Au vu des commentaires de ma bafouille sur INSANE (à partir de maintenant mes intros ont des lectures prérequises, clic clic) j’ai cru comprendre que les lecteurs aimaient bien les pochettes old school tape-à-l’œil. Comment le leur reprocher ? Aussi, pour satisfaire tout le monde et mettre des sourires sur les visages renfrognés des metalheads qui daignent visiter le site, ai-je décidé d’entamer une série de chroniques dont l’unique fil directeur sera des pochettes toutes plus repoussantes les unes que les autres, en me servant de ce prétexte pour chroniquer les groupes les plus morbido-poussiéreux du marché… en incluant peut-être un paragraphe musical à la fin de chaque texte… peut-être.

Et notre groupe du jour réalise une performance tout simplement magique avec son dessin qui n’est rivalisé peut-être que par celui du premier album de RIFF RAFF avec son robot étincelant au soleil qui vous a déjà délivré une dose létale de Metal avant même de s’être fendu d’une seule petite note de musique (sans déconner j’achèterais même en connaissance de cause un cd vierge voire un album de MESHUGGAH s’il avait une pochette comme ça). Issue d’une époque où les illustrations hideusement photoshopées n’étaient encore qu’une prophétie lointaine, DARK WIZARD diffuse une vilenie qui vous ronge les rétines même avec l’image pudiquement redimensionnée par Nightfall en format timbre-poste : DARK WIZARD s’incarne dans une sorte de grand schtroumpf zombi avec une bonne calvitie (et une cirrhose vu la couleur de ses yeux), une baïonnette et un peignoir rose. Qu’est-ce que j’ai kiffé écrire cette phrase ! Engagez-vous comme chroniqueur, on se poile !

Mais pas d’inquiétude, j’ai également une motivation plus avouable pour chroniquer ce "Devil’s Victim" : Hollandais, DARK WIZARD fait partie de cette myriade de groupes qui, après leurs sorties appréciées dans les années 1980, finissent plus muséifiés qu’autre chose jusqu’à parfois une heureuse reformation ponctuelle voire un album bon ou mauvais sorti de nulle part, ce qui ne s’est cependant pas réalisé pour eux, le combo ayant dû annuler sa prestation au KEEP IT TRUE 2012 et la composition de nouvelles chansons n’ayant débouché sur rien. Bref, autant dire que le groupe n’a qu’une actualité décevante, mais c’est l’occasion d’un petit retour sur un catalogue intéressant.

Examinons donc "Devil’s Victim", qu’on voie un coup si le sorcier en a sous la chemise de nuit. Pour parler peu et parler bien, cet EP, un des deux items consistants de la discographie du groupe avec un album sorti l’année d’après, est un des trucs qui m’a le plus fait headbanger comme un débile dans les transports en communs ces temps-ci, particulièrement les premières et dernières pistes. L’opener est un morceau frénétique à faire taper du pied et des mains du bout à l’autre, débute avec tous les instruments déjà lancés en vitesse de croisière, avec solo qui surgit dans un aboiement, batterie qui n’arrête jamais son tac tac tac en pilote automatique, et une basse grassouillette comme un cervelas ! Le groupe a la main heureuse pour construire une mélodie efficace puis vous l’enfoncer dans le crâne en faisant le meilleur usage de toute l’artillerie à disposition.

Les trois pistes qui viennent au milieu font usage de plus de détours et la piste centrale pourrait même à la limite être qualifiée de longue par les speedeux au déficit d’attention le plus prononcé, seule chanson à passer la barre des 5 minutes ! Hormis son refrain "Trip To Doom" est la seule piste assez dispensable, mais "Mr Nice" est bien plus intéressante avec ses plans variés, alternant voix traînantes et plaintives avec des accélérations typiques mais particulièrement bien branlées, ses breaks lancinants, on regrette juste un refrain un peu bébête. Le groupe s’en sort non seulement par ses compos mais aussi par un son qui valorise pleinement chaque instrument, jamais de bouillie ici même avec les vitesses pratiquées. À noter que "Mr Nice" fait référence à une mascotte utilisée en concert, goule sortant d’un cercueil, le genre de gimmick sympa de l’époque, qui époque également la mise en scène des premières tournées de KILLERS, qui faisait sortir des figurants de cercueils sur "Rosalind".

"Devil’s Victim" s’ouvre sur un des meilleurs riffs de l’album et développe tout au long une ambiance bien maléfique que seuls des soli assez cacophoniques viennent parfois rompre. "Big Typhoon" enfin s’empare du paradoxe d’un Speed Metal… Lent, ou du moins qui choisit de prendre son temps pour introduire ce dernier morceau : redéployée, la propension à la vitesse est transmutée en ambiance pesante, avec coups de tonnerre et chanteur qui se fait inquiétant lorsqu’il décrit les vampires qui traversent le ciel… Ce qui rend d’autant plus jouissif le réveil en sursaut (un cauchemar sans doute ?) des tempi galopants et des cris perçants, avec le côté dansant du Speed. Le chanteur excelle d’ailleurs aussi bien pour coller aux rythmes saccadés agressifs comme pour pousser des cris plus longs et chercher des notes hautes, avec l’effet toujours plaisant de vocalise qui se "transforme" sans transition en solo lorsque ni le chanteur ni la guitare suraiguë ne veulent lâcher le morceau. L’EP est parsemé de ces petits "trucs" qui en décuplent l’énergie, la fraîcheur et donc l’intérêt.

Faites-vous plaisir aujourd’hui, posez-vous juste 22 petites minutes pour arrêter de courir après la nouveauté, cassez votre planning d’écoutes et offrez-vous un petit moment en compagnie d’un groupe qui était et restera mineur mais dont l’efficacité ne trompe pas.