Je déteste courir. Randonner en montagne ? Avec grand plaisir, et tous les weekends si possible. Cyclisme ? Oui, cent fois oui. Mais courir, non merci. D'ailleurs, je ne le fais jamais. Sauf quand il pleut, ou lorsque je suis poursuivi par une bande de rebelles armés jusqu'aux dents au Sud-Soudan. Fort heureusement, ce deuxième cas ne se présente que très rarement. Iggy Gwadera est le genre de mec qui doit adorer courir. Mais pas façon marathonien, coureur de fond. Plutôt façon Flash Gordon. À 17 ans, le guitariste polonais tape un sprint comme peu sont capables de le faire. Quitte à dépasser le temps.

L'histoire de ce jeune musicien est tout de même prodigieuse. Son groupe effectuant la première partie des shows polonais de THIN LIZZY en 2013, l'ado se fait repérer par le bassiste Marco Mendoza, subjugué par les qualités et la maturité artistique du guitar-hero en devenir. Quelques discussions plus tard, et quelques coups de fil bien placés, voici sur pied un nouveau projet qui, outre les deux musiciens précités, rassemble également les excellents mercenaires Vinny Appice (vraiment, vous voulez des exemples ?) et Doogie White (RAINBOW, Michael SCHENKER). Quatre initiales rassemblées qui forment donc WAMI, dont le nom est autant recherché que la musique pratiquée, un Hard Rock burné des familles évoquant directement et ostensiblement SAXON, DIO et SCORPIONS. Mais l'essentiel est ailleurs.

Une formidable carte de visite, voici bien l'objectif de ce "Kill The King". Avoir collaboré à 16 ans avec trois grands nom de la scène Hard/Heavy européenne, voici de quoi faire plus d'un envieux et ouvrir un certain nombre de portes, tout comme sa collaboration avec Blaze Bayley a permis à Thomas Zwijsen d’accélérer son plan de carrière. Cet album comporte naturellement une grande part de démonstrations techniques, qui si elles sont bluffantes sur le plan instrumental, peuvent paradoxalement réduire l'impact des morceaux, par ailleurs pas toujours très inspirés. L'album démarre ainsi de manière poussive avec un "The Rider" certes énergique, mais loin d'être impérissable. Iggy Gwadera se comporte en bon guitar-hero, proposant un solo dantesque, glissant quelques touches mélodiques de-ci de-là, mais le morceau manque d'allant, tout simplement.

La rectification du tir n'interviendra qu'à partir du deuxième tiers de l'album. Il ne fait alors aucun doute que si le jeune guitariste s'exprime correctement dans la furie Hard Rock, ce sont bien les nuances et l'alternance du calme et de la tempête qui lui permettent de tirer le meilleur parti de son talent. Sur la power-ballad "Guardian Of Your Heart", par ailleurs sublimée par un Doogie White poignant, l'émotion fonctionne à pleins tubes, et les lignes mélodiques se font d'une grande beauté. De la même manière, le plus alambiqué "Exodus (The Red Sea Crossing)", qui se rapproche grandement de répertoire de DIO, se fait un moment de bonheur intense, introduit par des sonorités orientales et un piano bouleversant, avant que guitares, chant et section rythmique ne mettent en branle un titre épique et grandiloquent, très évocateur des années 80. Plus direct, façon SAXON, "Heart Of Steel" se fait à la fois léger et agressif, grand moment Hard Rock qui met en valeur la belle équipée.

L'album ne décolle jamais véritablement, mais parvient ainsi à convaincre grâce à une poignée de bonnes cartouches savamment placées et exécutées. C'est une évidence, Iggy Gwadera a un avenir radieux devant lui. Le défi, après ce premier pas dans le grand bain, sera sans doute de se détacher de ses influences pour s'ancrer dans son époque, à la manière d'un Marco Wriedt (AXXIS, 21 OCTAYNE). Sans démériter, le quatuor propose ainsi un opus-hommage au Hard/Heavy 80's, sans pour autant offrir un goût suffisant de reviens-y. Allez, Iggy, on s'y remet. Et au pas de course !