des années s'était dissipée et que ces visages embrumés revoyaient peu à peu la lumière. Le ciment de leurs mains s'est défait, et ils osent s'exprimer, gagnant par là un blason "apologie du terrorisme" aussi crédible que la Légion d'honneur. Dans mon cas, il m'est impossible de clamer "Je suis Charlie", et de me rallier ainsi à un journal qui relevait davantage de l'insulte gratuite que de la satire, d'ailleurs davantage tournée vers l'islam et le christianisme que vers le judaïsme (demandez à Siné).

Je demande pardon tous les jours à Dieu pour mon incapacité à ne pas être amour avec cette intelligentsia qui n'a de puissant que le nom et révèle jour après jour sa corruption et sa perversité satanique. Comment aimer un homme aussi vil que Strauss-Kahn, dont le corps et l'esprit sont dévoués tout entier à l'avilissement de la Femme qu'il considère comme un objet de jouissance ? Lui aussi fut une idole, et elle brûle désormais, magnifique spectacle, et il sera indispensable d'aller cracher sur ses cendres.
Aussi dans tout ce qui fait de cette actualité un puits infini dans lequel l'eau est un poison, je comprends que la scène Hardcore français puise de la souffrance, du mal et de la haine. Et "Mud" est ce nectar masochiste offert par DEATH ENGINE pour cautériser ces plaies en nous, que sont le mépris de l'Autre et la volonté de le détruire, pensées condamnables, même appliquées à des gens aussi mauvais.
Aussi le Hatecore paraît être cette catharsis nécessaire pour endiguer une implosion. Le tabassage stakhanoviste d' "Organs", groove en trompe l’œil pour une violence affirmée, le massif "Medusa", qui introduit sans aurore un album intense : c'est cette rage qui permet de sortir de cette torpeur de haine, d'évacuer une pression mutilante.

"Mud" a les atours d'un album de talent, produit avec soin, fou dans ses aspirations Noise, mais il est pourtant diablement plus proche de la notion de performance que du travail de composition dithyrambique. A l'instar de BIRDS IN ROW, les morceaux ne sont pas d'une originalité folle, ils sont l'avatar d'une scène connue et digérée jusqu'à l'os, mais leur exécution fait la différence, en ce qu'elle apparaît sincère et intime. Pour le reste, DEATH ENGINE est aussi coupable d’idolâtrie que le reste de notre époque. Déjà sur "Amen" il laissait apparaître sa fascination pour BREACH, dont il a absorbé les atours sombres et mystérieux, et rien n'a vraiment changé sur "Mud", la fin de "Still" étant géniale mais totalement breachienne. La tendance Noisy du groupe est également une promesse peu tenue car étouffée par un trop plein d'idées vite noyées dans un format concis sur lequel je reviendrai. Les larsens parasitent l'espace mais ne parviennent pas à nous faire croire que DEATH ENGINE se fait plus Noise que ce que la scène Hatecore peut amener à entrevoir, sauf peut-être sur un "Cure" dont le crescendo massif se fait plus vrombissant que le son d'un cor perdu dans les montagnes. Les sursauts d'excellence dans l'inspiration sont également de faibles attaques contre un esprit traditionnel qui se ressent dans l'exécution d'une violence encore trop simpliste, malgré de réels excès de terreur ("Organs" et son matraquage mutilant).

Mais DEATH ENGINE approche des territoires plus mélodieux et libres, comme si dans toute cette haine il subsistait un espace de clairvoyance, à l'instar du déchu qui entrevoit en exil la lumière de l'Amour qu'il a refusé et sent le poids de ses fautes. Aussi "Zero" vient-elle sonner comme cet air lyrique délicat mais étrangement hors propos malheureusement, alors que la fin d' "Organs" montrait davantage de tension, de la violence à l'accalmie acoustique. Ce mélange des genres ne parvient pas à prendre forme, et la cohérence de "Mud" en prend un coup, la faute je le disais, à un format court, l'album étant virtuellement rallongé par "Negative" et son morceau caché qui survient après un long silence. "Negative", dont la fin cachée est d'ailleurs l'un des titres les plus intéressants de l'album, à l'esprit Indus proche d'un JESU en plus spectral et futuriste. Dans ce morceau se situe la différence dont DEATH ENGINE pourrait puiser sa force, et il est rageant de ne la saisir qu'à la toute fin, en peu de temps, cachée comme une honte.

Une honte de l'action peut-être ? Car qu'importe la révélation divine, le combat politique, les idées défendues avec davantage d'ardeur, nous restons pécheurs, car nous n'agissons pas toujours. Mais nous ne pouvons pas non plus agir sur tout. La grandeur des choses nous dépasse, les moyens dont nous disposons sont faibles, et il faut dans la sagesse stoïque nous affirmer dans cette déchirure qui mine notre existence : nous ne pourrons pas tout combattre et tout résoudre, admettons-le. Il est bon que l'écoute d'un album puisse faire surgir des réflexions et des pensées profondes, et c'est ce qui confère à DEATH ENGINE son charme : l'appropriation de sa musique. Néanmoins, il est clair que "Mud" est une déception, car trop tourné vers la violence, il en oublie les quelques folies qu'il avait en tête, dispersées et éclatées alors qu'elles auraient gagné à être travaillées davantage dans le cœur de l'album. Un manque de maturité artistique qui sera comblé avec le temps je l'espère, comme toute chose dans ce monde.

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- Mik. (chant, guitare)
- Ol (guitare, claviers, chant)
- Eric (basse)
- Olivier (batterie)


1. Medusa
2. Organs
3. Cure
4. Zero
5. Still
6. Entertain
7. Negative



             



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