Vous avez toujours rêvé de fouler les terres d’Égypte mais vous n’avez pas les moyens de vous payer le voyage ?

Pas de problème ÂMON SETHIS se charge de vous transporter là-bas le temps d’un album. Ces Grenoblois ambitieux avaient déjà sorti en 2009 un EP ("The Legend Of The Seventh Dynasty") en guise de mise en bouche. En 2011 ils proposent la première partie d’une trilogie narrant l’histoire de la septième dynastie égyptienne, sur fond de Metal Prog aux sonorités orientales, avec "The Prophecy".

Le skeud a été pensé comme une sorte d’Opéra Metal, où différents guests interviennent pour interpréter un personnage tandis que Julien Tournoud officie en tant que narrateur. Peaufiné dans ses moindres détails cet album fait partie d’une saga consacrée à l’Égypte antique, il est alors absolument impossible de dissocier (comme il est parfois possible de le faire) le chant de l’univers musical. Ce dernier contribue à planter un décor à la fois massif, tranquille et envoûtant dans lequel on suit le cours d’un récit conté dans différentes langues. Le kabyle, l’hébreu, l’anglais et d’autres dialectes arabes se côtoient au fil des morceaux, nous facilitant l’immersion aux côtés de Seth et consorts… Les techniques de chant de Julien sont également variées : ce dernier maîtrise aussi bien le chant clair, prenant parfois des intonations proches de celles de James LaBrie mais avec un côté plus écorché ("Pyramidion"), que le growl ("Pyramid’s Book", "The Prophecy"). Et côté texte les Isérois savent de quoi ils parlent, tous les fans de divinités égyptiennes seront servis car on est face à une histoire complexe mais très détaillée de cette mythologie.

J’évoquais plus haut James LaBrie mais ce côté DREAM THEATER ne se retrouve pas que dans le chant : la musique en elle-même, et surtout l’utilisation massive, mais parfaitement gérée et efficace, des claviers y est pour beaucoup. Prenons l’intro instrumentale "Journey To Egypt Land", elle témoigne parfaitement de ce que je veux suggérer au niveau des arrangements et des nappes de claviers et nous plonge aisément en –2000 avant J.C. "Pyramidion" quant à lui est un morceau plus typé Heavy au refrain qui, je trouve, sonne légèrement Pop, mais loin d’être cheap, est très frais et entraînant. Ces influences Prog puisent aussi chez les PINK FLOYD sur "The Wait" ; la mélodie au piano, les claviers, les voix mélancoliques me font penser à une sorte d’hybride entre "Comfortably Numb" et "Wish You Were Here". Tandis que le magnifique "Isis The Breath Of Life" semble très inspiré par ORPHANED LAND, avec ce chant féminin profond et apportant une certaine beauté au titre qui semble vouloir se rapprocher de celle de la déesse.

Mais ce voyage atmosphérique est souvent interrompu par des morceaux beaucoup plus pêchus. "Âmon Sethis" est un des titres les plus agressifs (à l’image du Dieu serpent) de l’album, il prendrait presque des accents Thrash, tandis que l’énergique "Pyramid’s Book" tire sur le Power à la GAMMA RAY. "Horus" et "The Prophecy" font également partie de ce registre dynamique mais sont un chouïa plus complexes. Le premier met en avant la dualité qui réside dans la personnalité du Dieu égyptien, à l’aide d’un chant qu’on pourrait qualifier de Black sur les couplets, et d’un chant clair sur le refrain. Le second est un titre des plus épiques : durant ses 8 minutes on assiste à l’avènement de la prophétie, passant d’une ambiance hypnotique à une autre plus angoissante. Ce point final de l’album résume à lui seul toute la palette musicale dont dispose ÂMON SETHIS.

Néanmoins on peut noter deux trois petits défauts à cet album au niveau des enchaînements entre les titres. Comme par exemple la succession entre l’intro, très atmosphérique, et le premier titre, plus massif, qui est un peu bancale : la rupture se fait brutalement et casse légèrement l’ambiance pendant quelques secondes. Les interludes ne sont, de plus, pas toujours pertinents, je dois reconnaître que même si "Chosen By Rê" prend des airs d’incantations religieuses pas dégueulasses du tout, ce titre est trop long, et la mélodie à la guitare qui contribue énormément à cet effet religieux reste tout de même rébarbative et à la longue devient même pénible.

Dans l’ensemble ce groupe talentueux nous offre un disque puissant et varié qui s’écoute d’une seule traite tout en arrivant à rester passionnant : les amateurs d’ambiances mystiques orientales devront adorer !